Grève à Hollywood : pourquoi l’IA est le méchant du film | | « Le conseil national du SAG-AFTRA (Screen Actors Guild - American Federation of Television and Radio Artists, ndlr) a voté à l'unanimité un ordre de grève contre les studios et les diffuseurs. » C'était le 13 juillet dernier. Par la voix de Duncan Crabtree-Ireland, directeur exécutif de ce syndicat qui représente 160 000 professionnels de l'industrie cinématographique américaine, les acteurs rejoignaient officiellement le mouvement de grève lancé par les scénaristes début mai, après la fin du contrat qui les liait aux studios depuis l'été 2020 et l'échec des négociations pour un renouvellement. Depuis, rien n'a bougé. IA de l'eau dans le gaz... Le conflit les oppose à la puissante AMTP (Alliance of Motion Picture and Television Producers), qui regroupe tous les vieux cols blancs du secteur, comme Sony, NBCUniversal, Disney, Paramount et Warner Bros Discovery. Mais aussi les petits nouveaux, comme Netflix, Apple et Amazon. Et les revendications portent sur une revalorisation des rémunérations, qui stagnent depuis l'avènement du streaming, ainsi que la mise en place de garde-fous concernant le recours à l'IA générative par les studios. C'est d'ailleurs ce dernier point qui cristallise toutes les tensions. D'autant qu'en regardant Joan is Awful, le premier épisode de la dernière saison de Black Mirror qui traite de cet épineux sujet, les deux corps de métier ont dû avoir des vertiges... Une série diffusée sur Netflix qui, au passage, vient d'annoncer 6 millions d'abonnés supplémentaires suite aux restrictions sur le partage de compte, portant son chiffre d'affaires trimestriel global à plus de 8 milliards de dollars. « Nous sommes à un moment majeur », avançait Fran Drescher, star de la série Une nounou d'enfer dans les 90's devenue présidente du SAG-AFTRA, en conférence de presse. « L'industrie change, du fait du streaming, du numérique et de l'intelligence artificielle. Si nous ne résistons pas, nous sommes tous menacés d'être remplacés par des machines. » Terminactor ? Pas si loin. Scanner les figurants Dans un communiqué publié juste après le début de la grève, l'AMTP précisait que sa dernière proposition – refusée par la partie adverse et qui a déclenché la grève – comprenait « une proposition révolutionnaire concernant l'IA, qui protège les doubles digitaux des acteurs pour les membres de la SAG-AFTRA ». Réponse de Duncan Crabtree-Ireland : « Ils ont proposé que les figurants puissent être scannés, ne reçoivent qu'un jour de salaire, et que les entreprises disposent ensuite de ce scan, de leur image, leur double numérique, pour pouvoir l'utiliser à l'infini sur n'importe quel projet sans consentement ni compensation... Donc si vous pensez que c'est une "proposition révolutionnaire", je vous suggère d'y réfléchir à nouveau ! » Et longtemps... « Je pense que nous sommes face à une grève longue durée, ils vont laisser la plaie saigner », prédisait un vétéran de l'industrie à propos de la grève des scénaristes, sous couvert d'anonymat dans les colonnes du média Deadline, avant qu'un autre producteur anonyme ne pousse la métaphore un cran plus loin, trop loin même : « Le but du jeu c'est de laisser traîner les choses jusqu'à ce que les membres du syndicat commencent à perdre leurs appartements et leurs maisons. » Voilà voilà.... S'il est indéniable que les acteurs donnent plus de poids au mouvement, les positions des deux camps sont si éloignées que le conflit semble parti pour s'enliser. Un mal « cruel mais nécessaire » selon les dirigeants des studios, qui donnerait presque envie d'enfiler un gilet jaune à notre nounou d'enfer : « La manière dont ils nous traitent est choquante. Ils crient misère, ils disent qu'ils perdent de l'argent et, en même temps, ils distribuent des centaines de millions de dollars à leurs PDG. C'est écœurant. » Bienvenue