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Vendredi 11 octobre 2024

Olivier Leborgne, évêque d’Arras, dit réclamer à ses paroissiens la franchise quand ils ne sont pas d’accord avec lui. Parfois, il se sent « très impressionné » par ces remises en cause. Mais « je préfère cela au silence », affirme-t-il dans l’essai qu’il vient de publier (« Il n’y a pas d’autre solution que d’aimer », Seuil). Alors, on va dire franchement que ledit essai nous a laissé circonspect, du moins quand il évoque les agressions sexuelles au sein de l’Église.

Monseigneur Leborgne est une voix très estimable du catholicisme français, car il compte parmi ceux qui défendent une foi progressiste, et s’élèvent courageusement contre la droitisation et l’extrême droitisation – hélas réelles – des catholiques de France. Il les avait ainsi publiquement appelés à la « sagesse » à la veille des élections législatives 2024, où le RN paraissait prêt à conquérir Matignon.

Mais son courage n’est pas aussi marqué – ou peut-être pas aussi lucide ? – quand il s’agit de condamner les agressions commises par les hommes d’Eglise. À propos de « la période des abus dans laquelle nous sommes », Mgr Leborgne écrit ceci : « L’amour ne peut se réduire à une vague tolérance molle qui accepte tout. Nous en connaissons maintenant les dégâts. Les chrétiens ont parfois, sous prétexte de miséricorde, manqué de fermeté. »

« Miséricorde » vient de misereo, « avoir pitié », et cordis, « cœur ». Cela désigne un cœur plein de pitié. La hiérarchie catholique aurait-elle simplement eu trop « bon cœur » vis-à-vis de ses agresseurs ? Non, écrit l’évêque, qui parle d’un « prétexte », donc d’une raison fallacieusement invoquée pour masquer autre chose. Mais masquer quoi ?

C’est ici que l’essai déçoit. Car il reprend une lecture un peu légère, celle de la « mollesse » collective, justement. « On a vu des frères qui n’allaient pas bien, dont on sentait qu’ils n’étaient pas ajustés sans précisément savoir pourquoi. On a été gêné, on s’est dit qu’il faudrait dire quelque chose. (…) Nombre de graves dérapages n’auraient peut-être pas eu lieu si une parole avait été prononcée plus tôt. »

Mais quid de l’omerta que sécrètent toutes les grandes organisations, et même, plus simplement, les familles incestueuses ? Quid du muselage systématique de la parole dérangeante ? Quid du « pas de vagues » que connaît bien l’Éducation nationale ? Quid de la complicité tacite pour que jamais ne soit remise en cause « la boutique », c’est-à-dire, ici, une Église qui se vit d’abord comme en concurrence avec d’autres pouvoirs et refuse d’en perdre la moindre once ?

Il ne s’agit pas de dire que l’Église est plus fautive que d’autres institutions : quand les militaires se jugeaient entre eux (la justice militaire a été supprimée par François Mitterrand en 1981), ils se montraient évidemment d’une clémence terrible envers les soldats coupables. Et disons-le franchement : si nous, journalistes, devions nous condamner entre nous, nous nous montrerions affreusement laxistes. C’est l’un des effets de « l’esprit de corps », de l’entre-soi et de la « loyauté », toutes ces pratiques collectives étudiées par les sociologues, et qui rend justement indispensable la séparation des pouvoirs.

Mais de tout cela, Mgr Leborgne ne dit rien. Tout au plus fait-il part de sa crainte que ce laxisme « soit l’envers de rapports de pouvoir mal gérés. Si je ne te dis rien, je ne te conteste pas, surtout pour que (…) tu ne viennes pas contester mon pouvoir ». Ce qui est un peu court.

Plus loin, à propos des inégalités sociales, l’évêque écrit qu’un « système n’existe pas sans les personnes qui le font fonctionner et sans que quelques-uns en tirent un grand intérêt ». Dommage qu’il n’ait pas voulu voir – ou voulu admettre – que les abus dans l’Eglise relèvent, précisément, du « système ».

Arnaud Gonzague

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