| Autour des éditions du Pavillon de l'Arsenal
À Vélo À l’occasion du lancement de l'exposition À Vélo et la sortie du livret qui lui est consacré, le Pavillon de l'Arsenal donne la parole au journaliste et critique littéraire Léonard Desbrières. (Re)découvrez le vélo entre pop culture, littérature et urbanisme. |
| Joe Dassin, La Complainte de l’heure de pointe, 1972. D.R. « Place des fêtes on roule au pas, place Clichy on ne roule pas. La Bastille est assiégée et la République est en danger. Dans Paris, à vélo, on dépasse les autos, à vélo dans Paris, on dépasse les taxis » "En 1972, Joe Dassin entonne le refrain de La Complainte de l’heure de pointe et l'on se dit que, décidément, l’Histoire se répète. En plein choc pétrolier, alors que la France se remet difficilement de Mai 68 et qu’une première manifestation écologique à vélo, organisée sous l’impulsion des Amis de la Terre de Brice Lalonde, vient de défiler sur les Champs-Élysées, l’icône de la variété française chante un hymne à la bicyclette, devenue la meilleure des alliées dans notre quête d’émancipation et de liberté. Cinquante ans plus tard, alors que la France des années 2020 connaît à son tour une crise sociétale de grande ampleur, le vélo est devenu un moyen de transport essentiel pour les Parisiens, représentant plus de 11% des déplacements de la capitale cette année contre 4% seulement pour la voiture. Monter sur ses pédales est à nouveau un symbole, un emblème brandi par les tenants d’une vie meilleure, plus respectueuse, plus écologique, plus épanouissante aussi. Comment le développement de la pratique du vélo à Paris a-t-il épousé l’Histoire de la capitale et plus largement les évolutions de la société française ? Quelles actions politiques et quels aménagements urbains ont progressivement été mis en place pour offrir une place toujours plus grande aux cyclistes parisiens ? Quel rôle les associations écologistes ont-elles joué dans cette redéfinition de la ville ? En quoi pédaler est-il aussi un geste politique ? Clément Dusong, Docteur en aménagement de l'espace et urbanisme de l'Université Paris-Est, tente de répondre à toutes ces questions à travers l’exposition À Vélo, Paris Métropole 1818-2030, installée au Pavillon de l’Arsenal et qui se dévoile dans un livre, fourmillant de photographies et d’images d’archives. |
| ÉDITION À VÉLO, PARIS MÉTROPOLE 1818-2030. D.R. A love story Paris et le vélo, c’est une histoire d’amour au long cours, une romance parfois contrariée avec des hauts et des bas. Le premier rendez-vous, en 1818, avec la première démonstration mondiale, dans les jardins du Luxembourg, de la draisienne, l’ancêtre du vélo ; les débuts timides alors qu’on juge la pratique inutile et excentrique ; le coup de foudre, dans les années 1860, avec l’invention de la pédale par Pierre Michaux ; la lune de miel à la fin du XIXème siècle et dans les années 1920 alors que le vélo se démocratise ; l’engagement lors de la Seconde Guerre Mondiale où pédaler signifie survivre et résister ; l’adultère quand la croissance effrénée des Trente Glorieuses succombe aux charmes de l’automobile ; le retour de flamme avec l’éveil des consciences écologiques à partir des années 70 et enfin aujourd’hui, le Happy End avec l’explosion de la pratique : on vous avait prévenu, on se croirait dans la plus parfaite des comédies romantiques. |
| Katharine Ross et Paul Newman dans le film de George Roy Hill Butch Cassidy et le Kid, 1969. © Allstar Picture Library Ltd / Alamy Stock Photo Comme un symbole, le vélo tient d’ailleurs souvent le premier rôle dans les classiques du genre. Aux Etats-Unis dans Butch Cassidy et le Kid (1969) où il scelle la relation entre Paul Newman et Katharine Ross mais aussi en France chez Godard, dans Une femme est une femme (1961) ou dans Le Grand Blond avec une chaussure noire (1972) dans une scène jubilatoire où Jean Carmet s’élance à travers la ville pour rattraper un amour qui s’enfuit.
