| Par Gérard Araud |
| Beaucoup de lecteurs se sont certainement demandé et se demandent encore : comment peut-on voter Trump ? Avouons que la question est légitime. Je l’ai rencontré à plusieurs reprises aux côtés du président de la République et, à chaque fois, s’est imposée la même image d’un menteur ignare, brutal et incohérent. On va m’accuser d’exagérer mais je pourrais multiplier les exemples où Emmanuel Macron s’est trouvé confronté à une affirmation fausse et absurde. Il essayait alors d’argumenter mais il se heurtait à la répétition inlassable de réponses sans queue ni tête. Une fois que nous quittions la salle, abasourdi, je lui demandais : « Que tirez-vous de cet entretien, M. le président ? » « Il n’y a rien à en tirer mais il est l’homme le plus puissant au monde » ; sous-entendant qu’il devait donc malgré tout maintenir le dialogue avec lui, si décevant soit-il, ce qu’il réussit assez bien d’ailleurs. Si vous ajoutez les six faillites, la condamnation au civil pour viol, les appels à peine voilés à la violence, les menaces à l’égard de ses opposants, le franc mépris pour les faibles qu’il soit prisonnier de guerre ou handicapé, vous en déduirez qu’il est impossible de voter pour Donald Trump. Pourtant, il a été élu une première fois et il pourrait l’être une seconde. Soit les Américains sont pris de folie, soit vos critères ne sont pas les bons. Explorons cette seconde hypothèse. Je me suis trouvé une fois au milieu d’électeurs de Trump qui m’expliquaient : « Oui, nous le savons, c’est un escroc ; nous ne lui confierions pas notre fille mais il fait un doigt d’honneur au “New York Times”. » J’en ai rencontré des électeurs qui tenaient à peu près le même discours sur ses outrances, sa vulgarité et sa brutalité mais qui n’y voyaient pas une raison pour ne pas voter pour lui. Après tout, peut-être ont-ils raison. Le 5 novembre, les Américains n’élisent ni l’ami avec qui ils vont passer des vacances, ni le voisin de leur choix, ni le président de leur club de pétanque, ni le gestionnaire de leur compte en banque, mais « le commandant en chef » de leur pays. De 2017 à 2021, beaucoup ont conclu qu’il n’était pas mauvais dans ce rôle même s’ils ne lui confieraient pas les autres responsabilités que je citais. Un paradoxe, une erreur ou de la sagesse ? |
|
|