La forêt française se meurt, mais rien n’y fait. La surproduction continue. Je parle des livres. Les éditeurs sont les premiers responsables, mais pas que. Certains écrivains passent carrément les bornes, à publier un livre tous les ans. Je propose que, sur la couverture de chaque livre publié, soit mentionné l’empreinte forêt de l’écrivain. Un peu comme avec le carbone. Ça en refroidirait plus d’un, je peux vous le dire. Là, sous le code-barres, de savoir que notre auteur en est à 5000 arbres transformés en pâte à papier. Faut-il ne plus lire les auteurs qui ont trop écrit ? Joyce Carol Oates, par exemple. Carrément dans le rouge ! D’autant que les industriels du bois font n’importe quoi, contrairement à ce que ce vertueux logo semble promettre à côté de l’achevé d’imprimer. « PEFC » et « Imprim’vert », tu parles. Des consortiums redoutables car invisibles gèrent, à l’avenant, la découpe rase de centaines de forêts françaises. Les collectivités sont impuissantes, et l’Etat s’en fiche. Au contraire, il encourage car, au sommet de ces multinationales, il y a des chances qu’on ait aussi fait l’ENA. On me parle d’une forêt en Haute-Garonne, la forêt de Fabas. Vous verriez les engins qu’ils envoient pour faire ressembler ces douces collines à Verdun en 14 ! Ça rappelle les destructions de la forêt amazonienne. Dieu merci, une vaillante association fait ce qu’elle peut pour arrêter le massacre. Un peu comme ce militant des droits de l’homme empêchant la progression des chars sur la place Tian’anmen. Vous pouvez les soutenir en lisant leur jolie newsletter : vivreencomminges.org/IMG/pdf/bisedelaforet_n3_imprimable.pdf Pour vous donner une idée de l’absurdité de la situation, cette forêt de près de 500 ha est administrée par la Société Forestière de la Caisse des Dépôts et Consignations qui en gère 300 000. En plus, ça ne leur appartient même pas. Ils se contentent de débiter le tout en mode Terminator. Le vrai propriétaire est Amundi Investissement Forestier. C’est, dit l’asso, « un groupement national de forêts qui est proposé comme produit financier par Amundi, la filiale “finance” du Crédit agricole, de la Société Générale et du Crédit lyonnais ». Sauf qu’un arbre n’est pas une obligation à court terme. Comme un écrivain n’est pas un livret A. (Enfin, je ne parle pas de Marc Lévy.) Que peut-on faire pour sauver la forêt française ? Alors qu’elle est en péril par le fait du réchauffement, la Caisse des dépôts (donc l’Etat, donc Bruno Le Maire, lequel écrit des livres en plus, double peine pour nos vaillants chênes) et Amundi ne font qu’accentuer le mal en l’exploitant n’importe comment. Quand il faudrait, au contraire, redoubler de soins pour lui venir en aide. Tiens, si ça vous dit, je vous raconterai ce qu’elle devient, cette forêt de Fabas. Si le massacre persiste, on me le fera savoir. On lancera un téléthon de la forêt. Et je vous donnerai, en prime, le mail des patrons de la Caisse des dépôts, Eric Lombard, et d’Amundi, Valérie Baudson. Ça serait bien qu’on soit nombreux à leur laisser des messages. Didier Jacob |