Google I/0 2023 : ce qu’il faut retenir | | Cette édition 2023 de la conférence annuelle du mastodonte californien aurait pu s'appeler Google IA, tant l'intelligence artificielle y était omniprésente... Générative ou conversationnelle, elle a été déclinée à toutes les sauces sur la scène de l'amphithéâtre du Googleplex de Mountain View, mercredi 10 mai, par Sundar Pichai, CEO d'Alphabet, la maison mère de Google. De Search à Workspace, la marque va donc intégrer progressivement le fruit de ses recherches en matière d'IA dans tous ses produits, une petite semaine seulement après la démission et les déclarations fracassantes de Geoffrey Hinton. Pour rappel, celui qui a passé une décennie chez Google et que l'on surnomme « le parrain de l'intelligence artificielle » pour avoir créé le « réseau de neurones » qui permet à l'IA d'apprendre par elle-même, avait quand même confessé avoir « changé d'avis sur le fait que ces technologies pouvaient devenir plus intelligentes que nous. Je me dis parfois que c'est un peu comme si des aliens avaient débarqué, mais que les gens ne s'en aperçoivent pas parce qu'ils parlent très bien notre langue... ». De PaLM 2 à Gemini, l'IA sous stéroïdes ? « Pathways Language Model 2 » (« PaLM 2 », pour les intimes), c'est le nom qu'a choisi l'entreprise pour baptiser son « modèle de langage nouvelle génération » qui, selon elle, va renvoyer les concurrents à un rôle de sparring-partner. Une technologie que Google va d'abord mobiliser pour booster les performances de son chatbot, Bard – qui va d'ailleurs être introduit au grand public dans 180 pays (hors UE pour l'instant) –, pour lui permettre de converser dans 40 langues tout en étant capable d'intégrer des images aux requêtes des utilisateurs et dans les réponses générées. Réponses qui pourront ensuite être exportées vers toutes les autres applications connexes, comme Gmail ou Docs. Un cheminement résumé ainsi dans les colonnes du Guardian : « En combinant toutes ces possibilités, un utilisateur pourra donc poser une question dans sa langue sur un restaurant en Bulgarie, par exemple, et le système pourra alors chercher des réponses en bulgare sur le web, les traduire, ajouter une photo du lieu et générer un code de type Snippet pour créer un complément d'information dans la base de données. » De son côté, Google préfère présenter les potentialités de cette recherche « visuelle » dans le domaine médical : entraîné par les équipes de son département Health Research, PaLM 2 devient Med-PaLM 2 et vous propose des extraits sourcés de textes médicaux après avoir analysé la photo de votre radio des poumons. Flippant. Qui plus est lorsqu'on apprend que Google planche déjà sur une version encore plus puissante de son IA intitulée Gemini... Duet AI, l'assistant qui provoque Microsoft Copilot en duel En parallèle, Google a déjà commencé l'intégration de l'IA générative à ses outils Workspace, via un « secrétaire virtuel » répondant au doux nom de Duet. Vous pourrez donc bientôt lui demander d'écrire un mail et mettre un peu d'ordre dans votre Gmail à votre place, rédiger et mettre en forme un long texte avec Docs tout en vous suggérant des modifications de style, de ton, de grammaire ou d'orthographe dans plusieurs langues, faciliter la gestion des données dans Sheets et générer des images à partir d'une requête textuelle dans Slides ou des arrière-plans adaptés à l'ADN de votre boîte dans Meet... Tout un programme (actuellement en phase de test pour Gmail et Docs), avec lequel Google espère enrayer le bon démarrage de Copilot, l'assistant intégré lancé deux mois plus tôt par Microsoft. D'autant que, comme son grand rival avec Bing, son moteur de recherche, Google va également injecter de l'IA dans Search. Sauf que, contrairement à lui avec ChatGPT-4, elle ne mise pas sur une interface conversationnelle mais sur une approche « contextuelle » du traitement des requêtes. « Search va prendre en charge une plus grande partie du travail de recherche sur un sujet pour que vous puissiez le comprendre plus rapidement, en ajoutant des perspectives supplémentaires et des insights aux résultats proposés », précise Liz Reid, vice-présidente de Google Search dans un article publié sur The Keyword, le blog de la firme. De l'avis de recherche numérique à la « vue à vol d'oiseau » Comme pour ses concurrents Tile et Apple, la compagnie compte aussi sur l'IA pour révolutionner son appli Find My Device en utilisant les appareils des autres utilisateurs comme un vaste réseau permettant de géolocaliser votre matériel égaré. Sameer Samat, VP Product Management, l'a confirmé dans des propos relayés par le média The Verge : « La puissance de ce réseau repose sur les milliards d'appareils Android répartis aux quatre coins du monde. » Une fonctionnalité qui pourrait également s'appuyer sur la refonte d'un autre produit Google bien connu du grand public : Google Maps. Car c'était l'autre grand moment de cette démonstration de force sauce Montain View : les premières images du futur très proche de l'application, qui devrait proposer « une toute nouvelle manière de visualiser votre parcours » dans une quinzaine de villes d'ici la fin de l'année, dixit Miriam Daniel, VP de Google Maps Experiences. « La vue immersive utilise l'intelligence artificielle pour fusionner des milliards d'images Street View et des vues aériennes pour créer un modèle digital enrichi du monde. » Pour vous donner une idée du résultat, c'est un peu comme si vous transformiez