L’année 2025, que je souhaite excellente à toutes nos lectrices et à tous nos lecteurs, débute par un sujet qui déchaîne les passions: les milliards de bénéfice de la Banque nationale suisse (BNS). Jeudi, la Confédération et les cantons ont appris qu’ils recevraient un total de 3 milliards de francs de dividendes de la banque centrale, soit bien plus que ce qu’ils avaient budgété. Rien que cet énoncé aurait de quoi faire bondir tout économiste digne de ce nom. L’indépendance des instituts d’émission face aux pouvoirs publics n'avait-elle pas été une grande victoire de la fin du XXe siècle en matière de politique monétaire, au moins dans les économies développées? La Suisse reste en effet une exception. Cotée en Bourse mais avec la majorité de son capital contrôlé par les cantons, la BNS reverse une partie de ses bénéfices à ses actionnaires, à certaines conditions. La taille démesurée prise par son bilan depuis la crise financière de 2008, en raison d’achats massifs de devises afin de limiter l’envolée du franc, a totalement changé les choses. Investis à travers le monde, ses quelque 800 milliards de francs de réserve produisent des gains parfois gigantesques, comme l’an passé, ou des pertes tout aussi abyssales (132,5 milliards en 2022). Les responsables politiques, surtout en Suisse romande, ignorent cette volatilité et préfèrent considérer la BNS comme une banque commerciale, comptant de plus en plus sur elle pour combler leur déficit budgétaire. Ou financer l’AVS, la transition énergétique, et pourquoi pas demain le métro de Genève? Comme nous l’avons écrit cette semaine, le versement de ces dividendes aux collectivité publiques est donc une fausse bonne nouvelle. Le débat sur leur utilisation détourne l’attention de la seule mission de la BNS: assurer la stabilité des prix. Or, l’expérience a montré que pour être atteint, cet objectif requiert que celle-ci soit indépendante de l’Etat. De ce point de vue, la taille de son bilan est devenue un poison. Un autre débat occupe nos colonnes en ce début d’année, la réforme du système de santé. Mes collègues Jonas Follonier et Nathalie Praz ont interviewé Pierre-Yves Maillard dans son stamm de Renens. Le conseiller aux Etats socialistes et président de l’Union syndicale suisse précise son projet de caisse unique. Exit la solution fédérale, un temps évoquée, place à une réponse cantonale. Est-ce un progrès? Le problème est que le Vaudois défend toujours une mainmise de l’Etat sur le système, tolérant à peine les acteurs privés. On ne peut pourtant pas dire que son propre canton soit source d’inspiration, lorsque l’on voit l’état catastrophique des finances du Chuv et sa gouvernance hautement opaque. Sans oublier que les hôpitaux universitaires romands sont à la fois les plus subventionnés de Suisse, et les plus déficitaires. Sur le dossier européen, le socialiste qui fut un fervent partisan de l’adhésion à l’Espace économique européen au début des années 90 se montre inflexible. Quoi que le Conseil fédéral fasse, ce sera un grand NON aux nouveaux accords bilatéraux conclus avec Bruxelles fin décembre. La semaine a aussi été marquée par les attaques d’Elon Musk contre plusieurs dirigeants européens. La Suisse y échappe pour le moment. Sommes-nous trop petits pour le nouveau bras droit de Donald Trump? Nous verrons s’il se rend au Forum économique mondial (WEF), qui tient sa réunion annuelle la semaine du 20 janvier à Davos (L’Agefi y sera). En attendant, ses attaques m’ont rappelé ce que l’essayiste David Baverez écrivait dans son dernier ouvrage, paru au printemps dernier. L’essayiste mettait en garde la vieille Europe contre les Etats-Unis, prêts à la «piller» afin de maintenir leur avance sur la Chine. Le Groenland, territoire danois désormais revendiqué par Donald Trump, en est la dernière illustration. Pour conclure, je ne peux que vous recommander la lecture de notre débat avec trois stratégistes de l’Isag, Daniel Jakobovits (Hyposwiss Private Bank), Arthur Jurus (Oddo BHF Bank Suisse), et Valérie Lemaigre (BCGE). Car malgré l’incertitude politique, il faut bien continuer d’investir. Ne me dites pas que vous êtes inquiets au point de laisser vos économies dormir sur un compte épargne au rendement réel nul. A titre d’exemple, ceux qui ont acheté des actions UBS il y a quelques années n’ont pas eu à s’en plaindre, comme le résume Christian Affolter. |