Dans une économie libérale, la mission première d’une banque centrale consiste à maintenir la stabilité des prix. Tout serait tellement simple si les autorités monétaires s’y tenaient. En Suisse, il n’y a rien à dire. La BNS remplit parfaitement sa mission. Après un pic à 3,5% courant 2022, l’inflation a considérablement ralenti. Désormais à 1,4%, elle se situe nettement sous le seuil des 2%, un niveau communément admis comme une hausse des prix sous contrôle. Voilà pourquoi l’institut présidé par Thomas Jordan a pu desserrer la vis monétaire en mars. Dans la zone euro en revanche, les choses sont plus compliquées. L’inflation accélère. La Banque centrale européenne s’attend désormais à ce que le renchérissement atteigne 2,5% cette année (contre 2,3% lors de ses prévisions de mars), puis 2,2% en 2025 (2%). Clairement, la hausse des prix n’est pas encore maîtrisée. Pourtant, faisant fi de cette réalité, la BCE a décidé jeudi d’abaisser ses taux directeurs. Il n’est pas exclu qu’elle le fasse à nouveau cette année. Que faut-il comprendre? Les justifications de Christine Lagarde ne m’ont pas convaincu. Comme l’a signalé mon collègue Pascal Schmuck, l’explication est en réalité politique. Baisser les taux soulage les débiteurs, à commencer par une série de gouvernements surendettés. Ces derniers bénéficieront aussi d’une inflation durablement élevée qui réduira mécaniquement le montant réel de leur dette. La fameuse «euthanasie des rentiers», comme l’écrivait Keynes, peut continuer d’opérer. Cet assouplissement de la BCE confortera aussi Paris dans son déni de réalité. La dette française n’est pas encore insoutenable (110% du PIB en 2023 contre 98% en 2019!), mais les signaux d’alerte se multiplient (comme l’abaissement récent de la note de Standard & Poor’s). Hélas, le gouvernement français reste incapable de mettre ne serait-ce qu’un peu d’ordre dans les finances publiques (quand le Conseil fédéral en met sans doute un peu trop, mais c’est un autre sujet). Ne voyez dans ces lignes aucune “Schadenfreude”. Si la France, deuxième force économique de la zone euro, perdait la confiance de ceux qui détiennent sa dette (la moitié sont étrangers), la Suisse n’échapperait pas aux répercussions d’une telle crise. Le renforcement inévitable du franc mettrait sous pression toute l’industrie d’exportation, y compris la place financière. En attendant, les indices boursiers continuent de s’envoler, y compris à Zurich. Le SMI a atteint cette semaine son plus haut niveau de l’année. S’agit-il d’un autre déni de réalité? Les baisses de taux profitent toujours aux marchés actions. Reste à voir si celles que toute le monde attend cette année encore, de Zurich à Francfort, en passant par Washington, soutiendront les cours encore longtemps. Et avant de vous laisser, un tout autre sujet. Faut-il taxer les héritages? Une proposition dans ce sens a été discutée cette semaine à Berne, dans le cadre de la recherche de financement pour l’AVS et l’armée. Rejetée par le Conseil des Etats, l’idée mérite cependant mieux qu’une simple fin de non recevoir. Même lorsqu’on l’examine d’un point de vue strictement libéral. |