Elle n’est pas belle la vie, lorsqu’on jouit de tels privilèges ?
Lors d’une interview télévisée de Javier Milei, le présentateur fait afficher à l’écran la Bible des politiciens et des fonctionnaires qui vivent de nos impôts, de nos taxes et de nos charges sociales.
Impôts, taxes et charges sociales dont ils fixent, entre eux, le montant, tout comme ils décident, entre eux, du montant de leurs salaires, indemnités, défraiements, avantages en nature, et retraites.
Mais, ne serait-elle pas belle la vie, lorsqu’on jouit de tels privilèges exorbitants (à nos frais) ? Et je ne pose pas cette question uniquement par ironie ; je la pose, car elle permet de comprendre pourquoi ces politiciens, ces hauts fonctionnaires s’opposeront toujours au moindre changement qui pourrait menacer leurs privilèges.
« La violence légitime exercée par l’État »
Les politiciens et les hauts fonctionnaires s’opposeront toujours aux tentatives de changements des règles qui encadrent l’économie à leur profit. Ils s’y opposeront toujours, il n’y a aucun doute à avoir sur ce point, sauf à croire aux contes de fées pour enfants sages.
Ils s’y opposeront y compris en ayant recours à ce qu’ils appellent la « violence légitime exercée par l’État », qui n’est jamais qu’une violence exercée par des fonctionnaires pour protéger les privilèges exorbitants d’un groupe social hiérarchisé, celui des politiciens, des hauts fonctionnaires, de leurs familles et de leurs obligés.
Le « livre poubelle »
Le « livre poubelle » en question est celui d’un haut fonctionnaire britannique, John Maynard Keynes (1883-1946), qui a été publié en 1936 sous le titre « The General Theory of Employment, Interest and Money » (« Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie »).
Pour comprendre l’importance, toujours actuelle, des théories qui sont développées dans ce livre, il suffit de savoir qu’il est toujours la principale source de connaissances des étudiants en première année d’études en sciences économiques.
Toutefois, avant d’être au programme des étudiants, il est précédé par l’enseignement des théories de l’« école classique » des XVIIIe et XIXe siècles, et par l’enseignement des principales théories du livre « Das Kapital » (« Le Capital ») de Karl Marx (1818-1893) et publié en 1867.
Avant d’aborder dans mon prochain article les principales théories économiques et politiques que l’on doit à John Maynard Keynes dans son livre, voyons celles qui sont développées par ce qui est appelé « l’école classique », puis celles qui sont développées dans le célèbre livre de Karl Marx, « Le Capital ».
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L’école classique en économie, et ses trois principaux auteurs à connaître
Ce qui est appelé « l'école classique » en économie, c’est un mouvement de pensée qui accompagne le « Siècle des Lumières » (XVIIIe siècle) en jetant les bases théoriques de l’économie organisée par le « capitalisme » lors de la révolution industrielle anglaise. Révolution industrielle anglaise qui débute en 1760 pour culminer en 1840 alors que la révolution industrielle française débuterait dans les années 1830 pour culminer au début du XXe siècle.
On doit à ce mouvement de pensée la compréhension des mécanismes : • du « marché » ; • de la « valeur » ; • de la « production » ; • de la « distribution des richesses ».
Ce mouvement de pensée a posé les bases du libéralisme économique en préconisant la « libre concurrence » et la minimisation de l'intervention de l’État et des gouvernements dans les processus économiques.
Trois auteurs à connaître
Adam Smith (1723-1790) On lui doit la célèbre « main invisible » du marché, et surtout l’idée que les individus, en poursuivant leurs intérêts personnels, contribuent involontairement au bien-être général de la société. C’est dans « La Richesse des nations » publié en 1776, qu’il développe la théorie de la « main invisible » et explore les mécanismes du « marché ».
David Ricardo (1772-1823) Dans « Principes de l’économie politique et de l’impôt » publié en 1817, Ricardo expose la théorie des « avantages comparatifs », tout en décrivant les questions que posent la « valeur », la « rente », les « salaires » et l’importance du commerce international pour l’efficacité économique.
John Stuart Mill (1806-1873) Dans « Principes d’économie politique » publié en 1848, Mill aborde la question de l’importance de la « justice sociale » et du rôle actif que doivent jouer les gouvernements dans la « régulation » des inégalités.
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« Le Capital » de Karl Marx, en une phrase et trois théories clés
« Le Capital » de Karl Marx est une analyse critique du capitalisme anglais au XIXe siècle qui théorise : • la « nature du travail » (qu’est-ce que le travail d’un point de vue économique, politique et sociologique) ; • la « production des marchandises » (quels sont les « acteurs », les moyens financiers et les cadres juridiques qui interviennent dans la production des biens, que ce soient des objets, de l’énergie, de la nourriture, des bâtiments, etc.) ; • le « capital » instrument de domination au service de la bourgeoise (au sens « capital social et financier attaché aux propriétaires des entreprises et des moyens de production des biens/marchandises) ; • la plus-value (c-à-d les bénéfices nets générés par la vente des marchandises) ; • les cycles économiques ; • les contradictions du système capitaliste.
