IA et contenus : textpocalypse now ?
C'est une réalité à laquelle on doit s'adapter : l'intelligence artificielle générative se propage à grande vitesse, par le biais de programmes type ChatGPT.
Selon une prévision d'International Data Corporation (IDC) datée du 7 mars, les dépenses mondiales en intelligence artificielle devraient atteindre 154 milliards de dollars en 2023, et plus de 300 milliards en 2026. Alors quelles pourraient être les répercussions immédiates et futures sur l'univers des contenus ? Revue d'un paysage en pleine mutation.
Un « textpocalypse » «
Et si en fin de compte, nous étions détruits non pas par des missiles balistiques intercontinentaux ou par le changement climatique, non par des agents pathogènes microscopiques ou par une météorite, mais par du texte ? »,
s'interroge The Atlantic. Sous la plume de Matthew Kirschenbaum, le média s'inquiète d'un
« textpocalypse », un futur où le contenu rédigé par l'IA deviendrait la norme et les écrits rédigés par une plume bien vivante, une exception. Où on ne saurait plus discerner ce qui relève d'un texte humain et d'un texte IA. «
Je pense que nous nous retrouverons très vite dans un monde où nous ne saurons plus à quoi faire confiance »,
renchérit Gary Marcus, chercheur et critique de l'IA, dans une tribune publiée dans le New York times. Déjà que nous devons lutter contre les
fake news...
« Un spam planétaire permanent » Mais ce qui terrorise vraiment Matthew Kirschenbaum, c'est la perspective d'une «
crise de spam sans fin ». En juin dernier, une version modifiée de GPT-J, un modèle open source, s'est invitée dans le forum de discussion anonyme 4chan et a publié 15 000 messages toxiques en 24 heures. Une initiative qui pourrait inspirer des âmes motivées «
par l'argent de la pub, un agenda politique ou idéologique ». S'appropriant les forces de l'intelligence artificielle générative, celles-ci pourraient ainsi provoquer «
un flux de contenu itératif à l'infini qui ne fait rien d'autre que de gêner tout le monde ».
« Un sparring-partner » pour les marques Plus prosaïquement, certaines marques utilisent déjà ChatGPT comme allié dans un contexte économique féroce. Undiz, par exemple, s'appuie sur l'IA pour compléter ses pages produits, newsletters, posts sur les réseaux sociaux et textes promotionnels. «
Nos pages de produits, nous les écrivons avec ChatGPT, avec des indications de style : plus court, plus jeune, plus cool... il n'a pas de style, il a tous les styles »,
explique Marie Dardayrol-Sandevoir, directrice digitale de la marque de lingerie. «
La concurrence internationale dispose de moyens humains, et médias, qui ne sont pas les miens », poursuit-elle. Le fait d'utiliser ChatGPT permet ainsi d'équilibrer la balance face aux poids lourds du milieu.
Pour les médias, dans un contexte économique difficile, ChatGPT permet aussi de définir un modèle moins contraignant et plus agile.
Par la voix de son rédacteur en chef, Gideon Lichfield,
Wired a ainsi annoncé vouloir utiliser ChatGPT afin de rédiger des messages marketing, des titres d'articles et de posts pour les réseaux sociaux. Il a également précisé que pour l'heure, aucun article ne sera rédigé ou édité par une IA. Il s'agit donc de laisser l'outil s'occuper d'un travail subalterne pour se concentrer sur des tâches à forte valeur ajoutée.
Pour l'expert média Benoit Raphaël, l'IA doit être apprivoisée pour être réellement bénéfique. Même si le processus prend du temps, il est payant. Le journaliste y voit entre autres une source potentielle de sujets, d'idées, qui l'aide à écrire des articles «
qui n'ont pas besoin d'avoir une forte valeur littéraire et qui sont fatigants à écrire ».
Un outil conversationnel pour LinkedIn Pour la plateforme professionnelle qui a à cœur l'animation des conversations, l'IA constitue un parfait allié. Dernièrement,
LinkedIn a annoncé l'arrivée sur le flux d'articles collaboratifs, générés par l'intelligence artificielle, et complétés ensuite par des experts. L'IA décide donc d'abord du sujet à aborder avant de voir son contenu enrichi par des plumes bien humaines. Pour le rédacteur en chef de LinkedIn, Dan Roth, il est plus difficile d'entamer une conversation que d'y participer. D'où l'introduction de cette nouvelle fonctionnalité, facilitatrice de lien social et de business !
Persuader les utilisateurs Dans un édito du New York Times, le journaliste Ezra Klein s'interroge : «
Et si Google, Microsoft, Meta et tous les autres finissaient par lancer des IA qui rivalisent les unes avec les autres pour être les meilleures à persuader les utilisateurs de vouloir ce que les annonceurs essaient de vendre ? » ChatGPT et ses consœurs pourraient être ainsi des armes efficaces pour la publicité. «
Je suis moins effrayé par un Sydney (ndlr : le nom de code donné par Microsoft au moteur issu de l'intégration de ChatGPT dans Bing, et
qui s'est avéré plus émotif que les IA classiques)
qui joue avec mon désir de jouer une histoire de science-fiction que par un Bing qui a accès à des quantités de données personnelles et qui essaie froidement de me manipuler pour le compte de l'annonceur qui a versé le plus d'argent à la société mère », confesse-t-il.