Curieuse,
Fouineur,
Tout avait bien commencé ce matin grâce à une panne d'électricité. Le bâtiment d'ARTE s'est entièrement éteint à commencer par les écrans. C'était très agréable. Quand un service est privé d'Internet il se produit un flottement, un instant de grâce où l'on fait semblant de se plaindre, on peut plus rien faire tavu, avant de savourer ce temps suspendu en plein rush. J'ai vu le moment où l'équipe allait se retrouver dans la pénombre pour discuter des points à l'ordre du jour, le désir, l'angoisse de la mort et la garde partagée. Où l'on éprouverait ce qui nous réunit, ce plaisir à travailler ensemble, cette amitié durable cultivée au soleil d'un projet improbable. Pour moi qui déteste les familles et l'entre-soi, ces merveilleux collègues sont la seule raison de venir encore travailler. Hélas le courant est revenu. On a mangé à distance réglementaire sous les néons d'une salle de réunion. On a parlé rupture, vieillissement et garde partagée, on a vanté ou balancé d'autres podcasts avant de se moquer de nous-mêmes, comme d'habitude. La radio des boloss, c'est comme ça qu'on s'appelle entre nous. Un agrégat de crevards sans ambition ni réseau, un club d'imposteurs voué à trop bosser pour calmer sa panique, une troupe de fragiles essayant de peindre leur époque avec les dents. Sans le podcast je crois qu'on aurait fait infirmière ou saltimbanque mais surtout pas journaliste ou pubard. Pour finir on a souligné l'urgence d'alléger notre agenda bouffi, et puis deux nouvelles autrices sont arrivées pour leur formation, douze demandes sont tombées dans la boîte, on a reporté un projet avant d'en rajouter trois. Pourquoi je vous raconte ça ? Pour vous rassurer : je ne sais toujours pas comment cette machine fonctionne mais son carburant semble inépuisable.
ET JE REMETS LE PLOMB
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