Liens vagabonds, la semaine de Méta-Media |
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Taylor Swift fan de Donald Trump ? C’est ce que semblent suggérer les images publiées le 18 août par l’ancien président des Etats-Unis sur Truth Social, son réseau social. L'une montre la pop star déguisée en Oncle Sam avec le titre : « Taylor veut que vous votiez pour Donald Trump ». D’autres représentent une foule de jeunes femmes portant des t-shirts assortis « Swifties for Trump ». Bien sûr, il s'agit de créations générées par l'IA. Mais Donald Trump n’en est pas à son coup d’essai. En mars déjà, ses partisans avaient partagé de fausses images avec des électeurs noirs pour encourager les Afro-Américains à voter pour lui. Plus récemment, il a publilé un deepfake de sa rivale Kamala Harris, à un faux rassemblement communiste à Chicago, dans une tentative de la discréditer (Ironiquement après l’avoir accusée à tort d’utiliser l’IA pour instrumentaliser la vérité). Après les faits alternatifs, voici la post-réalité, grâce aux innombrables outils d'IA générative accessibles même à Donald Trump. Aujourd'hui, il utilise l'IA pour renforcer sa ligne d'attaque : une escalade post-réelle, qui pose une fois de plus la question de l'éthique de l'utilisation de ces outils et où on se demande « où se situe la limite de ce que l'on considère comme de la propagande » constate le média Futurism. Pour la journaliste Sophia Smith Galer, les images générées par IA et les deepfakes sont les « memes du pauvre », du côté de l'équipe de campagne de Donald Trump, « quelqu'un a appris à utiliser un générateur d'images IA et s'est un peu trop enthousiasmé » explique-t-elle avant de poursuivre : « C'est un exemple d'un candidat désespéré de rester dans votre algorithme. La génération par IA ne nécessite que quelques prompts et peut-être un abonnement payant à un générateur. C'est beaucoup moins cher et plus rapide que d'embaucher des créatifs qui doivent passer du temps à concevoir et créer avant qu'un contenu soit prêt à être publié ». Les manipulations visuelles, autrefois limitées aux montages et incrustations d’éléments existants, ont pris une toute nouvelle ampleur avec l'avènement des générateurs d'images ex nihilo. Désormais, n’importe qui peut s’improviser codeur ou designer. Si des outils comme DALL-E ou Midjourney ont mis en place des garde-fous pour empêcher la création d'images de personnalités publiques et limiter les risques de désinformation, Grok, l'IA générative d’Elon Musk, propriétaire de X, franchit une étape supplémentaire. Lancée en version bêta le 13 août, la version image du chatbot accepte dans 80 % des cas de créer des contenus susceptibles de promouvoir de fausses informations, d’après une enquête de Newsguard. Elon Musk est d’ailleurs transparent à ce sujet. Pour lui, nul besoin de modérer son outil, car Grok doit être « l’IA la plus amusante du monde ». Viralité garantie en bonus. Mais alors comment naviguer dans un monde où l'on finit par pouvoir générer autant de versions de la réalité que l'on veut ? En pleine campagne électorale, les images deviennent des armes redoutables. Celui qui les maitrise peut façonner sa propre version du réel, et influencer les opinions. « La propagande est un vieux chien, mais avec l'IA, il apprend de nouveaux tours » s’alarme la journaliste Maggie Harrison Dupré. À l’ère de la post-réalité, l’IA pousse cette manipulation à son paroxysme. Un constat d’autant plus alarmant que notre cerveau tend à mémoriser une image et à l’accepter comme vraie, plutôt que d’en questionner l’authenticité. On le sait depuis longtemps : les fakes news se propagent jusqu’à six fois plus vite qu’une information vérifiée. La combinaison entre réseaux sociaux débridés et outils IA accessibles à tous s'avère alors particulièrement explosive... |
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LE GRAPHIQUE DE LA SEMAINE Proportion de personnes qui estiment qu'il est difficile d'identifier des informations dignes de confiance sur chaque plateforme, par tendance politique |
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LES CHIFFRES DE LA SEMAINE
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Deux tiers des utilisateurs considèrent les LLM comme révolutionnaires, tandis que les autres jugent qu'ils ne méritent pas tout ce buzz, d’après une enquête de The Information. L'offensive de charme d'Elon Musk auprès des annonceurs n'a pas fonctionné, les recettes publicitaires de X ayant baissé de 24 % au premier semestre 2024, selon Quartz. New York Public Radio (WNYC) va réduire son personnel de 8 % « au minimum » avant le mois prochain, d'après CNN.
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Nous y sommes ! Les réseaux sociaux d’HugoDécrypte cumulent plus de 14 millions de followers, surpassant ainsi Le Monde, et MrBeast compte plus d’abonnés que Netflix. Selon le dernier Digital News Report du Reuters, les jeunes, pour s’informer, citent davantage les créateurs de contenu que les marques média traditionnelles. Le journalisme n’est plus l’apanage des médias depuis la révolution des réseaux sociaux, qui a transformé chacun en potentiel journaliste, influenceur ou plutôt créateur de contenu, comme ces derniers préfèrent être appelés. Faut-il les imiter, les intégrer ou les défier ? On cherchera la réponse dans notre nouveau cahier de tendances Méta-Media, qui réunit « anciens » et « modernes », y compris des journalistes en l’herbe encore en école, autour de témoignages, décryptages et solutions. |
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