Influenceurs : la fin de la récré
Ce jeudi 30 mars, l'Assemblée nationale a approuvé lors de sa première lecture une proposition de loi transpartisane, visant à «
encadrer l'influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux ». Pour Arthur Delaporte, le député socialiste à l'initiative de la loi, il s'agit d'une proposition de loi nécessaire pour
« mettre fin à la loi de la jungle ». Après son adoption par 49 voix pour et zéro voix contre en première lecture à l'Assemblée, le texte doit être désormais soumis à l'examen du Sénat.
Une nouvelle importante quand on sait qu'un tiers des Français suit au moins un créateur de contenu et 63% des 18-25 ans. Sur quoi a-t-on statué ? Créateur de contenu ? Influenceur ? Késako ? La proposition de loi, élaborée par le gouvernement et les parties prenantes du secteur et amendée par les députés,
crée une définition juridique de l'influenceur commercial : «
toute personne physique ou morale qui mobilise sa notoriété pour communiquer au public par voie électronique des contenus visant à faire la promotion directement ou indirectement de biens, de services ou d'une cause quelconque, en contrepartie d'un bénéfice économique ou d'un avantage en nature dont la valeur est supérieure aux seuils fixés par décret, exerce l'activité d'influence commerciale par voie électronique ».
Le texte défini également l'activité d'agent d'influenceurs. Et précise que désormais Influenceurs, agents et marques devront passer un contrat pour toute opération dépassant un certain montant. Ce qui devrait permettre de protéger les influenceurs débutants : fini les « T'inquiète, je te fais un paiement sur paypal ».
Le texte introduit également le principe d'une responsabilité solidaire entre l'annonceur et l'influenceur afin d'indemniser les éventuelles victimes de produits poussés par des influenceurs ou des agents peu scrupuleux (on pense aux shampoings qui rendent chauve...).
Enfin la loi adoptée en première lecture vise à mieux encadrer les promotions réalisées par les influenceurs en interdisant la publicité pour les opérations de chirurgie esthétique, certains produits et services financiers (notamment les cryptomonnaies) et les produits contrefaits. Elle rappelle que la loi Evin - relative à l'alcool, le tabac, le vapotage, les médicaments et compléments alimentaires - s'applique également aux influenceurs. Enfin elle interdit également la promotion de paris sportifs par des influenceurs auprès des mineurs. «
Ces promotions ciblent les plus jeunes et les plus précaires et doivent à terme être interdites »,
soulève Nadège Abomangoli, députée de la France insoumise.
Par ailleurs, les photos ou vidéos modifiées « visant à affiner ou à épaissir la silhouette ou à modifier l'apparence du visage » devront désormais être accompagnée de la mention « Images retouchées ».
Des sanctions financières et pénales (des amendes pouvant aller jusqu'à 30 000 euros) seront appliquées en cas de non-respect de la loi.
Les réactions Carine Fernandez, la présidente de l'UMICC (Union des métiers de l'influence et des créateurs de contenus), reconnaît le chemin parcouru mais souhaite des améliorations : «
La loi votée à l'Assemblée nationale est une grande avancée, mais encore perfectible pour nous », a-t-elle écrit sur LinkedIn. Dans le domaine des cryptos, la grogne est palpable. En effet, les députés se sont prononcés sur l'interdiction aux influenceurs de faire la promotion rémunérée d'entreprises crypto à l'exception de celles agréées par l'Autorité des marchés financiers (AMF). Or, aucun agrément n'a été accordé en France,
selon Grégory Raymond, journaliste et cofondateur du média
The Big Whale. En revanche,
comme le note la journaliste Océane Herrero, «
pas un mot sur les NFT dans la proposition de loi. Pourquoi ? Parce que Bercy prépare une régulation ad hoc ». De son côté, le streamer Jean Massiet s'alarme face aux possibles «
dégâts collatéraux » qu'un statut officiel de l'influenceur, un temps évoqué mais finalement pas dans la loi à ce stade, pourrait créer : «
Se dessine la volonté de créer des statuts officiels pour les influenceurs comme pour les médias, à rebours d'un siècle et demi d'histoire du droit de la presse et de la liberté d'expression,
écrit-il dans les colonnes du JDD.
Une fois identifiés et donc contrôlés, les médias et les influenceurs bénéficieront de plus en plus de droits particuliers et seront exemptés de certaines contraintes. Petit à petit, un Web citoyen à deux vitesses va se mettre en place, avec ceux qui ont un statut et ceux qui n'en ont pas. »
Si le sujet, vous passionne, on en parler en live sur LinkedIn avec Arthur Delaporte, député PS, Mohamed Mansouri, Directeur Délégué de l'ARPP (l'Autorité de Régulation des Professionnels de la Publicité), Rubben Chiche, co-fondateur de Follow Agency et trésorier de la toute jeune UMICC (Union des Métiers de l'Influence et des Créateurs). Venez en discuter avec nous le jeudi 6 à 13h.