J’ai remarqué que depuis mercredi dernier, sur ma boite mail, un message sur deux comporte la formule « faites-vous plaisir !» dans son intitulé. Pourquoi tant de gens me veulent du bien ? Parce que c’est les soldes, pardi. J’ai toujours pensé que nos historiques de navigation en disent beaucoup sur nous (plus que nos posts flatteurs sur les réseaux sociaux en tout cas), je me demande si l’inventaire de nos messageries mail ne constituerait pas notre vraie carte d’identité numérique.
Et bien dans mon cas, c’est une sorte de boucherie.
Moi qui passe le clair de mon temps à évangéliser mon prochain (halte aux placards qui débordent, halte aux légumes qui ont pris l’avion, vous voyez le genre de casse-bonbons), les messages que je reçois sont à peu près les mêmes que ceux d’une influenceuse qui vivrait à Dubai dans un shopping mall climatisé : de la fringue, encore de la fringue, des chaussures en veux-tu en voilà, et puis de la déco, toujours de la déco, allez madame, remplissez votre panier, vous paierez plus tard. Et si je reçois ces promos, ce n’est pas par hasard, c’est parce que je suis déjà cliente de ces marques (je confesse un vrai problème d’achats bizarres sur instagram, le soir, vers 22h, après deux verres de vin) (je ne sais plus si je vous avais parlé de cette petite lampe solaire en forme de chouette, l’automne dernier ? Heureusement elle s’est cassée très vite).
Le pire, dans mon cas, avec cette avalanche de mails, c’est sans doute leur incohérence. Sur deux messages qui se suivent de près, il y a celui de «Saine abondance », un site de formation à la permaculture qui me propose un rabais sur un calendrier lunaire de semis (youpi) et celui de Gam’vert, qui déstocke des désherbants peu susceptibles d’être 100% purin d’orties. Ou ces marques chics, françaises, vertueuses, qui se désolent de ne pas m’avoir vue depuis deux ans alors que juste après, un site de hard discount me demande si j’ai aimé mes six derniers achats. Bref, au moment où je devrais être dans la joie (« faites vous plaisir ») je me découvre telle que je suis : consommatrice schizophrène archi culpabilisée. Et du coup, bah, pour oublier, j’achète du glyphosate.
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