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Agriculture biologique, il y a urgence !


Chère amie, cher ami,

Il y a quelques jours, je suis tombé sur un article de presse relatant l’accaparement de terres agricoles françaises (il n’y a pas d’autres mots) par un géant de l’agroalimentaire chinois. (1)

Cette information date en réalité de l’été 2017 (2). 

900 hectares de terre ont été achetés dans l’Allier par le Reward Group International.  C’est la deuxième opération de cette nature conduite par Reward, cette entreprise chinoise œuvrant pour le compte de l’Etat Chinois.

De 2014 à 2016, ce groupe avait déjà acheté 1700 hectares de terre dans le département de l’Indre.

Dans les deux affaires, les conditions d’attributions de ces terres posent questions : élus locaux prévenus après coup, institutions locales de contrôle (SAFER) dépassées, contournement du droit agricole, etc…

Le ton nationaliste et conquérant du site Internet du groupe agroalimentaire chinois ne fait aucun doute sur les intentions des acquéreurs. Le principe du groupe Reward : « Développer l'industrie au service de la patrie ».

Et cela passe par l’acquisition de terres en France : 

Reward introduit en Chine la farine haut de gamme provenant des principales régions productrices céréalières européennes. Ce projet qui relie le champ français à la table chinoise a pour objectif de promouvoir la sûreté céréalière et la sécurité alimentaire en Chine. Aujourd’hui, Reward a déjà établi aux Etats-Unis des bases de production et de R&D de premier plan au niveau international et a acquis en France 8 grandes fermes en propriété permanente.” (3)

Il y a des bouches à nourrir en Chine
, il faut assurer les approvisionnements et pour cela il faut acquérir des terres. La Chine procède ainsi en Afrique, en Mongolie intérieure, etc.

Cela dit, l’opération s’est faite, a priori, dans la légalité.

Quel modèle agricole pour les investisseurs ?

Acheter des terres agricoles n’est pas si facile en temps normal. C’est une activité très encadrée. Les SAFER (Sociétés d'Aménagement Foncier et d'Etablissement Rural), créées en 1960 pour réguler les cessions agricoles et forestières et en accompagner le développement, peuvent exercer un droit de préemption sur les ventes des terres. Elles privilégient, en temps normal, les cessions entre familles d’agriculteurs.

En l’occurrence, le groupe alimentaire a acheté 98% des parts de la société détenant les terres, le propriétaire originel ayant gardé 2%. Ce n’est donc pas à proprement parler une “vente de terre agricole”. La SAFER et les élus locaux n’ont pas pu agir juridiquement (2). Il y a, à l’heure actuelle, une faille dans la loi.

Cette astuce a été menée avec l’aide d’un courtier spécialisé, Marc Fressange, qui connaît par cœur les ficelles du droit agricole.

Vous me direz : quel est le lien avec la santé ? Et pourquoi l’achat de terres pose-t-il problème ?

Ces deux questions sont liées. Qu’une puissance étrangère achète un vignoble ou une ferme ne pose sans doute pas de difficulté majeure, qu’elle achète des pans entiers d’un département, c’est tout de même une autre histoire !

Ce sont de vastes étendues de terre qui passent sous le contrôle de personnes qui ne vivent pas sur place.

Leur intérêt premier n’est pas le bien-être de la terre acquise. Quelles seront les méthodes d’agriculture utilisées par ces groupes ? Engrais, pesticides et agriculture intensive ?

Pourquoi s’en priveraient-ils ?

Ce type d’agriculture est encore à l’ordre du jour en France. La FNSEA, le principal syndicat des agriculteurs n’a pour l’instant pas changé ses orientations. En 2017 ont eu lieu les Etats Généraux de l’Alimentation.

Le gouvernement a reçu les agriculteurs, l’industrie agro-alimentaire et les consommateurs.

D’après Bernard Astruc, coordinateur de l’association Consommateurs Pas Cobayes en région PACA et présent lors des débats, aucun bilan n’a été fait.

Aucune stratégie globale pour l’agriculture n’a été élaborée à l’occasion de ces Etats Généraux. Seul un catalogue de mesures techniques allant dans le sens de la continuité de ce qui existe déjà a été retenu.

