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Vendredi 4 juillet 2025

Perec, Semène, Laclos, Dupuis, Aussitôt, Favalelli, Scipion, Drillon, Maître Capelo (vici), Bernard et La Ferté. Cherchez l’intrus ! Bon courage, car il n’y en a pas. Tous ces verbicrucistes sont des hommes. Tout le monde a résolu, un jour, des mots croisés ou fléchés et aucune femme pour en créer, vraiment ?

En voici au moins deux. Renée David (1892-1938) a révolutionné le monde des mots croisés. Elle est la première à avoir ajouté de l’esprit, des jeux de mots à des grilles qui se contentaient des définitions du dictionnaire. Elle est l’autrice de « Vident les baignoires et emplissent les lavabos » pour « entractes », l’une des définitions les plus célèbres du monde des mots croisés, longtemps attribuée à tort à Tristan Bernard. Au milieu des années 1970, la documentaliste Sylvie de Soye devient la prête-plume du verbicruciste Roger La Ferté. Dans l’émission « Apostrophes » du 7 août 1981, Bernard Pivot accueille six verbicrucistes (six hommes). Pivot : « Avez-vous, comme en littérature, des nègres qui créent pour vous ? » La Ferté : « Je vais jouer le jeu de la vérité. A partir d’une certaine production, vous ne pouvez pas tout faire. J’ai une secrétaire, charmante, il y a des problèmes que je fais entièrement, pas tous ». Auprès du « Nouvel Obs », Sylvie de Soye, qui crée toujours différents jeux, désormais à son nom, s’indigne : « Je n’ai jamais été sa secrétaire, j’ai la sensation d’avoir été spoliée. »

Aujourd’hui, quasiment toutes les grilles sont créées par des machines. Le cas échéant, des hommes, souvent vieux, blancs, s’y collent, avec leurs références. Cet été, des femmes lancent deux magazines de mots fléchés. Dior Beye, 26 ans et Louise Peiffer, 23 ans, portent « Grillé ». « On ne trouvait pas de grilles qui nous ressemblaient, expliquent-elles. On a listé des mots, on a fait appel à un verbicruciste. On a créé à six mains pour multiplier les références et toucher toutes les générations. »
La revue « Flécher » d’Angèle Häfliger-Brethès est quant à elle plus politique : « Quand, dans des recueils de gare, tu trouves “pédé” pour définir homosexuel, ou la tête de Bertrand Cantat au centre d’une grille, tu banalises la violence, tu imprimes un message dans la tête des gens. Je veux en envoyer d’autres. Intégrer “banger”, “tana”, des mots à la mode, et en mettre aussi des plus anciens, réunir les communautés grâce à leurs langages pour casser des barrières. »

Depuis que je crée des grilles de mots croisés, je constate la pénurie de noms propres féminins dans les dictionnaires. Alors j’ai fait un test : me priver des hommes dans la grille géante de l’été. Ni nom propre, ni nom commun, ni sigle strictement masculin. Un enfer à créer. Cette initiative misandre veut cacher les hommes mais aussi exposer les femmes. Dix-sept artistes, la plupart invisibilisées parce que femmes, sont à retrouver avec de longs portraits en guise de définitions. Un tableau de l’une d’elles est à colorier au cœur de la grille. Rendez-vous dans le numéro double du journal, en kiosques ce jeudi 3 juillet.

Gaëtan Goron

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