| Paris, lundi 13 août 2018 | | L'effet Netflix : vidéo-boulimie pour tous Par Edern Rio
| Nous apprenions la semaine dernière que l'empire Dysney prévoyait de lancer sa propre plateforme de streaming par abonnement (SVoD) en 2019, pour concurrencer Amazon Prime et surtout Netflix. Robert Iger a annoncé que cette plateforme ciblerait les familles et les enfants mais ne proposerait pas l'ensemble du catalogue Disney. Après Warner Media, c'est donc Disney, qui veut sa part dans le gâteau de ce que les Américains appellent l'effet Netflix : l'accès direct en streaming aux oeuvres vidéos (films, séries, dessins animés…) sous la forme d'un immense buffet à volonté. Disney est déjà actionnaire d'une autre plateforme. Créée en 2007, Hulu a notamment produit une série qui fait beaucoup parler en ce moment : The Handmaid's Tales (La Servante écarlate). Arrêtons-nous un instant sur l'empire Disney (US2546871060-DIS) avant de chercher à comprendre d'où vient la force de Netflix (US64110L1061-NFLX) et pourquoi tous les acteurs de l'industrie du divertissement cherchent à entrer dans le secteur du SVoD. Après une passe difficile dans les années 80 où l'entreprise échappe à une OPA, elle se relance dans les années 90 en signant de nombreux dessins animés qui seront de très grands succès puis, dans les années 2000, s'installe comme un ogre qui rachète à tour de bras les grandes licences du divertissement : Pixar (2006), Marvel (2009), LucasFilms (2012) et enfin 20th Century Fox (2017). Disney est largement diversifié : production audiovisuelle, télévision, presse, parc à thèmes... Le vidéo-club d'Internet qui a poussé jusqu'au ciel Si leur capitalisation boursière sont presque similaires (environ 160 Mds$), les deux entreprises n'ont rien à voir. Ce n'est pas David contre Goliath, même si en termes d'emplois Netflix est probablement un nain face à Disney, c'est le nouveau capitalisme contre l'ancien monde. Netflix a commencé aux USA en 1998 en louant des DVD par le biais d'un système d'abonnement novateur. Pour 20 $ par mois, vous aviez accès à un nombre illimité de DVD, mais pas plus de trois à la fois. Les DVD arrivaient par la poste avec des enveloppes de retour préaffranchies. Reed Hastings raconte que cette idée lui est venue une fois qu'il avait perdu un DVD dans un vidéo-club et avait dû payer 40 $ pour le rembourser. Il serait ensuite passé par sa salle de sport à laquelle il était abonné et se serait dit que leur modèle était largement supérieur. L'histoire est trop belle pour être vraie mais elle résume bien le modèle d'affaires de Netflix. Quoi qu'il en soit, l'offre répond parfaitement à une demande et Netflix voit son chiffre d'affaires fleurir. La startup s'envole vraiment en 2000 lorsqu'elle commence à mettre en place son algorithme de recommandation personnalisé basé sur l'historique du client. C'est cette recette qui signe le décollage de Netflix. | L'enveloppe Netflix des débuts – CC Marit & Toomas Hinnosaar | À l'époque, le leader américain de la location de DVD s'appelle Blockbuster et lorsque les deux fondateurs de Netflix, Reed Hastings et Marc Randolph, viennent voir les dirigeants de l'entreprise pour leur proposer de les racheter pour 50 millions de dollars, ils déclinent l'offre. Ils vont vite s'en mordre les doigts et ne tarderont pas à lancer un service concurrent en 2003, alors que Netflix a atteint le million d'utilisateurs. Mais c'est désormais trop tard et les positions sur le marché sont prises. Netflix est le futur et BlockBuster appartient au vieux monde. La société fera faillite en 2010. En 2007, l'entreprise se lance dans le streaming et nous voilà en 2018. Netflix est devenu le leader incontesté du streaming. Pendant des années, les leaders de l'industrie ont vendu des films dématérialisés à l'unité entre 3 et 10 euross. Les internautes de leur côté ont pris de mauvaises habitudes avec les réseaux de piratage peer-to-peer. Ils se sont habitués à l'abondance et ce qu'ils souhaitent, c'est accéder au plus vaste catalogue sous la forme d'abonnement, et ce sans aucune pub. Il fallait bien qu'un game-changer arrive et rafle la mise. | Le CA du paiement à l'acte stagne alors que les formules d'abonnement explosent depuis l'arrivée de Netflix en France. Source : CNC.