à La La Land. | | | | UN PAVÉ DANS LA JUNGLE | « J'ai hâte de voir ce que vous allez bâtir ! ». La quote est signée Mark Zuckerberg mais, contrairement aux apparences, elle n'a rien à voir avec son metaverse. Dans un message posté mardi sur son compte Facebook, le boss de Meta a annoncé qu'il venait de publier une version open source de LlaMA 2 (abréviation de Large Language Model Meta AI), son nouveau modèle de langage permettant de développer des chatbots comme ChatGPT ou Google Bard. En s'associant à Microsoft pour publier le code de sa dernière IA sur le service de cloud Microsoft, Meta conforte un partenariat croissant avec la multinationale cofondée par Bill Gates tout en jetant une première pierre dans le jardin d'OpenAI, dont Microsoft est l'un des principaux investisseurs. D'autant que, contrairement à Bard et ChatGPT, LlaMA 2 n'a pas été conçu comme une version finale destinée à l'utilisateur, mais pour que d'autres développeurs puissent s'en emparer et le perfectionner. Pourquoi c'est un pavé ? « En rendant LlaMA 2 open source, Meta peut capitaliser sur les améliorations apportées par des programmeurs extérieurs à l'entreprise tout en – espèrent ses dirigeants – stimulant l'expérimentation de l'IA », souligne cet article du New York Times. Une stratégie qui vise principalement à diluer l'avantage technologique de ses concurrents à moindres frais. Mais qui n'est pas sans risques, à l'heure où les pontes de l'IA multiplient les mises en garde et militent pour restreindre l'accès à cette technologie. Mark Zuckerberg, lui, préfère se cacher derrière son petit doigt. « L'open source est un moteur de l'innovation car il permet à plus de développeurs de s'approprier cette nouvelle technologie, justifie-t-il dans son post Facebook. Il permet également des progrès en matière de sûreté et sécurité car, lorsqu'un logiciel est ouvert, plus de gens peuvent le scruter pour identifier et résoudre les problèmes potentiels. » N'empêche que n'importe qui peut aussi utiliser cette technologie pour inonder internet avec encore plus de désinformation, de spams et de scams en tout genre. Mais pas de panique, du moins pas tout de suite... Ahmad Al-Dahle, vice-président de l'IA générative chez Meta, a précisé que LlaMA 2 avait subi une batterie de tests « Red Team » – c'est-à-dire visant à anticiper les abus et trouver des solutions dès la phase de programmation – et que la firme allait rapidement publier un guide contenant les règles et bonnes pratiques à suivre pour garantir un usage responsable de ses lignes de code. Voire... | UN FORMAT À LA LOUPE | | À gauche : Ripple, un nouvel outil de création musicale. À droite : TikTok Music, un nouveau service de streaming musical. Et au milieu : ByteDance, le géant chinois propriétaire des deux applications qui tente une OPA monstre sur l'industrie de la musique... Lancée le 30 juin aux États-Unis en version bêta fermée, Ripple est pensée comme une station audionumérique de poche et permet à n'importe qui de créer un morceau (presque) comme un musicien professionnel grâce à l'IA. Mais mettons-nous d'accord d'entrée : si vous souhaitez composer une symphonie sur l'écran de votre smartphone, passez votre chemin. En revanche, Ripple devrait vite devenir votre app préférée pour bidouiller la ritournelle qui accompagnera votre prochaine vidéo... postée sur TikTok, de préférence. Car la plateforme, dont les vidéos les plus virales sont souvent accompagnées de hits du moment (ou du passé), a de la suite dans les idées... Déployée, elle aussi, en bêta fermée le 7 juillet au Brésil et en Indonésie puis, onze jours plus tard au Mexique, à Singapour et en Australie, TikTok Music est une plateforme de streaming musical qui s'inspire largement de Deezer, Apple Music ou Spotify. Comme ses concurrents, elle fonctionne avec un système d'abonnement mensuel autour des dix euros et puise