votre smartphone en casque de réalité virtuelle, ou que vous troquiez vos yeux contre ceux d'un droïde de navigation conçu par les scénaristes de Star Wars. Ce qui, entre nous, pourrait bien arriver plus vite qu'on ne le pense... | | | | UN PAVÉ DANS LA JUNGLE | C'est ce qu'on appelle avoir le sens du timing... Pendant que Google fignolait les préparatifs de son grand barnum censé faire oublier son apparent retard en la matière, Sam Altman, CEO d'OpenAI, lançait un énorme pavé dans la jungle de l'IA en marge d'une conférence organisée pour les élèves du prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT) : « Je pense que l'ère des modèles d'IA gigantesques [comme GPT-4] touche à sa fin. Mais nous allons continuer de les améliorer d'une façon différente... » Mic drop. Pourquoi c'est un pavé ? En lisant entre les lignes, on comprend alors que la croissance de ces modèles d'IA commence à buter contre ses limites physiques. En 2019, GPT-2 fonctionnait avec 1,5 milliard de paramètres. Quatre ans plus tard, GPT-4 en nécessite probablement des billions, comme le détaille Laurence Van Elegem, Content Director et co-animatrice du podcast de l'agence Nexxworks, dans un post devenu viral sur LinkedIn. Ce qui implique une augmentation exponentielle des coûts de développement déjà faramineux et un retour sur investissement qui diminue en conséquence. D'autant que, pour enrichir leur base, ces modèles ont besoin d'absorber toujours plus de données. Des data qui sont, elles aussi, particulièrement difficiles et coûteuses à acquérir car de mieux en mieux protégées par les législations étatiques sur la protection des données privées et celles relatives à la propriété intellectuelle de certains contenus. C'est donc tout un modèle économique qui est remis en question, sachant que la construction de nouveaux centres de données capables de traiter ce flux massif d'informations ne se fait pas en un claquement de doigts. Sans parler de la consommation massive d'énergie et de ressources naturelles que cela demande... | UN FORMAT À LA LOUPE | | C'est le réseau social qui monte et dont tous les chantres de la prise de parole publique attendent de recevoir une invitation. Son nom ? Bluesky. Développée en 2019 par les équipes de Twitter, cette nouvelle plateforme sociale s'est libérée définitivement de la tutelle de son grand frère pour mieux le copier... et surtout le concurrencer. À ceci près que, contrairement au réseau à l'oiseau bleu, « ciel bleu » fonctionne de façon décentralisée. En d'autres termes, là où Twitter est basé sur un serveur central qu'il contrôle, Bluesky s'appuie sur une toile tissée par plusieurs serveurs séparés et fonctionnant chacun avec leurs propres principes de curation et de modération, autorisant ainsi les utilisateurs à prendre la main sur l'algorithme ou changer d'hébergeur à tout moment. « L'objectif est de permettre un fonctionnement qui ressemble davantage aux premiers jours du web, lorsque n'importe qui pouvait créer un blog ou utiliser les flux RSS pour s'abonner à plusieurs blogs », chante en chœur l'équipe de Bluesky sur son site internet, comme un hymne à la démocratie numérique. Pour l'heure, impossible de se joindre à la fête sans invitation. Et pour en recevoir une, pas de passe-droit... Il faut s'inscrire, faire la queue et scruter son inbox comme tout le monde, messieurs dames ! | LE CONTENU QU'ON AURAIT ADORÉ FAIRE | | 363 journalistes ont été emprisonnés en 2022 dans le monde, soit une hausse de 20% par rapport à l'année précédente. Trois fois plus qu'en l'an 2000, aussi. Voilà pourquoi, à l'occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse le 3 mai dernier, l'ONG Reporters sans frontières (RSF) s'est associée à l'agence 180 Amsterdam pour concevoir une opération de sensibilisation particulièrement réussie. Et qui s'accompagne d'une police d'écriture spécialement créée pour l'occasion. Le principe ? Lorsque vous l'utilisez, 363 mots disparaissent du contenu que vous venez de rédiger. Forcément, avec autant de mots en moins, le texte devient parfois incompréhensible... Comme pour rappeler à tous que, sans journaliste, pas d'information claire, transparente et indépendante. Une police téléchargeable directement sur le site de Free Press Unlimited, pour que leurs confrères du monde entier puissent relayer la campagne. | UNE DERNIÈRE LIANE POUR LA ROUTE | 24 février 2022. L'équipe nationale d'Ukraine est en en pleine phase de qualification pour la Coupe du monde de football. Dans un mois, elle doit se déplacer en Écosse pour y disputer un match décisif. Sauf que, ce jour-là, c'est le destin de tout un pays qui vacille. La Russie de Vladimir Poutine envahit l'Ukraine. S'installe alors un conflit sanglant, qui va peu à peu s'enliser dans la durée. Exilée en Slovénie avec une exemption spécialement délivrée par le gouvernement ukrainien, l'équipe se reforme trois mois plus tard. Loin de leurs familles et de leurs amis, les joueurs et membres du staff s'embarquent alors dans une mission quasi impossible, entre l'inquiétude lancinante pour ceux restés derrière et la volonté farouche de redonner un peu de fierté et d'espoir à tout un peuple. C'est cette histoire que retrace le réalisateur Wright Thompson dans Remember the Blue & Yellow, le superbe documentaire diffusé par ESPN en décembre dernier et enfin disponible gratuitement sur le player de la chaîne sportive américaine. Un docu fort, poignant, qui porte un autre regard sur le conflit ukrainien. |
|