Si vous lisez le ELLE sorti jeudi dernier, vous verrez peut-être un papier sur le bilan d’Emmanuel Macron et les femmes, signé de ma petite personne. Il s’agit d’un texte archi sérieux, pour lequel j’ai même dû passer des coups de téléphone à des responsables d’associations féministes, autant vous dire que je suis sortie de mon process journalistique habituel (1. J’ai un texte à écrire. 2. Je regarde ce que fait mon mari 3. Je balance tout) Mais ce qui est rigolo, c’est le pourquoi de ce papier au premier degré, et comme on est entre nous, ce sont les coulisses du journal et non mon époux, que je vais balancer aujourd’hui. En fait, Macron, j’aurais dû l’interviewer. En tête à tête, et ouais. Tout a commencé mi-décembre, quand la rédaction s’est réunie pour décider qui allait parler à quel candidat avant les présidentielles. Comme ça risquait de partir en sucette (les journalistes en venant aux mains pour interviewer Jean Lassalle, vous imaginez), on a mis les noms des grands reporters dans un chapeau (j’en fais partie, je sais c’est fou) et ceux des principaux candidats dans un autre, à charge pour une personne intègre et innocente de tirer au sort (mon collègue Patrick Williams a.k.a « Pat la Blatte » dans son groupe de rock indé). Dans la mesure où je ne gagne jamais aux jeux de hasard, je pensais tomber sur un Eric Zemmour ou un Philippe Poutou, mais les noms ont défilé, et à la fin, il n’est resté que... Macron et moi. Cette impression d’avoir gagné la fève, les amis ! Interviewer un président sortant et probablement rentrant ? Archi beau gosse en plus ? (phrase qui gâche tout) J’ai donc passé près de trois mois à rouler des mécaniques dans les couloirs du journal, agitant des liasses de documents d’un air débordé : « Pas le temps, je bosse sur Macron... C’est moi qui le fais, tu savais ? ». « Oh, Ava, tu as tiré Le Pen ? Ca va être passionnant mon chaton ! Moi je fais le président. Ah, tu savais ?». « Olivia chou, tu as qui ? Hidalgo ? Ben tu vas te marrer ! Moi je fais Macron, ah, je te l’ai déjà dit... treize fois ? ». J’avais même pris rendez-vous chez le coiffeur pour ma couleur, c’est vous dire mon état de préparation extrême. Et puis, Vladimir Poutine a envahi l’Ukraine. Pile avant le bouclage du numéro sorti jeudi, celui dans lequel devait figurer son interview. Qui a donc été annulée et remplacée par sa participation à une émission de télé ELLE/LCI. Même avec la pire mauvaise foi du monde, je n’ai pas réussi à me formaliser que le président préfère passer ses journées en Facetime avec un sale type chauve plutôt qu’avec moi, qui suis bien peignée et très gentille. Donc je pardonne, et quand désormais, dans le couloir du journal, les gens ricanent « Alors Alix, cette rencontre avec Macron ? », je serre les dents. Mais il n’en reste pas moins que j’ai toujours une fève coincée dans le gosier. Alors si Emmanuel Macron est réélu, j’espère qu’il commencera par tenir sa première promesse de campagne, passée étrangement inaperçue jusqu’à présent dans les média : une consultation en tête à tête avec votre Dr Aga.
|