Des mots pour contrer les maux
Tous, nous sommes aujourd’hui sous le choc de cet odieux assassinat d’un professeur du lycée Gambetta d’Arras par un ancien élève devenu terroriste. Comment d’abord ne pas manifester notre compassion à l’égard de la famille de cet enseignant et vis à vis de tous les élèves de ce lycée qui ont connu la peur de leur vie ?
Me revient en mémoire, en ce temps de douleur, le premier verset de l’Evangile de Jean : "Au commencement était le Verbe"... autrement dit, la Parole. N’est-ce pas elle qui est fondatrice de notre humanité ? Ce qui me paraît dramatique, dans notre société d’aujourd’hui, c’est la perversion de la parole. Suite aux événements tragiques qui se déroulent au Moyen Orient, voici que certaines voix s’élèvent pour justifier l’injustifiable au nom de la justice. Nous voici alors rendus en pleine confusion de langage. Et lorsque les mots ne font plus sens, la violence est au rendez-vous.
Quarante années de pratique du métier d’éducateur spécialisé m’ont fait découvrir que les jeunes les plus violents sont souvent ceux qui n’ont pas la capacité de mettre des mots sur ce qu’ils ressentent. Alors la violence devient pour eux en quelque sorte un langage en actes. D’ailleurs, lorsqu’on écoute le témoignage d’anciens camarades de lycée de ce jeune devenu meurtrier, ils évoquent une personnalité excessivement taciturne, en difficulté pour échanger avec les autres.
Aussi, au sortir de cette rencontre, riche en échanges de toutes sortes, entre les différents chefs d’établissement scolaire de notre réseau (lire ci-dessous), voudrais-je rendre hommage aux héros de notre République et de notre Église que sont les enseignants. Car c’est à eux que revient entre autres cette mission de permettre aux jeunes d’aujourd’hui de raisonner "juste", en développant leur capacité de discernement, et de mettre des mots "ajustés" sur leur perception du réel et de leur propre ressenti. Ne nous étonnons pas alors qu’ils soient devenus la première cible de ceux qui veulent préconiser l’effondrement de notre démocratie.
Puisse le rêve de Don Bosco qui, voici deux siècles, voyait la douceur triompher de la violence continuer d’inspirer tous les enseignants et les éducateurs d’aujourd’hui !