Habituellement sur le cercle arctique, en cette période de l’année, il fait dans les moins 5 degrés. Là, nous avons atterri, la photographe Andrea Mantovani et moi, par un moins 26 assez saisissant, je dois dire. Surtout quand le gag d’aéroport redouté se produit : pas de valise à l’arrivée (j’imagine toujours que les gars des bagages jouent à la ploufe de l’autre côté du tapis roulant en disant « ça-se-ra-toi-qui-au-ras-les-boules-cet-te-fois »). Mais bon, si le finlandais est farceur, il a bon cœur. Mes polaires et après-ski sont arrivés par l’avion suivant. Je ne peux pas vous ici raconter tout ce voyage glacial et fabuleux (mais il y aura deux papiers début 2022, un dans le ELLE normal et l’autre, plus long, dans le ELLE hors-série voyages) mais voici deux ou trois choses qui ont fait ma joie (je me demande dans quelle mesure cette newsletter feel good n’est pas avant tout destinée à ma propre personne).
1) Le père Noël existe (la preuve : on peut visiter son village près de Rovaniemi) mais, là où c’est marrant, c’est qu’il n’existe pas depuis si longtemps que ça. Tout a commencé dans les années 80, quand la BBC anglaise a lancé l’idée que c’est ici, en Laponie finlandaise, qu’il habitait avec sa femme et ses lutins. Malin, les Finnois ont vite dégainé tout un complexe où aujourd’hui, Santa accueille sur ses genoux des dizaines d’enfants, généralement terrifiés, ce qui explique pourquoi j’ai décliné la chance de le rencontrer moi aussi (trop d’empathie naturelle pour supporter le spectacle d’une file de bambins tétanisés et couverts de morve séchée – ça gèle vite, avec le froid).
2) Parmi tout ce qui m’enchante depuis 48 heures, il y a le fait que je suis en mesure de faire la blague « quel chaud Lapon » huit fois par jour, et aussi qu’on soit tellement dépaysés (le souffle rauque du renne dans ton dos) et tellement en Europe quand même : les prises électriques sont les mêmes, on paye en euros, et la 4 G bombarde partout, même au fin fond de la taïga (on est au pays de Nokia avant même d’être au pays du Père Noël).
3) Pour le moment, on n’a pas encore vu d’aurore boréale, ma chérie et moi, mais nous avons encore trois nuits avant d’avoir cette chance. Quelque chose vous a choqué dans la phrase qui précède ? « Ma chérie » ? Je vous explique. Ma théorie, depuis 25 ans, est qu’un reportage comme ça, c’est comme un voyage de noces où l’on ne coucherait pas (j’emploie un verbe qui commence par B en général) : on est deux, dans des endroits inouïs, on partage nos repas, nos hôtels, notre emploi du temps H24... donc j’ai prévenu la jeune Andréa, que je ne connaissais pas cinq minutes avant le décollage pour Helsinki, que je l’emmenais en voyage de noces. Sa tête. On se marre tellement toutes les deux que j’espère que ses photos ne seront pas toutes floues à l’arrivée. Bah, elle pourra toujours prétendre que c’est le froid.
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