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L'Express
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La lettre politique de L’Express, 20 juin 2024
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Edouard Philippe inquiète les siens
par Mattias Corrasco
Journaliste politique

Une rupture, mais quelle rupture ? Il est urgent d’attendre. Le mot est "bien trop sarkozyste", précise l’un des amis d’Edouard Philippe. Et puis, comme ont l’habitude d’indiquer ses proches, "Edouard n’est pas un héritier" ! Lui-même le fait volontiers : le président de la République l’a certes choisi comme Premier ministre ; il lui en sera "toujours reconnaissant". Mais il a commencé sa vie politique avant Emmanuel Macron, ne lui doit pas le début de sa carrière d’élu, ni sa réélection comme maire du Havre.
Voilà qui expliquerait cette petite voix dissonante, durant la campagne européenne. Lui qui jugeait "surprenant" un débat entre Marine Le Pen et le chef de l’Etat - dont l’idée avait été lancée par ce dernier. Lui qui préférait, au cœur de la crise néo-calédonienne, un accord entre loyalistes et indépendantistes sur la réforme du corps électoral plutôt que la convocation d’un congrès, brandie par Emmanuel Macron comme une menace. Les contempteurs de l’ex-Premier ministre entrevoient l’esquisse d’une sortie de bois ? Ses soutiens la promettent, après le 9 juin. Raté. Il demeurera maître du temps long, veut-il croire. Pas encore des horloges
Edouard Philippe fait un cauchemar : le 7 juillet prochain, il devient la grande victime de la défaite du bloc central ; son groupe Horizons, qui comptait 29 députés avant la dissolution, sort amoindri… Non ! Contrecarrer le mauvais présage. Prendre ses distances par à-coups. Un premier acte d’émancipation, au Journal Officiel, mardi 12 juin : le parti de l’édile du Havre s’extirpe de la bannière commune "Ensemble" qui regroupait aux dernières législatives de 2022 Renaissance, le Modem et Horizons. Les financements publics seront, après les élections, directement reversés à la formation politique. Des tracts et affiches aux couleurs de la formation philippiste, et le portrait de leur champion. Emmanuel Macron disparaît. On rassure les soutiens d’Edouard Philippe, qui s’inquiétaient du déficit d’organisation de la démarche.
Deuxième acte : ses ouailles renégocient à la hausse les termes de la coalition de 2022. Discussions tendues, mais Horizons obtient "un peu plus de 80 circonscriptions, contre 58 à l’époque. Presque autant que le Modem, qui en briguera 85 - 16 de moins qu’en 2022. "Le parti n’est plus le même qu’à l’époque", justifie un cadre de la formation. "J’ai l’impression qu’ils font cavaliers seuls", s’étonne le macroniste historique François Patriat. Hervé Marseille, sénateur et président de l’UDI, relativise : "Le vent souffle trop fort. Philippe, c’est l’indépendance dans l’interdépendance."
Edouard Philippe connaît ces fines marges qui subsistent entre le réel, le possible et le souhaitable ; trois ans, un mois et dix-huit jours à Matignon valent pour lui cure de lucidité. Mais pour le patron d’Horizons, présidentiable revendiqué, l’héritage offre surtout son lot de contraintes. Le réel a changé. Emmanuel Macron, en brusquant le temps politique, a contraint Philippe à revoir son calendrier. Le souhaitable est alors une fourmilière d’injonctions contradictoires : balayer quelques prudences, comme lui intiment certains de ses soutiens, quitte à apparaître comme un diviseur ? La politique, l’art du possible.
Possible, pourtant, pour ses adversaires du bloc central de cultiver leur singularité. Certains ne s’embarrassent pas de gêne quand il s’agit de parler en leur nom. Parlez-en à François Bayrou : "Il manque un fédérateur, dit-il récemment au Figaro. À ma place, je serai du côté des fédérateurs […]. Chez nous, quand il y a un orage, la foudre tombe sur le point le plus haut." Écoutez Bruno Le Maire, sur France Inter : "Ce que je constate, c’est qu’elle [NDLR : la dissolution] a créé dans notre pays de l’inquiétude, de l’incompréhension, parfois de la colère. Je suis là pour leur dire : il y a un espoir." Prière d’imaginer lequel. Edouard Philippe, lui, revendique de passer d’une "majorité présidentielle" à une "majorité parlementaire" - allant de la droite conservatrice à la gauche social-démocrate, "moins connotée comme la majorité du président", explicite l’un de ses soutiens. Prière de l’avoir compris.
Des doutes, en Philippie ? "Sa déclaration sur la coalition de la gauche sociale-démocrate et de la droite conservatrice, c’est du déjà-vu. C’est dangereux", s’inquiète un parlementaire Horizons. La fine nuance de la coalition, plutôt que le débauchage, ne convainc pas toujours. "Il ne peut pas juste être le candidat des gens raisonnables, il doit donner un espoir. S’il ne trouve pas les mots, il ne sera pas élu président de la République", analyse l’un de ses interlocuteurs réguliers. Trente-six mois pour humer l’air du temps. Certains de ses soutiens pensaient l’avoir flairé. Un siège pour Edouard Philippe dans un Palais Bourbon bouillonnant pour ces trois prochaines années ? L’intéressé décline. Dans le chaudron probablement, ses potentiels rivaux : Gabriel Attal, ou Gérald Darmanin. L’avenir dira quel promontoire offre la vue la plus dégagée sur l’Elysée.

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