| Le big data, nouvel oracle de Delphes Comme les autres géants de la Silicon Valley, Netflix a découvert très tôt l'or noir du XXIe sicèle, la donnée, et a surtout parfaitement compris comment l'utiliser. Ils ont compris que l'analyse intelligente des données de leur plateforme leur permettait d'offrir aux téléspectateurs ce qu'ils aiment. Et pour s'imposer sur le marché, ils l'ont appliqué à la production de séries. En 2011, Netflix lance House of Cards. Pourquoi Kevin Spacey ? Pourquoi David Fincher ? Pourquoi un remake d'une série politique britannique des années 90 mettant en scène Margaret Thatcher ? Parce que les données indiquent que c'est un mélange que les téléspectateurs vont adorer. Il faut bien se rendre compte que Netflix a accès à l'ensemble de votre pratique de visionnage, ils savent quand vous arrêtez, ils savent quand vous zappez, ils savent si vous êtes allé jusqu'à la fin de la série, etcetera, etcetera. Netflix a accès à l'ensemble des métriques résultant du visionnage de 130 millions d'abonnés à date. C'est un travail d'analyse énorme, mais l'entreprise sait que c'est la source de sa réussite. Elle sait également que pour attirer des abonnés, il faut des contenus exclusifs. Cette année, le leader de la vidéo à la demande va investir 8 milliards dans des contenus originaux. Il souhaite atteindre un catalogue composé à 50% de contenus originaux. Grâce à l'analyse des big data récoltées, Netflix découvre un autre point essentiel : la manière dont les jeunes générations consomment leurs contenus vidéos. Grosso modo (vous imaginez bien que je n'ai pas accès aux statistiques internes…), 10% des abonnés regarderaient l'intégralité d'une série en moins de 24 heures et 90% en moins d'une semaine... Autant dire que les télévisions traditionnelles qui distillent les séries au rythme d'un épisode-semaine sont complètement à côté de la plaque... Netflix en a d'ailleurs fait un argument de vente, comme on peut le voir dans cette campagne de communication qui met en scène ce qu'il est convenu d'appeler en français dans le texte un vidéo-excès (binge-watching)… | Vos premiers vidéo-excès sur Netflix. Extrait de la publicité anglaise. https://www.youtube.com/watch?v=qejyg92S_Zc | La limite de l'apport des big data est peut-être que rien ne dépasse des séries Netflix. On sent que les scénaristes ont reçu une checklist très précise de ce qui doit se passer à l'écran. En tout cas, c'est ce que je ressens lorsque je regarde les dernières séries : Stranger Things, Altered Carbon, Orange is The New Black... L'intuition s'est enfuie, son conseiller algorithmique l'a bridé. Mais cela ne veut pas dire que l'art est mort. L'effet Netflix est un changement de monde Alors qu'AT&T, ayant racheté HBO, remet également en cause le modèle de la chaîne qui produit beaucoup plus lentement que Netflix, Disney conserve une logique segmentée qui pourrait faire long feu. Il semble que le modèle stratégique de Disney soit : • Hulu pour les adultes ; • ESPN+ pour le sport ; • et "DisneyFlix" pour les familles. Même s'ils prévoient des tarifs moins élevés, certains analystes financiers déplorent qu'ils conservent cette logique segmentée héritée du câble et conseillent à la firme bientôt centenaire – Disney a été créé en 1923 – d'agréger tous leurs contenus sur une seule et même plateforme. John Stankey, PDG de Warner Media, déclarait en juin aux dirigeants de HBO : Je veux encore plus d'heures d'engagement. Parce que l'on aura accès à davantage de data et d'information sur les clients, ce qui nous permettra de les monétiser en s'appuyant sur des modes alternatifs de publicité ainsi que sur les abonnements. Cela est très important pour jouer dans le monde de demain. Il semble qu'il n'y ait plus de modèle alternatif et que les professionnels de l'industrie soient tous persuadés que le modèle de l'abonnement est la seule voie possible. La bataille ne fait que commencer. Nous ne sommes pas près de réduire notre vidéo-boulimie. | L'action Netflix a dévissé au mois de juillet suite à l'annonce de ses résultats. Un million d'abonnés en moins par rapport aux prévisions, mais tout de même une hausse de 5,2 millions. Le chiffre d'affaires a augmenté de 40% en un an, atteignant 3.9 Mds$ et 384 M$ de bénéfices. |
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