dans les catalogues d'Universal, de Sony et de la Warner (entre autres) pour étoffer son offre. Mais, à l'instar d'Instagram avec Threads, l'application s'appuie aussi sur sa grande sœur en proposant des passerelles entre les deux. Via une fonctionnalité similaire à Shazam, l'utilisateur pourra ainsi écouter un titre découvert en regardant une vidéo sur TikTok et, inversement, utiliser un titre de sa bibliothèque TikTok Music pour accompagner une vidéo. Un concept qui a d'ores et déjà séduit le groupe Warner Music, puisqu'un accord pour une extension de licence à tous les produits de ByteDance vient d'être paraphé. Signe annonciateur d'un lancement imminent en Occident ? « Nous aurons plus de nouvelles à partager sur le lancement de TikTok Music dans les mois à venir », a déclaré l'entreprise dans un communiqué. Affaire à suivre, donc. | LE CONTENU QU'ON AURAIT ADORÉ FAIRE | | C'était l'évènement pour tous les passionnés de publicité. Ceux pour qui l'émission Culture Pub – animée par Christian Blachas à la fin des 90's/début 2000 – représentait l'équivalent de la messe dominicale. Ceux qu'on appelle parfois « les fils de pub ». Mercredi dernier, Apple sortait le quatrième épisode de The Underdogs, une saga entamée en 2019 qui décline ses produits et solutions dans le quotidien d'un espace de travail légèrement... déjanté. Une campagne où chaque spot crée l'évènement, de par sa durée (entre 4 et 9 minutes), son scénario hollywoodien, ses moyens colossaux et ses personnages attachants. Une équipe de bras plus ou moins cassés que l'on avait découverte juste avant la pandémie, retrouvée confinée en 2020, déconfinée deux ans plus tard et que l'on accompagne désormais dans la recherche d'un MacBook volé par deux abrutis qui rappellent les Casseurs Flotteurs du film Maman, j'ai raté l'avion. 1,6 million de vues en à peine 24 heures pour ce dernier opus et plus de 80 millions cumulés pour les trois précédents. Ce n'est plus un spot publicitaire, c'est une sortie ciné ! | UNE DERNIÈRE LIANE POUR LA ROUTE | Plonger dans les abîmes, au plus profond, dans un monde où l'obscurité règne. Le Monde du silence, tel que le commandant Cousteau le décrivait dans son documentaire sorti en 1956. Seul, sans bouteille, en palmant délicatement. Descendre pour toucher ses limites, décrocher un record, tromper la mort. Puis remonter, lentement, pour retrouver la surface, la frénésie. Pour renaître. À mi-chemin entre Le Grand Bleu et Free Solo, The Deepest Breath (Au plus profond, en VF), vous entraîne dans les profondeurs pour y découvrir la cruelle beauté du Free Diving, l'une des disciplines sportives les plus dangereuses au monde. Et le ton est donné dès les premières secondes du film... Assise à l'arrière d'une voiture, la réalisatrice, Laura McGann, demande à celle qui la conduit vers la mer : « Alessia, quel est ton rapport à la mort ? » Réponse : « Honnêtement, je n'y pense pas. On meurt quand notre heure est venue. » Sélectionné au dernier festival de Sundance et disponible depuis le 19 juillet sur Netflix, ce documentaire haletant aux images grandioses retrace l'histoire bouleversante d'Alessia Zecchini, une apnéiste prodige, et Stephen Keenan, ancien champion d'Irlande d'apnée devenu sauveteur pro et plongeur de sécurité sur les grandes compétitions internationales à l'issue d'un parcours de vie cabossé. Une relation intense, où l'amour se vit mais ne se dit pas, entre une athlète surdouée et celui qui deviendra peu à peu son ange gardien. Une confiance totale, surtout, qui poussera la plongeuse italienne à descendre dans les entrailles du Blue Hole, un trou béant d'une centaine de mètres dans la mer Rouge égyptienne. Un endroit connu comme « la cathédrale sous la mer » pour sa beauté singulière, mais que les locaux surnomment aussi « le cimetière des plongeurs »... |
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