Mon dernier article sur l’hydrogène bleu n’a pas manqué de vous faire réagir ! J’en suis le premier ravi. Merci aux lecteurs qui ont pris la plume pour partager leurs commentaires et autres points de vue sur le site Opportunités Technos. Sachez que, s’il n’est pas possible de répondre personnellement à chaque message, tous sont lus et appréciés.
YM, que je salue au passage, a fait une remarque pertinente qui mérite clarification : "Dans la production d’hydrogène classique, un premier intérêt réside dans le fait que le procédé de production aboutit en sortie d’usine à un flux d’hydrogène et à un flux de CO2 quasi pur. Ce dernier est donc déjà séparé : pas d’étape de séparation coûteuse (…) Le coût de l’hydrogène bleu qui peut ainsi être produit en grande quantité n’est que marginalement supérieur à celui de l’hydrogène gris."
Ce faisant, notre lecteur perspicace met le doigt sur une problématique macro-économique importante de la transition énergétique.
Peut-on s’offrir le zéro carbone ?
Les entreprises qui basent leur stratégie sur l’hydrogène bleu, lequel consiste rappelons-le à produire le gaz propre à partir de méthane tout en captant le CO2 émis, s’attachent à prouver que le coût de cette solution reste limité par rapport au prix de l’hydrogène gris, produit de la même façon mais sans l’étape de séquestration du CO2.
La rentabilité de la production d’hydrogène propre est, bien sûr, le nerf de la guerre.
L’augmentation du coût au kilogramme de l’hydrogène bleu par rapport à l’hydrogène gris est encore à déterminer. Il dépendra du type de technologie choisie, de la distance du site de production à la zone d’enfouissement, de la disponibilité des zones de stockage, des volumes totaux… Sans entrer dans une bataille de chiffres autour de cette "taxe verte", son existence-même pose question car, dans le cadre de la transition énergétique, l’hydrogène n’est plus considéré comme une matière première aux propriétés uniques mais comme source d’énergie.
La différence est primordiale. L’hydrogène utilisé comme matière première industrielle peut avoir son propre prix. Après tout, nickel, argent et bois ont des prix qui évoluent de manière différente au cours du temps. Plus les énergies sont substituables les unes aux autres, en revanche, plus leurs prix sont corrélés. Voyez par exemple ce qui se passe depuis un an avec le prix de l’électricité et du gaz : dans les pays où le kWh marginal d’électricité est produit par des centrales à gaz, le coût des deux énergies tend à se synchroniser.
L’hydrogène bleu viendra ainsi en concurrence frontale avec l’hydrogène gris sur le marché de l’énergie, et il sera nécessairement plus cher.
Dans un contexte de raréfaction de l’énergie, les acteurs économiques seront-ils prêts à dépenser de l’argent en pure perte dans le seul but de limiter les émissions de CO2 ? Jusqu’ici, les faits ont prouvé que les sociétés sont prêtes à prendre le virage de la transition énergétique, si compliquée et coûteuse qu’elle soit, pour assurer leur approvisionnement à long terme en énergie. En revanche, la transition écologique, qui imposerait de brider notre niveau de vie avec, comme indicateur de réussite, la baisse des émissions de CO2, n’a jusqu’ici jamais séduit les foules.
La vitesse avec laquelle nous sommes revenus au "monde d’avant" une fois la phase aigüe de la pandémie de COVID-19 terminée nous prouve que brider la croissance au nom de la baisse des émissions de CO2 n’est pas dans notre ADN. Plus récemment, la France a renié ses objectifs de mise à l’arrêt des centrales électriques à charbon, très émettrices de gaz à effet de serre, pour garantir son approvisionnement en électricité.
Même l’Allemagne a mis de côté sa phobie du nucléaire – pourtant jugé plus dangereux que le réchauffement climatique dans l’imaginaire collectif outre-Rhin – pour éviter les coupures d’électricité cette année.
Ainsi, miser sur l’hydrogène bleu, quel que soit le montant des coûts induits, c’est miser sur le fait que nos sociétés accepteront de perdre du pouvoir d’achat pour limiter les émissions de CO2. Seront-elles capables d’une telle abnégation dans le futur ? Peut-être. Mais leur comportement suite aux plus récents événements montre que tel n’est pas le mode de fonctionnement que nous suivons actuellement. Sinon, nous aurions préféré manquer d’électricité que de relancer nos centrales à charbon.
Voulons-nous vraiment de l’hydrogène-énergie ?
Un autre obstacle majeur à une généralisation de l’hydrogène-énergie bleu est qu’il reste un gaz dont l’utilisation reste compliquée.
Pour le stockage, le transport, et même l’utilisation pour sa capacité calorifique, il est à bien des égards moins performant que le méthane. Si les industriels croient de plus en plus à l’hydrogène-énergie, c’est parce qu’il devrait bientôt être possible de le produire "gratuitement" lors des pics de production d’électricité renouvelable.
Mais, en soi, l’hydrogène est un vecteur d’énergie dont l’utilisation soulève de nombreux problèmes... Je vous explique pourquoi juste ici…