2021 : quels formats stars pour les médias ?Le rapport annuel du Reuters Institute – le centre de recherche en journalisme de l'université d'Oxford – avec ses observations et ses prédictions pour l'année à venir vient de sortir. L'étude, très riche, s'appuie sur le témoignage de 234 leaders des médias digitaux – rédacteurs en chef, Managing Directors, Heads of Digital... – de 43 pays. Quelles priorités se dessinent pour l'année 2021 en termes de narration ? Définir une meilleure expérience utilisateur et designSi 76 % des sondés estiment que la pandémie a accéléré la transition de leurs entreprises vers le numérique et permis le développement plus rapide de nouveaux formats – CNN a lancé son podcast en seulement quelques jours, « un processus qui aurait pu nécessiter des mois d'analyse et une longue série de meetings » –, les rédactions restent à la traîne pour améliorer l'expérience utilisateur et du design. Se mettre au niveau des attentes des consommateurs est une priorité pour de nombreux sondés. « The benchmark is Amazon and Netflix », souligne l'étude. La priorité est de se concentrer sur l'interaction et le design visuel. « Le design a un grand potentiel pour améliorer l'expérience utilisateur, l'engagement, et la durée de vie d'un abonnement », souligne Goetz Hamann, Head of Digital Editions à « Die Zeit » : « Les rédactions doivent s'inspirer des entreprises purement digitales et de l'industrie de consommation sur la façon d'ajouter de la valeur au design. » Mettre davantage l'accent sur les « visual storytelling formats »La pandémie et les élections américaines ont souligné la valeur des rédactions qui ont su illustrer et expliquer des histoires complexes de manière accessible . Le simulateur de coronavirus du « Washington Post » a été l'article le plus vu de son histoire. « Le datajournalisme s'écarte souvent du récit traditionnel, offrant de nombreuses pistes pour expliquer et explorer l'actu », souligne l'étude. L'IA dans le viseurLes médias misent sur l'intelligence artificielle (IA) pour offrir des expériences plus personnalisées et améliorer l'efficacité de la production. 69 % des sondés affirment que ces technologies auront le plus grand impact sur le journalisme au cours des cinq prochaines années, devant la 5G (18 %). La BBC a testé un chatbot alimenté par l'IA pour répondre aux questions sur le coronavirus en utilisant ses propres ressources. La tendance des podcasts payants Les modèles payants se renforcent. Deloitte estime que le marché du podcast pourrait dépasser 3,3 milliards de dollars à l'échelle mondiale d'ici à 2025 – soit trois fois sa taille actuelle. En 2021, il y aura « la possibilité de vendre des abonnements directement via les applis de podcasts existantes et grâce à l'introduction de nouveaux acteurs comme Substack qui cherchent à étendre le modèle du journaliste indépendant à l'audio ». Les boss : c'est plus ce que c'était« The best ideas don't always come from the top. » L'audience et les data insights (84 %), les équipes pluridisciplinaires (68 %) et les autres médias (48 %) sont considérés comme les meilleurs moyens pour générer les idées les plus intéressantes, contre seulement 26 % pour les dirigeants. | | UN PAVÉ DANS LA JUNGLE | « Le monstre, c'est Twitter. » C'est le constat sans équivoque dressé par un ancien addict à l'oiseau bleu, Samuel Laurent, journaliste au « Monde », dans son essai « J'ai vu naître le monstre : Twitter va-t-il tuer la #démocratie ? », qui paraîtra le 11 février prochain. Pour les politiques et les journalistes, « Twitter, c'est du crack. Ni plus, ni moins », et surtout un canal privilégié d'indignation. « Surtout d'indignation », insiste le journaliste, qui a dû vivre avec des « rafales de vagues de harcèlement dans la tête ». Pour lui, Twitter ne fait qu'encourager la polarisation de l'espace public. « Twitter est conçu pour créer des camps qui s'opposent », déplore-t-il. Il n'est pas le seul à tirer la sonnette d'alarme. La « Revue des médias » a publié une enquête le 11 janvier sur « les effets pervers de Twitter », où toute critique peut devenir « un cri de ralliement ». Y est citée la tribune, datant de juillet 2018, de Maggie Habberman, journaliste au « New York Times ». « Après presque neuf ans et 187 000 tweets », elle y déroule les raisons de son sevrage. La plateforme est aujourd'hui gangrénée par « la méchanceté, la colère toxique des partisans, la malhonnêteté intellectuelle, le sexisme », « Twitter est un anger game pour de nombreux utilisateurs ». Dans un article récent du « Digiday », Amy Brown, une « brand strategist », estime que « Twitter s'apparente à une machine à traumatismes toujours en marche. Il faut un énorme effort mental pour consommer ce contenu, jour après jour ». Pourquoi c'est un pavé ? Après quatorze années d'existence, Twitter souffle sur les braises de la colère. Pour se prémunir d'un retour de flamme, certaines rédactions mettent en place des chartes de bonnes pratiques. Le directeur de la BBC, Tim Davie, a ainsi intimé à ses employés de ne pas exprimer leurs opinions sur la politique ou des sujets controversés sur les médias sociaux. Avec 4,2 millions d'utilisateurs en France, les marques doivent faire attention aux levées de boucliers contre Twitter, et peut-être se tourner vers des environnements plus « safe » (pour l'instant)... Comme LinkedIn, dont l'audience a explosé en 2020. | UN FORMAT À LA LOUPE | | | LE CONTENU QU'ON AURAIT ADORÉ FAIRE | | On était passé à côté mais « Behind The Scenes – Experiments V : Dark Universe », une vidéo promotionnelle d'Apple, sortie sur YouTube le 25 octobre 2020, vaut le coup d'œil. La firme de Cupertino montre dans un clip de cinq minutes les coulisses du tournage d'une (autre) publicité tournée avec l'Iphone 12. Il ne s'agit pas d'un behind the scene classique, mais d'une production pensée comme une véritable publicité, à la qualité de l'image irréprochable et dont le message est simple : notre appareil photo prend des images incroyables dans le noir. Bref une mise en abîme. Smart. | LE CONTENU QU'ON A AIMÉ FAIRE | | UNE DERNIÈRE LIANE POUR LA ROUTE | « Quand on me parle de survivalistes, j'ai dans la tête des images de gars armés jusqu'aux dents, retranchés dans des bunkers, avec autour d'eux des piles de boîtes de conserves. » La journaliste Karine Le Loët est partie frapper directement à la porte de quelques survivalistes, parce que, bon, « les clichés, c'est pratique mais ça ne fait qu'effleurer la surface des gens et des idées ». Nicolas, 27 ans, maçon, se prépare ainsi à toute éventualité, à l'effondrement de notre société, celle qui pourrait succéder à la crise climatique. « J'ai un sac d'évacuation, ma carabine, de quoi manger et faire du feu qui sont toujours prêts », partage-t-il. Une émission intéressante en quatre épisodes de trente minutes, qui aide à se faire une idée plus précise des motivations des survivalistes, qui sont loin d'être de simples illuminés. « L'effondrement et moi », à écouter sur France Culture. Pour bien commencer 2021. |
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