Autoportrait : l’enjeu du je
« Avec Courir l’escargot, j’ai vraiment l’impression de tomber complètement le masque. C’est quelque chose que j’ai fait de façon un peu timide dans mes essais, mais là j’y suis allée gaiement, sans habiller le propos de justifications politiques, mais en étant dans un exercice purement littéraire. Et ça a été très libérateur ! J’ai une affection, un amour pour ce texte comme je n’ai jamais eu pour aucun des textes que j’ai écrits. Il a été extrêmement thérapeutique pour moi et a vraiment changé ma vie. »
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Prise de confiance
« Quand on est journaliste, on sait à quoi on sert, on est dans un cadre qui permet à tout le monde de nous étiqueter plus ou moins correctement. Quand on met un pied dans la littérature, les frontières sont plus floues. On peut tout devenir. Et la qualification d’écrivaine me posait un problème de légitimité car pour moi, l’écrivaine est une artiste, ce que n’est pas la journaliste. Mais justement, avec Courir l’escargot, je me lance enfin dans une démarche purement littéraire. C’est une recherche sur la forme, un questionnement sur l’écriture. Il y a un petit côté cadavre exquis, avec des associations d’idées que j’ai laissées complètement filer, ce qui a donné cette forme hybride. Et je pense que cela montre une forme de maturité, d’acceptation de moi-même, de mon identité qui est bien plus complexe que ce que j’ai pu montrer jusque-là . »
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Sororités de pensées
« Il y a une autrice qui m’a beaucoup influencée et que je cite abondamment dans le livre : c’est Maggie Nelson. Elle a écrit des essais philosophiques, des enquêtes presque journalistiques, parfois de l’autofiction pure et dans Les Argonautes, elle entrecroise les deux d’une façon magistrale. Elle a vraiment réinventé les codes de la littérature, et c’est très humblement que je cherche à m’intégrer dans cette lignée. Et il faut évidemment parler d’Isabelle Sorente. Pour moi c’est la sorcière par excellence. Elle a quelque chose de l’ordre de la maïeutique magique qui nous autorise à nous livrer sans fards. Et le fait qu’elle m’adoube en m’autorisant à m’inscrire dans cette collection, dans la lignée de Wendy Delorme, qui est une autrice que j’adore, m’a aussi beaucoup aidée. »