Que s’est-il réellement passé lundi à Tokyo? En une séance, la Bourse japonaise a perdu 12%, entraînant dans le rouge une bonne partie des places occidentales, suisse comprise (-2,8% pour le SMI, tout de même). Un nouveau lundi noir au pays du soleil levant, le pire depuis le krach mondial du 19 octobre 1987. Quantité de facteurs ont été avancés pour expliquer cette chute soudaine. La crainte d’une récession aux Etats-Unis. L’appréciation du yen et la hausse des taux de la Banque du Japon (BoJ), mettant fin au financement des investissements par du carry trade. Sans oublier les faibles volumes en raison de la période estivale. Autant d’arguments sûrement valables, mais qui ne me satisfont pas pleinement. Lundi, je repensais au 6 mai 2010. Ce jour-là, en cinq minutes, la Bourse américaine s’effondrait de près de 10%. Le premier «flash crash» ou krach éclair. De longs mois seront nécessaires au régulateur pour en éclaircir les causes, un problème «d’algo». A Tokyo, les algorithmes ou les traders à haute fréquence, ont-ils perdu le contrôle? Mardi, le rebond n’en était pas moins spectaculaire (+10%), sans qu’aucune nouvelle information réelle n’ait changé la donne au sujet de la conjoncture américaine, le yen ou la BoJ (à moins que tous les opérateurs absents lundi ne soient précipitamment rentrés de congés afin de profiter des bonnes affaires après une correction visiblement exagérée…). Cette semaine, il n’y pas que la Bourse japonaise à avoir perdu les pédales. A Berne, l’Office fédéral des assurances sociales (Ofas) a lui aussi connu son heure de crash. Quatre milliards de francs d’erreurs, et autant d’argent que l’AVS n’aura finalement pas à débourser à l’horizon 2030. On pourrait se dire que c’est une bonne nouvelle, que le premier pilier du système de prévoyance se trouve moins en difficulté que prévu… Mais bien sûr, l’enjeu est ailleurs. Peut-on encore faire confiance à l’administration fédérale, qui n’en est pas à sa première faute de calcul (un comble au pays de l’ETH et de l’EPFL), dont les projections jouent un rôle important dans les votations populaires, en particulier lorsqu’il s’agit de voter sur l’âge de la retraite? Restaurer la confiance dans les données devient donc une priorité. D’autant que certaines réactions lues et entendues cette semaine m’inquiètent. Elles appellent à se méfier des calculs complexes, demandent de tout simplifier… Ces injonctions ne nous mèneront nulle part. La vie est compliquée, essayons plutôt de maîtriser les outils que la science invente pour nous faciliter la tâche. Surtout, ne laissons pas cette amélioration de 4 milliards nous faire croire que l’AVS est tirée d’affaire. L’allongement de l’espérance de vie et la faible natalité mettent en péril le financement des retraites. Cette réalité difficile n’est pas suffisamment prise en compte. Avant de vous quitter, deux autres sujets ont marqué ma semaine. D’une part la belle opération de l’Union Bancaire Privée qui a profité de la réorganisation stratégique de Société Générale en rachetant cash ses activités de gestion de fortune en Suisse et au Royaume-Uni. La banque dirigée par Guy de Picciotto continue à grandir, au point de bientôt peut-être rattraper en taille Lombard Odier. D’autre part, l’enquête de Nathalie Praz sur l’Hôpital du Valais, qui se met à enchaîner les pertes financières. Heureusement, des solutions existent. Et heureusement aussi, elles ne passent pas forcément par davantage de subventions. |