BeReal : un succès bien réel
Facebook a un nouveau concurrent. Et il a émergé de «
l'endroit le plus improbable qui soit (la France) »,
d'après le journaliste tech Nathan Baschez. Après deux ans de lente ascension, le réseau social BeReal, surnommé l'anti-Instagram, est désormais «
devenu l'application préférée de la génération Z »,
selon le Guardian. Ce «
Facebook des temps modernes » créé par Alexis Barreyat et Kevin Perreau, tous deux diplômés de l'école 42, suscite l'enthousiasme
« parmi les TikTokers, les accros de Twitter et les étudiants ». Les chiffres parlent d'eux-mêmes :
BeReal compte aujourd'hui plus de dix millions d'utilisateurs actifs quotidiens, contre deux millions en janvier. Le réseau social, valorisé à 600 millions de dollars, est actuellement numéro 1 des applications de réseau social dans l'App Store d'Apple. Malgré ces chiffres, la start-up compte toujours moins de 30 employés.
Mais concrètement, de quoi s'agit-il ? La petite histoire : En 2016, Alexis Barreyat, le créateur de BeReal, travaille pour GoPro et gère des influenceurs, pour qui il développe rapidement une «
certaine antipathie ». «
La différence entre l'image qu'ils montrent face caméra et hors caméra est incroyable. Ils passent des heures sur leurs smartphones, font la gueule »,
expliquait-il au Parisien en 2021. De cette aversion naît BeReal. Sur l'App Store, la description de l'appli est claire : «
BeReal ne te rendra pas connu, ni famous, si tu veux devenir un influenceur, tu peux rester sur TikTok et Instagram ».
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La philosophie : Pas de filtres. Pas de montage.
Juste de l'authenticité. Sur BeReal, les gens ne postent qu'une seule fois par jour, incités par une notification push leur indiquant que c'est « Time to BeReal », encadrée par deux émojis jaunes de mise en garde. En un clic, l'application prend deux photos, l'une provenant de la caméra avant et l'autre de la caméra arrière, simultanément. Les utilisateurs disposent de deux minutes pour poster une photo de leurs occupations et voir les photos des autres. L'objectif : faire en sorte que les utilisateurs prennent une photo
random, pas très soignée, pour promouvoir des relations dites plus «
authentiques ».
Le regard extérieur : Pour le New York Times, BeReal parvient à «
capturer notre nostalgie d'une époque où les médias sociaux étaient ennuyeux ». L'appli – mélange d'instantanés des journées banales des autres – offre un «
type d'intimité très différent, un peu rétroactif, à la manière d'un vlog du début des années 2010 ou d'un vieux statut Facebook ». D'après le média, le réseau social met l'accent sur «
le partage excessif, peut-être, mais le partage excessif de détails qui disparaîtront le lendemain, au lieu de constituer un enregistrement permanent de soi ».
Les raisons du succès : L'appli profite de la fronde contre Instagram (
on en parlait ici) et TikTok. Dernièrement, Brody Wellmaker, star sur TikTok aux 21,6 millions d'abonnés, a annoncé faire une longue pause dans ses contenus,
épuisé par une plateforme toxique, qui ne se préoccupe que de « l'argent ». D'après le Guardian, la nouvelle vague de plateformes de réseaux sociaux – BeReal, Locket Widget, Yubo, Poparazzi – s'élève contre cet impératif devenu pesant : «
La pression croissante pour performer, développer un public et devenir un influenceur sur TikTok et Instagram. » Il ne s'agit plus de capitaliser sur ses contenus, d'être dans la course aux likes, de monétiser à tout prix ses contenus au point de perdre la santé. L'important est désormais de vivre l'instant présent, de se libérer de cette culture du perfectionnisme.
Les autres lorgnent Facebook affute ses armes : Instagram travaillerait sur une nouvelle fonctionnalité,
intitulée « Candid Challenges », soit une réplique de BeReal. L'option propose de prendre un selfie et une photo standard au même moment, avec les deux caméras du smartphone, pour les partager ensuite en story.
Pour le journaliste tech Nathan Baschez, cette initiative répond à un objectif simple : «
empêcher des centaines de millions de personnes de quitter Instagram pour rejoindre BeReal, de la même manière que des masses d'utilisateurs l'ont quitté pour rejoindre Snapchat et TikTok. Pour y parvenir, ils n'ont pas besoin d'un clone parfait, il faut juste qu'il soit bon », prédit-il.
Les marques sur le pont : Bien que BeReal n'autorise pas la publicité officielle, certaines marques parviennent à y trouver leur place,
rapporte Fast Company.
Chipotle et
e.l.f. Beauty ont ainsi créé des profils, proposant des photos des coulisses et des codes de réduction. «
La plateforme offre une opportunité d'expérimentation et de fidélisation potentielle », observe le média. Par ailleurs, être le premier sur une plateforme comporte ses avantages, même si celle-ci se crashe. Il est en effet plus facile d'accroître son audience dans un espace qui n'est pas encore sursaturé. À bon entendeur.