Trois théories clés présentées dans le livre « Le Capital »
La théorie de la « plus-value »
La plus-value correspond à la différence entre la somme payée par l’acheteur d’une marchandise (un bien) et ce qu’il en reste une fois déduit les coûts de production (qui englobent les coûts de commercialisation) et les prélèvements en impôts et taxes (on peut penser à la formule : Bénéfice Net = Revenus Totaux – Dépenses totales).
Cette théorie considère que la plus-value est supérieure à la rémunération des travailleurs (l’essentiel de la plus-value allant dans les poches des propriétaires du capital) alors qu’ils en sont à l’origine.
Il y aurait donc une captation injustifiée de l’essentiel de la plus-value d’un bien au profit du propriétaire des moyens de production (capitaliste), c.-à-d. les moyens matériels et intellectuels (brevets) qui sont utilisés pour la production des marchandises.
Or, pour Marx, celui qui permet à la marchandise d’être produite, par la force de son travail, est avant tout le travailleur et c’est à lui que devrait revenir l’essentiel de la plus-value (bénéfices). Marx place la théorie de la plus-value au cœur de l’exploitation des travailleurs par les capitalistes.
La théorie de la lutte des classes
Pour Marx, du moins pour ce que j’en ai compris, cette notion de « lutte des classes » exprime les conflits antagonistes qui ne pourraient que naître entre les propriétaires des moyens de production et les travailleurs qu’ils exploitent.
Cette exploitation des travailleurs par les « capitalistes » aurait donc comme corollaire l’inévitable apparition de conflits d’intérêts, qui seraient à l’origine de la formation de deux classes sociales antagonistes mais également enchaînées l’une à l’autre par la nécessité de produire des marchandises pour exister : le « prolétariat » et la « bourgeoisie » (chacune voulant augmenter sa part du gâteau).
Marx, puis les communistes, ont fait de ces conflits antagonistes le moteur dynamique des changements sociaux et politiques qu’ils voulaient imposer à tous les pays dans le cadre des différentes « internationales » communistes : • la Première internationale fondée à Londres en 1864 ; • la Deuxième internationale fondée à Paris en 1889 par Friedrich Engels ; • la Troisième internationale fondée en 1919 à Moscou par les bolcheviks sous les directives de Lénine ; • la Quatrième internationale fondée à Paris par Léon Trotski en 1938.
La théorie des crises économiques
Pour cette théorie, le mode de production capitaliste génère intrinsèquement des contradictions et des tensions internes, qui aboutissent à des crises dues à la volonté naturelle des capitalistes de vouloir en permanence augmenter les profits et la part de la plus-value qui leur revient Le schéma serait d’ailleurs simple : pour augmenter les profits, il suffirait d’augmenter la production grâce à la mobilisation croissante des forces de travail, c.-à-d. grâce à la surexploitation des travailleurs dont les salaires stagnent alors que leur production et les prix augmentent.
Et pour Marx (toujours selon ce que j’en ai compris), ce serait cette stagnation des salaires qui limiterait leur capacité de consommation laissant une part de la production sans acheteurs : la consommation n’absorbant pas la production des marchandises qui ne peuvent pas être vendues, on parle alors de surproduction ou plutôt de sous-consommation !
Ce serait cet unique phénomène qui serait à l’origine des crises économiques avec leurs lots de faillites, de chômage massif et un nouveau corolaire : la réduction des salaires. Ces crises sont vues par Marx comme une remise en question de la viabilité à long terme du capitalisme et, surtout, comme des moments propices à la rupture politique et sociale avec ce modèle de production et à des changements politiques et économiques de société radicaux.
Dans ce contexte, les crises ne sont pas simplement des accidents économiques, mais des moments où les antagonismes entre « capitalistes » et « travailleurs » remettant en question la viabilité à long terme du capitalisme. Marx pensait que ces crises étaient des moments de rupture propices à des changements politiques et économiques radicaux qui seront formalisés dans le « Manifeste du Parti Communiste », de Marx et Engels, publié en 1848. Manifeste qui annonce la survenue d’une société communiste sans classes sociales, sans différences, puisque nous sommes tous identiques, des êtres humains avec les mêmes besoins, à la même heure, partout sur la Planète... L’économie devant être une machine à répondre à ces besoins, identiques pour tous. Enfin pour presque tous, car dans leurs vies privées les dirigeants communistes se gardaient bien de vivre comme la « masse » dont ils disaient défendre les intérêts. D’ailleurs, une fois arrivés au pouvoir, il y avait leur mode de vie, fait de luxe et d’abondance, en toutes choses, et celui des masses populaires que la famine frappait régulièrement, comme ce serait encore le cas en Corée du Nord.
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Dans mon prochain article, et toujours afin de ne pas être induit en erreur par les caricatures de Javier Milei qui vont de plus en plus nous être imposées, je présenterai ce qu’il faut connaitre et retenir, toujours selon moi, du livre de John Maynard Keynes : « Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie ».
Et ensuite nous pourrons tenter d’analyser le programme du nouveau Président de la Nation argentine et voir en quoi il pourrait nous être utile pour sortir notre pays de la situation actuelle.
Patrick Ledrappier Président co-fondateur Libre Consentement Éclairé |