Mettre en place un modèle durable

Cette inertie gouvernementale, liée aux intérêts économiques de quelques gros acteurs de l’agriculture, est inquiétante.

En effet, il est désormais connu que les sols s’appauvrissent en France et dans le monde à un rythme rapide. Ce constat a été dressé par l’INRA et expliqué au grand public dans un reportage de France 2, il y a plusieurs années (vidéo ici).

Dans ce reportage, les experts agricoles, réunis autour du Ministre de l’agriculture de l’époque, Stéphane Le Foll, disent que “nous allons dans le mur.

Les agriculteurs le savent bien aussi. Ils sont du reste en train de faire changer leurs pratiques. Certains développent l’agriculture raisonnée, tandis que l’agriculture biologique est en plein essor.  

Il faut encourager ce mouvement !

Et cela passe aussi par un contrôle accru des investissements dans le domaine agricole. 

En clair, il faudrait que les autorités nationales et locales :

>> Mettent en place un plan ambitieux pour développer l’agriculture biologique ;

>> Encadrent les investissements étrangers en les soumettant par exemple à une charte sur la qualité des sols, voir en les obligeant à pratiquer une agriculture biologique.

L’association Consommateur Pas Cobayes a du reste présenté un plan stratégique contenant des propositions intéressantes allant dans ce sens. (Vous pouvez le retrouver ICI.).

Cela garantirait des investissements de qualité.

Car les sols sont la garantie de la survie et de la santé des populations d’aujourd’hui et de demain.

Nos enfants et nos petits-enfants doivent avoir la possibilité de cultiver la terre sur laquelle ils sont nés et ont grandi ! 

Souveraineté alimentaire & santé de tous

Je suis convaincu que dans les décennies qui viendront, la terre va prendre beaucoup de valeur, comme cela a longtemps été le cas : 

  • Les terres arables diminuent dans le monde ;

  • Les pratiques agricoles et l’urbanisation incontrôlées tuent les sols ;

  • La surface des déserts s'accroît.

Et tout cela se déroule dans un contexte de réchauffement climatique qui fragilise les populations agricoles et leur travail.

Avec le temps, nous nous rendrons compte à nouveau à quel point la terre est quelque chose de précieux, à quel point nous en dépendons.

Et en dépit de la multiplication des échanges commerciaux dans le monde, de la mondialisation, des flux de populations, etc., il est utile que chaque territoire soit capable d’assurer sa survie alimentaire.

C’est vrai de n’importe quel pays d’Afrique, c’est vrai pour tout pays européen, et on pourrait même pousser cette logique au niveau régional.

Faire pousser du quinoa au Pérou pour des consommateurs français n’a pas véritablement de sens...

La tragédie Argentine !

Le meilleur exemple récent de la nécessité pour les peuples à maîtriser ce qui se passe sur leur territoire vient de l’Argentine.

Ce pays a connu ces dernières années l’une des pires tragédies de son histoire. Elle se déroule sous nos yeux. C’est une forme moderne de génocide et “d’écocide”.

Les mots que j’ai choisis sont forts. Ils le sont à dessein. Mais laissez-moi vous exposer les faits. Vous me direz ensuite si vous trouvez toujours que j’exagère.

Du reste, ces mots ne sont pas les miens. L’histoire que je relate a déjà été racontée par Marie Monique Robin dans son film : « Le Roundup face à ses juges », dont elle a tiré un livre du même nom, publié chez Arte.

Le chapitre consacré à l’Argentine s’appelle le “génocide silencieux”.

La pampa argentine couvre 650 000 km2, une surface de terre grande comme la France, la Belgique, la Suisse et les Pays-Bas ! C’était l’un des pâturages les plus fertiles du monde où on cultivait depuis 200 ans du blé, du maïs, du tournesol, de l’arachide et du soja, des légumes et fruits. C’était aussi une terre d’élevage extensif : le pays de la “vache et du lait” où l’on trouvait les meilleures viandes du monde.

Ça, c’était avant.

