La lettre politique de L’Express, 4 avril 2024 | |
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le Parti pris | Européennes : à chacun son Raphaël Glucksmann | | par Paul Chaulet Journaliste politique @chaulet_paul Du mépris. Au moins, une condescendance un peu surjouée. Raphaël Glucksmann a longtemps suscité un simple haussement de sourcils en Macronie. Au mieux un "lanceur d’alerte" sur les Ouïgours. Au pire, un "influenceur", plus apte à accumuler les likes sur Instagram que les victoires au Parlement européen. Et puis, ce Parisien bien né, fils de philosophe, est si éloigné des préoccupations populaires. N’a-t-il pas admis se sentir "culturellement" davantage chez lui à New York qu’en Picardie ? Non, on ne pratique pas le même sport. En tout cas pas dans la même division. "C’est stupide de parler de lui. Cela nous dévalue", confiait récemment une ministre. L’indifférence a vécu. Le candidat du Parti socialiste réalise une percée dans les sondages, à deux mois des élections européennes. Avec 13 % d’intentions de vote, le fondateur du mouvement Place publique n’est devancé que de quatre points par la cheffe de file Renaissance Valérie Hayer, dans une enquête menée par Harris-Interactive pour Challenges. Lui voilà poussé des ailes. "Ils avaient prévu que ce soit un duel avec l’extrême droite, nous montrons qu’il existe une troisième voie", s’est-il enflammé mercredi 3 avril dans un meeting à Rouen. A chaque élection, sa surprise. Son récit médiatique d’une inexorable ascension, parfois démentie dans les urnes. Raphaël Glucksmann en coche les cases. Quand elle va sur un plateau télévisé, Valérie Hayer est assurée d’être interrogée sur son rival. Ce duel RN-Renaissance était décidément trop attendu. Enfin du piment ! Renaissance aimerait invisibiliser ce concurrent, mais les micros sont autant d’injonctions à commenter sa campagne. C’est là que l'affaire se complique. Le camp présidentiel peine à opposer une riposte efficace à ce héraut de la gauche social-démocrate, à l’électorat composite. Sur 100 partisans de Raphaël Glucksmann, 38 ont voté Jean-Luc Mélenchon et 30 se sont rangés derrière Emmanuel Macron lors de l’élection présidentielle, d’après une étude de la Fondation Jean-Jaurès. Les premiers déplorent les positions de La France insoumise sur les questions internationales quand les seconds regrettent la mue droitière du chef de l’Etat. L’eurodéputé est au carrefour idéologique de ces deux camps, combinant un discours social et un attachement à la construction européenne. "Il incarne une double alternative", constate un pilier Renaissance. La riposte au candidat n’en est que plus délicate. Deux écoles cohabitent chez Renaissance. Valérie Hayer a mis en avant en début de campagne ses "90 %" de votes communs au Parlement européen avec l’essayiste pour l’étouffer. Elle oppose à son adversaire une influence plus forte à Bruxelles, forte de son statut de cheffe de la délégation Renew. "Il faut rappeler à notre électorat tenté par lui que le vote utile est celui de la majorité présidentielle", juge-t-elle en privé. Cette stratégie du baiser de la mort hérisse certains élus, soucieux de renvoyer Raphaël Glucksmann dans le giron de Jean-Luc Mélenchon. "Il faut le nupésiser", lâche un ancien ministre. "Mettre en avant nos votes divergents sur le nucléaire ou le Pacte asile immigration", ajoute un stratège macroniste. Parfois, les deux arguments s’entremêlent. Comme ce 8 mars dernier, où Valérie Hayer évoque sur France Inter les votes communs à Bruxelles… puis étrille un élu "inféodé au PS sous la coupe de Mélenchon". Allié à Bruxelles, adversaire à Paris. Gare aux maux de tête. Un cadre Renaissance résume : "On n’a pas vraiment de prise. Je ne sais même pas quel argument il faut utiliser." D’autres forces politiques concourent à cette image brumeuse. En 2022, Raphaël Glucksmann avait soutenu du bout des lèvres la création de la Nupes, en raison de "divergences" avec LFI sur des "sujets plus que fondamentaux". La formation de gauche radicale ne l’a pas oublié. Ses cadres érigent l’eurodéputé en apôtre d’une gauche molle, expurgée de toute radicalité. Sur X, on exhume de vieilles déclarations laudatives du candidat envers Nicolas Sarkozy pour le disqualifier. On le dépeint en va-t-en-guerre sur le dossier ukrainien, dans le sillage du président de la République. Chacune de ses sorties est disséquée. "Vous êtes vraiment la France des gens contents de Macron de manière caricaturale", lance sur X le député LFI Antoine Léaument en réponse à une déclaration du député européen sur la fiscalité. Cette excommunication rend moins crédible le procès en collusion avec la Nupes intenté par le pouvoir. Si tu es macroniste, tu es donc de droite. Ah non ! De gauche, rétorque François-Xavier Bellamy. La tête de liste LR tente de réintroduire un clivage gauche-droite dans la campagne pour retrouver de l’oxygène politique. Il a lu avec gourmandise les déclarations de Valérie Hayer sur sa proximité avec le fondateur de Place publique. Les rôles sont répartis. La droite ? C’est Bellamy. La gauche ? Le duo Hayer-Glucksmann, rangé dans la même famille idéologique. A chacun son Glucksmann. Le candidat est baladé de la gauche dure au centre de l’échiquier, au gré des intérêts de ses concurrents. Les critiques se contredisent, au risque de se neutraliser. Elles transforment le candidat en surface de projection lisse, susceptible d’agréger des électorats divergents. "Un nouvel 'en même temps' de gauche" s’interroge l’étude de la Fondation Jean-Jaurès. Cela avait plutôt réussi à l’inventeur du concept. | |
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Attal-Belloubet: le mot qui fâche La guerre lexicale a repris de plus belle. Mardi, Nicole Belloubet défend sur BFM les “groupes de besoin”: “il faut “donner aux groupes selon leur niveau des compétences mieux assurées. Mercredi, lors des questions au gouvernement qui lui sont entièrement consacrées, Gabriel Attal ne se perd pas en circonvolutions et martèle l’expression: “Nous, ce que nous voulons, c’est faire progresser et faire réussir tout le monde, d’où la mise en œuvre des groupes de niveau. Ces groupes de niveau, c’est une mesure profondément sociale.” Le Premier ministre et la ministre de l’Education s’étaient mis d’accord lors de la formation du gouvernement: lui continuerait d’employer sa formule, elle parlerait de “groupes de besoin”. Attal, alors ministre de l’Education, avait hésité lors de l’annonce du choc des savoirs, mais il tient depuis à la formule comme à la prunelle de ses yeux. “Le souci, c’est qu'il l’emploie très très souvent”, observe-t-on au ministère de l’Education, où l’on considère que le mot est “un irritant” dès lors que “les enseignants préfèrent travailler sur le besoin plutôt qu’avec des niveaux” et que “ce n’est pas en irritant qu’on fait avancer les choses”. | > Retrouvez les indiscrets politiques de L'Express | |
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La politique dans le rétro |
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