2025 : l’ère des vidéos générées par l’IA
«
Nous allons nous retrouver dans un monde où peut-être que l'essentiel des images que nous allons avoir vont être fausses. » Julien Pain sait de quoi il parle.
Dans un live publié sur son compte Bluesky, le rédacteur en chef et présentateur de l'émission
Vrai ou Faux, le magazine de franceinfo dédié au fact-checking et au débunking de fausses informations livre son sentiment sur Grok, l'IA générative de X (ex Twitter),
qui s'apprête à débarquer sur Iphone : «
J'ai testé la création d'images avec l'IA de Twitter (Grok) et c'est à la fois fascinant et inquiétant. Comment pourra-t-on faire face à ce flot continu de fausses images ? ».
« L'eldorado de la désinformation »Considérée comme «
l'IA la plus fun du monde » par son propriétaire, Elon Musk, Grok est devenue gratuite pour tous les utilisateurs de X mi-décembre. Sauf qu'elle comporte bien moins de restrictions que ses concurrents. Ce qui constitue un immense problème. «
Parmi les contenus mis en avant par Grok, on trouve des messages promouvant des théories du complot avant que nous ne le demandions, comme l'affirmation que l'élection de 2020 était frauduleuse et que la CIA avait assassiné John F. Kennedy », relevait, par exemple, une étude publiée fin août 2024 par l'ONG Global Witness et
relayée par cet article du Monde. «
L'on sait désormais que les faux contenus à forte charge émotionnelle, qui ne sont pas explicitement indiqués comme tel, peuvent avoir une viralité dingue, décrypte l'essayiste spécialisé des cultures numériques et de l'extrémisme en ligne, Tristan Mendès France,
pour le Figaro. Le problème, c'est qu'on ne connait pas toujours la motivation des individus qui partagent ces contenus. Certains n'ont pas pour but de désinformer et le font pour rire, ce qui engendre de la mésinformation. D'autres sont des désinformateurs spécialisés et des complotistes. Grok n'est pas la seule IA générative, mais elle a la particularité d'être souple et sa gratuité abaisse le seuil de technicité requise pour générer des fausses images réalistes. C'est devenu l'eldorado de la désinformation ».
L'ère de la publicité vidéo en un clicAutre développement marquant, la multiplication des vidéos publicitaires générées par une IA. À petite comme à grande échelle. Si l'exemple de
la dernière pub de Noël Coca Cola a fait grand bruit et reçu un accueil glaciale malgré les justifications balbutiantes de Javier Mazza, CMO européen de la société
dans le média Marketing Week - «
Nous ne nous sommes pas lancé en disant : 'OK, nous devons le faire avec l'IA. Le briefing était : "Nous voulons rendre Holidays Are Coming contemporain
" et nous avons alors exploré l'IA comme une solution à ce problème » - cette technologie pourrait être largement employée par les TPE-PME à l'avenir. Souvent freinées par le coût élevé de la production audiovisuelle, elles ont désormais accès à des contenus de qualité professionnelle sans faire exploser leur budget et peuvent créer des vidéos sur mesure et parfaitement adaptées à des publics cibles précis en quelques minutes seulement.
Parmi les solutions phares, on retrouve
Sora d'OpenAI, lancé en France le 9 décembre et
Veo de Google, lancé 4 jours plus tôt. Deux outils qui transforment en quelques clics des textes, des images ou même des ébauches d'idées en vidéos dynamiques, prêtes à être publiées. Sora se distingue par sa capacité à générer des scénarios personnalisés en fonction des données de l'entreprise, tandis que Veo propose une intégration avancée avec les plateformes Google, autorisant une diffusion ciblée et optimisée.
Les réseaux sociaux pas en reste
De son côté, TikTok, pionnier des formats courts et engageants, explore également ces possibilités.
Avec son Symphony Creative Studio, lancé en grande pompe le 14 novembre, le réseau social chinois simplifie le processus créatif à l'extrême et a même noué un partenariat avec Getty Images pour piocher dans sa banque de contenus visuels. «
Le développement de l'IA n'empêche pas la demande croissante de contenus authentiques dans la publicité, que les annonceurs peuvent exploiter commercialement sans craindre d'enfreindre les droits d'auteur », souligne Peter Orlowsky, vice-président senior des partenariats stratégiques mondiaux chez Getty Images,
dans les colonnes des Échos.. Résultat : vous entrez l'URL de votre site web ou de votre page produit, vous cliquez sur un bouton et le tour est joué !
Meta, via ses poules aux œufs d'or que sont Facebook et Instagram, s'est aussi lancé dans la course. Depuis le mois d'octobre, l'entreprise de Mark Zuckerberg propose
Movie Gen, un outil capable de générer des publicités vidéo éditées par l'IA sur ses deux plateformes. Tout comme YouTube, avec son savoir-faire en matière de vidéos longues, qui mise sur des outils IA qui élargissent les possibilités de narration, avec des algorithmes qui analysent les tendances, les préférences des utilisateurs et les données comportementales pour proposer des créations au plus près des attentes de toutes les audiences. «
Cette technologie permet d'augmenter la récurrence d'utilisation des outils publicitaires, explique Emmanuel Berne, de l'agence Heaven, pour
Les Échos. C'est un levier extraordinaire qui permet à n'importe qui de générer du contenu à plus forte valeur ajoutée. C'est à qui se positionnera le mieux pour inclure les annonceurs et les accompagner dans l'IA ».
Un impact majeur sur le marketing digitalSi cette démocratisation de la publicité vidéo promet de réduire les inégalités entre grandes marques et petites entreprises, elle pose également des questions. L'abondance de contenus vidéo risque de saturer les utilisateurs, tandis que l'uniformisation des créations pourrait affaiblir l'impact de certaines campagnes. D'autant que la question éthique de l'utilisation des données pour générer ces vidéos reste en suspens. En mars, la marque Under Armor avait sorti une pub mettant en scène le boxeur Anthony Joshua entièrement réalisée par une IA. Sauf que les images montrant le poids-lourd en action avait été "empruntées" à d'autres spots bien réels, eux. Comme celui tourné par Gustav Johansson,
qui s'était alors lancé dans un débat houleux avec Wes Walker, le réalisateur de ce plagIA... «
Under Armour peut faire ce qu'il veut avec les images, bien sûr, mais vous êtes sur une pente glissante en tant que créatif en disant que c'est l'IA alors qu'en réalité, ce sont des humains derrière, s'était-il emporté.
L'IA n'a vraiment rien à voir avec cela, c'est plutôt la façon dont vous choisissez d'étiqueter et de promouvoir votre travail, c'est encore plus important lorsque les temps changent ». Ce à quoi Wes Walker avait rétorqué : «
L'avenir, ce sont les marques qui forment l'IA sur leurs produits, leurs athlètes, leur esthétique, la réutilisation des bases de séquences existantes et l'utilisation de l'IA pour faire plus avec moins de temps ». Place à l'avenir, donc...