Musiciens complices à la scène comme dans leurs lettres, Grand Corps Malade et Ben Mazué ont décidé de se réinventer un temps long dans une époque toute en instantanés. Les Correspondants, qui compile les missives qu’ils se sont envoyées pendant un an et demi, nous emmène avec eux dans une grande traversée de leur métier, de leur vie, mais aussi de notre pays et de notre époque. S’inventer, à Paris, un voyage par les lettres. Né d’une envie commune de pouvoir communiquer au long cours malgré l’éloignement, l’échange de billets dans lequel se sont lancés Grand Corps Malade et Ben Mazué a pris une forme inattendue après que le départ au Canada du premier a été annulé. Fini les perspectives de voyages en chapka et de virées en tour bus, voici les deux musiciens tenus par un échange hors de l’immédiateté du quotidien. Cette correspondance au rythme enlevé nous révèle avec esprit et humour les pensées quotidiennes de deux grands artistes contemporains. Leurs échanges deviennent autant d’invitations à les accompagner dans leurs rêveries quotidiennes, à passer les portes des cérémonies en leur compagnie. Sous la douce rêverie, c’est tout un quotidien d’amitiés et de rencontres qui fait progressivement surface. Les deux artistes nous parlent de rendez-vous entre potes dans un local dédié à l’amitié, de paternité, de vie intime. Leurs textes ravivent une beauté simple du quotidien, celle des matchs de foot des enfants et des retrouvailles inespérées. Mais aussi la vie sur les routes, de Zenith en Zenith, pleine de joie et de doutes, sur laquelle ils se livrent une fois par semaine. Mêlant sujets intimes et universels, Les Correspondants nous offre un grand bol d’air frais tout en questionnant avec malice notre société. Cette discussion épistolaire nous rappelle que l’échange permet de préserver un lien, qu’elle consolide le passé pour offrir un futur radieux. Leur album commun avec Gaël Faye, préfacier des Correspondants, dont la sortie fait écho à ces 53 lettres, commence justement par la chanson On a pris le temps et se termine par l’éponyme Éphémère. Comme pour nous rappeler qu’en littérature, en musique ou en amitié, il n’est jamais question que de prendre le temps. Yves Czerczuk |