L’objet de tous les désirs
Il y aurait un livre à écrire sur le vélo au cinéma. Obsession filmique chez Jacques Tati dans Jour de Fête (1949), emblème de la liberté adolescente à Hollywood dans le E.T (1982) de Steven Spielberg, chez les Frères Dardennes ou sur Netflix, dans la série Stranger Things, machine maléfique dans les films d’Horreur de Carpenter ou Shining (1980), objet comique dans La Grande Vadrouille (1966) ou Les Triplettes de Belleville (2003) : le vélo a peu à peu envahi les écrans et s’est invité au premier plan de nos imaginaires grâce au septième art. Bien plus qu’un simple moyen de transport. Il est devenu un marqueur culturel, un objet de convoitise et de fascination qui s’est immiscé dans nos vies. |
| L'installation d'Ai Weiwei Forever Bicycles devant la Fundación Proa, Buenos Aires, Argentina, 2015 © Jeffrey Isaac Greenberg / Alamy Stock Photo Au fil des époques, les créateurs venus de tous les horizons s’en emparent, obsédés par cet étrange destrier de métal. Ramon Casas, Fernand Léger ou Paul Signac en peinture, l’artiste contemporain chinois Ai Weiwei, Paul Fournel ou Éric Fottorino en littérature, même la mode avec la marque Coperni, invite le look cycliste sur les podiums et popularise le port des lunettes techniques. À l’aide d’une iconographie riche et fascinante, l’exposition imaginée par Clément Dusong illustre également le rôle de la publicité dans le développement de la pratique cycliste. Au soir du XIXème siècle, les industriels, désireux d’en faire un bien de grande consommation, se sont en effet associé avec des imprimeurs et des illustrateurs pour créer un nouvel imaginaire soulignant la vitesse, la liberté et l’évasion de ce mode de déplacement. D’innombrables affiches hautes en couleurs ont progressivement envahi la capitale et les pages des grands quotidiens. Des marques comme Peugeot, Snell ou encore Dayton rivalisent alors d’imagination pour vanter les mérites de ce nouveau moyen de locomotion. Une imagerie qui s’arrache aujourd’hui à prix d’or en salles des ventes parce qu’elle raconte la fabrication d’un imaginaire commun. |
| Affiche pour les vélocipèdes, Peugeot, 1891 © BnF / Affiche pour American Cycles SNELL, vers 1897. D.R. Que dire du rôle fondamental qu’a joué l’essor du cyclisme en tant que discipline sportive dans la démocratisation de la pratique quotidienne du vélo. Le Tour de France notamment, ses courses endiablées, sa mythologie, sublimée par Les Forçats de la route, reportage littéraire étourdissant d’Albert Londres ou par les chroniques de l’écrivain Antoine Blondin dans l’Équipe, a suscité des vocations et transformé le vélo en sport national. À ce titre, la première arrivée du Tour de France sur les Champs-Élysées en 1975, avec le maillot jaune français Bernard Thévenet, est un symbole. Celui d’une capitale qui ouvre ses portes aux plus grands cyclistes du monde.
Repenser la ville pour repenser nos vies Cette ouverture progressive, à partir des années 80, devient dès lors un sujet d’urbanisme de grande ampleur. Car avec l’essor du vélo se pose une question épineuse : celle des problématiques qu’impliquent l’irruption d’un nouveau mode de déplacement. Comment redessiner la route et la circulation ? Comment réorganiser les espaces pour faire de la place ? Aujourd’hui, sous l’impulsion de la Maire de Paris, la mue de la ville semble être en train de s’achever. |
| Aguigui Mouna harangue les passants à Paris, 6 mai 1968. © AFP Photo Mais au-delà des simples considérations d’aménagement du territoire, le vélo se présente plus que jamais comme un sujet de société. Faire une place au vélo, c’est totalement repenser la ville et donc repenser nos vies, ensemble. Des résistants s’enfonçant dans le maquis à bicyclette jusqu’à Jacques Essel, fondateur du Mouvement de Défense de la Bicyclette (MDB), qui fut en 1982 un des premiers cycliste martyrs de la route en passant par le philosophe des rues Aguigui Mouna, chantre de la « vélorution » en Mai 68, les défenseurs de la liberté, les mouvements utopistes et écologistes ont toujours brandi le vélo comme fer de lance d’un réenchantement du monde. Parce que pédaler est un geste politique. À méditer en ces temps troublés. Bel été !" |
| Léonard Desbrières Journaliste et critique pour Le Parisien, LiRE, Konbini et Technikart, passé par La Grande Librairie, Léonard Desbrières se passionne pour les littératures de l'Imaginaire et s'intéresse à l'émergence des nouvelles voix romanesques qui incarneront la littérature de demain. |
| Exposition À Vélo, Paris Métropole 1818-2030, présentée jusqu'au 29 septembre 2024 au Pavillon de l’Arsenal. Livret de l’exposition disponible sur la boutique en ligne. En partenariat avec |
| | | © Pavillon de l'arsenal centre d'information, de documentation et d'exposition d'urbanisme et d'architecture de paris et de la métropole parisienne.
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