Des médias aux marques, la newsletter contre-attaque !
Pour les médias comme pour les marques, la newsletter s'impose comme un canal hautement stratégique, presque prioritaire, qui se conjugue au futur et permet de toucher une audience plus qualitative. Plus engagée, aussi.
Dans les couloirs du
New York Times, comme dans n'importe quelle rédaction, la compétition ne date pas d'hier. Pour se faire une place de choix au sein de cette institution ô combien prestigieuse, dont les innovations et choix éditoriaux sont scrutés par le reste de la profession, les journalistes ont toujours joué des coudes – quitte à créer certaines tensions – avec, en ligne de mire, la consécration de voir leur article publié en Une de l'édition papier du lendemain ou sur la home du site internet. Mais ça, c'était avant. Selon
cet article de Vanity Fair, qui a recueilli les confessions des fines plumes du journal, le graal a changé de canal. Leurs yeux sont désormais rivés sur deux médias digitaux siglés
NYT : le podcast
The Daily et la newsletter
The Morning (déclinée en
Morning Briefing pour les zones Europe et Asie-Pacifique), qui balaie l'actualité mondiale à chaque lever de soleil.
Newsletter de noblesse «
C'est comme ça que vous vous faites remarquer, souligne l'un des journalistes du
New York Times, sous couvert d'anonymat.
Ce n'est pas un mal nécessaire, mais plutôt quelque chose auquel vous devez désormais prêter attention. » Le mot est faible. Internet et papier confondus, le groupe de presse a passé la barre symbolique des 10 millions d'abonnés en 2022 (objectif 15 millions d'ici fin 2027), dont plus de la moitié reçoivent quotidiennement
The Morning, et propose maintenant une soixantaine de newsletters thématiques. «
C'est un peu comme faire la une du journal tous les jours, renchérit un autre membre de la rédaction.
Le concept de cette newsletter conversationnelle est une excellente idée, mais le fait qu'elle soit devenue notre média phare est difficile à accepter pour certaines personnes. »
Rapide et efficace «
C'est un format ancien. À un moment, il a paru désuet, avant de revenir dans l'air du temps ces dernières années. Je pense que c'est en grande partie grâce au mobile. La newsletter est adaptée à la lecture rapide et efficace. Mais si elle est revenue en force, c'est également grâce aux modèles d'abonnements numériques qui se développent de plus en plus », analysait Alexis Delcambre, directeur adjoint de la rédaction du
Monde chargé de la transformation numérique, dans
cet article publié par La revue des médias au sortir du confinement. Une période qui a grandement contribué à la renaissance du format et ouvert de nouveaux horizons pour la profession. «
Il y a de vraies possibilités d'expression qu'on ne retrouvera pas dans le journalisme classique », abonde Léonore de Roquefeuil, fondatrice de la newsletter
Voxe,
sur le Blog du Modérateur. Une expression directe, influencée par les réseaux sociaux, qui apostrophe et concerne le lecteur.
Moins de X, plus de newsletters ! Invité du podcast Net Plus Ultra de France Inter en septembre dernier, l'écrivain et enseignant, William Réjault – qui anime
une newsletter sur le bonheur passé 40 ans après avoir tenu un blog et été très actif sur les réseaux – tient à apporter une nuance : «
Je pense qu'il y a une lassitude des réseaux sociaux, notamment de Twitter, et qu'il y a toujours ce besoin de partager, de communiquer. On est passé d'une forme très descendante du blog où on parlait dans le vide, on ne savait pas avec qui on parlait, à ces réseaux sociaux où on parlait à tout le monde et finalement on ne parlait à personne, à la newsletter où on choisit de parler dans un sujet très niche à une communauté qui choisit de vous suivre. » Ce qui explique aussi pourquoi le format plaît tant aux marques, qui y voient le prolongement naturel de leur stratégie marketing pour cibler certaines audiences. Notamment sur LinkedIn
où les leviers de distribution rendent le format particulièrement efficace (comme on le dit toujours à Story Jungle : c'est une façon d'envoyer un DM à sa communauté).
« Le salut du marketing d'influence » «
C'est une manière de dire voilà ce qui me passionne. Est-ce qu'il y a d'autres gens, un peu comme dans les blogs, que ça peut intéresser ? C'est un endroit où il n'y a pas d'invectives, il n'y a pas de clash. Les gens qui vont recevoir votre newsletter, c'est des gens qui s'intéressent au sujet, et qui valorisent ce sujet », conclut Adrien Labastire au micro de France Inter. Le fondateur de
Kessel, la plateforme française qui monte en s'inspirant du géant Substack, voit même l'écrit comme «
le nouveau salut du marketing d'influence » dans
cette tribune pour le média Stratégies : «
Parce qu'en obéissant à des logiques de production comme de réception dites "de temps long", l'écrit se positionne à contre-courant de la déferlante de contenus courts, imagés, instantanés, et standardisés qui sont encore légion sur les réseaux sociaux [...]
L'écrit promet ainsi une approche plus intelligente, plus mature, moins caricaturale et infantilisante que ce que nous ont donné à voir de nombreuses campagnes d'influence récemment. Aussi, parce que la lecture nécessite un effort d'attention actif, l'écrit garantit un public engagé, impliqué dans le discours de la marque. » Et des grandes maisons de presse...