La décision de justice contre Binance semble faire les affaires de Coinbase, dont le titre gagne plus de 20% depuis l’annonce de mardi 21 novembre (le cours du bitcoin soutient aussi l’action). Ces deux plateformes d’échanges de cryptomonnaies visent un marché mondial, mais avec deux attitudes différentes. Alors que Binance a longtemps tenté d’échapper aux autorités, Coinbase a, au contraire, choisi assez tôt de se conformer coûte que coûte aux desiderata de Washington.
Cela n’est pas sans lien avec leurs histoires respectives : Binance a été lancé en 2017 en Chine, peu avant que Pékin mène une offensive contre les cryptomonnaies. Le parti communiste chinois a toujours été ambigu sur le secteur : il l’a parfois toléré avec complaisance et a d’autres fois imposé des restrictions draconiennes. Il est clair, dans tous les cas, que Pékin n’avait aucune intention de laisser les cryptomonnaies prendre de l’ampleur au point de menacer son autorité. Binance a ainsi déménagé à plusieurs reprises et choisi une forme de clandestinité ; nous ne lui connaissons toujours pas de siège international, bien que la société dispose de plusieurs bureaux régionaux.
Born in the USA
Aux Etats-Unis, pays de Coinbase, la situation n’était pas beaucoup plus favorable – la Maison blanche a encore publié en mars un rapport au vitriol sur les cryptomonnaies. Mais le soutien à l’innovation d’une frange de la classe politique a permis à quelques acteurs de se développer et d’espérer une plus grande ouverture à terme. Il suffit de voir l’accueil réservé par le Congrès à Gary Gensler, président de l’autorité américaine des marchés (SEC) et pourfendeur des cryptomonnaies : il a été accusé de nuire à l’esprit entrepreneurial et d’être incohérent dans ses décisions.
Coinbase n’est peut-être pas dans le trio de tête des plateformes d’échanges (il serait à la cinquième place, selon le site spécialisé The Block), mais son pari de rester sur le territoire des Etats-Unis (New York) semble gagnant aujourd’hui. La société a même choisi d’être doublement scrutée, car listée au Nasdaq depuis avril 2021, elle doit se conformer aux critères de transparence de Wall Street. Binance, première plateforme mondiale, mais hors des clous pendant longtemps, doit s’acquitter d’une amende de plus de 4 milliards de dollars et son PDG a dû démissionner.
Coinbase demeure toutefois poursuivie par la SEC, qui l’accuse de ne pas s’être enregistrée correctement comme bourse d’actions et de mélanger des activités traditionnellement séparées. La bataille n’est pas finie, à moins que Gary Gensler dépose les armes. Et il pourrait bien y être forcé. Outre l’hostilité de quelques élus, la SEC n’a pas été associée à la décision contre Binance et la justice lui a donné tort dans une autre affaire (Grayscale). Un professionnel du secteur nous confie à demi-mot que son autorité sur les cryptomonnaies semble compromise. Cela laisserait la voie libre à Coinbase pour se développer, notamment avec BlackRock : le premier gérant d’actifs de la planète souhaite travailler avec la plateforme d’échanges pour son projet d’ETF Bitcoin.
Rémy Demichelis