Dans son livre, Marie Monique Robin nous dit : 

« La Pampa n’est plus qu’une vaste étendue morne, dédiée à la monoculture de soja Roundup Ready et où les vaches ont disparu. Celles-ci sont désormais confinées dans des feedlots, ces usines à viande dont le modèle a été importé des Etats-Unis. En m’approchant de la ville de Rojas, où Monsanto possède une usine de semences transgéniques, j’ai essayé de filmer l’un des camps de concentration bovins que l’on apercevait au bord de la route. Entassés dans un terrain boueux, les vaches poussaient d’infinis gémissements. A peine avions-nous sorti la caméra que déjà des gardiens armés nous avaient intimé l’ordre d’arrêter, au motif que nous n’avions pas le droit de filmer une « propriété privée ». Derrière le feedlot se dressait un énorme silo bourré de soja transgénique. Bienvenue dans le nouvel ordre agricole promu par Monsanto, qui en vingt ans, est parvenu à transformer l’un des anciens greniers du monde en un producteur de fourrage destiné aux élevages industriels de Chine ou d’Europe ! »

La nouvelle agriculture de Monsanto est simple à comprendre. L’Argentine et son économie ont été « sojaifiées. »

A la fin des années 90 on a planté partout du soja transgénique résistant au Roundup. Partout on a déversé par avions entiers du Roundup. Le désherbant a tué tout ce qui n’était pas soja. Le pays a été désherbé.

Dans un premier temps en tout cas. Car quelques années plus tard, les « mauvaises herbes » avaient changé. De nouvelles herbes résistantes au Roundup sont apparues. Il a fallu charger davantage les doses du Roundup.

Des populations sacrifiées

Assez vite, les populations ont commencé à payer un lourd tribut au nouveau système agricole de Monsanto.

Les travailleurs agricoles sont tombés malades. Puis cela a été le tour de leurs familles, des enfants des écoles. Tous les villages ont été touchés.

Dans cette vidéo du journal de France 2 vous retrouverez un résumé de la situation en Argentine. Les images, parfois, sont plus parlantes que les mots…

La vidéo est ici.

En 2018, le soja argentin, c’est : 

>> 21 millions d’hectares, soit 60% des terres cultivées ;

>> 240 millions de litres de Roundup consommés (1 million avant 1997). C’est cinq litres par an et par habitant ;

>> 30% des entrées des devises nationales ;

>> 22 fausses couches pour 100 grossesses. C’était 6 pour cent en 1997, soit une augmentation de plus de 300% (étude menée dans les campements sanitaires auprès de 96 874 personnes) ;

>> 18 pour mille malformations congénitales contre 9 pour mille en 1997 ;

>> Une explosion des cancers ;

>> Une explosion des hyperthyroïdies : 47/10 000 soit 10 fois plus que dans la population espagnole.

L’obésité a augmenté également de manière inquiétante. Est-ce encore la faute du Roundup ? Ce n’est pas impossible. Car les pesticides sont aussi des perturbateurs endocriniens…

L’étendue du désastre est difficile à mesurer. Une chose est sûre, elle est considérable.

La crise financière de 1997 a permis à Monsanto de faire main basse sur l’Argentine en quelques années parce que les gouvernements de l’époque étaient corrompus.

La même chose pourrait arriver en France si nous ne sommes pas vigilants. Je ne dis pas que dans l’affaire des 900 hectares achetés, les intermédiaires ont été corrompus. Mais je constate qu’il y a eu peu de résistance institutionnelle.

Le monde d’aujourd’hui est structuré (ou déstructuré) par les intérêts changeants des banquiers et des investisseurs. Différents observateurs de l’économie prédisent une crise financière dans les années à venir en France et ailleurs.

Je ne suis pas économiste.

Mais si nous réagissons mollement aujourd’hui face à des achats de terre démesurés et mal encadrés, comment ferons-nous pour résister dans une situation plus critique ?

Quant au lien avec la santé, il me semble que le cas de l’Argentine montre qu’il est évident.

La manière dont nous cultivons nos terres a un effet direct sur notre santé. D’abord en raison des pratiques agricoles utilisées, ensuite via les produits agricoles proposés.

En l’occurrence, vous me direz, ce dernier problème concerne davantage les chinois, puisque le fruit de ces terres leur sera exclusivement réservé…

Naturellement vôtre,

Augustin de Livois


 
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(1) Dans l'Allier, l'achat de 900 hectares de terres par un Chinois fait grincer des dents
(2) Des investisseurs chinois acquièrent 900 hectares de terres dans l'Allier
(3) Reward Group : Présentation du Groupe


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