L'Occident contre TikTok : la guerre est déclarée ?
Nous vous en parlions
dans une précédente newsletter, début janvier, Emmanuel Macron avait qualifié le réseau social chinois TikTok de «
créateur d'une véritable addiction » chez les jeunes, expliquant que l'application serait «
le premier perturbateur (psychologique) chez les enfants et les adolescents ». Depuis, la défiance en Occident n'a fait que s'accentuer des deux côtés de l'Atlantique,
sur fond de soupçons d'espionnage et de données collectées à mauvais escient. En Europe, c'est la Commission européenne qui dégaine la première,
en annonçant la semaine dernière que son personnel avait jusqu'au 15 mars pour désinstaller l'application de ses appareils professionnels, mais également personnels si ces derniers contiennent des applications approuvées dans le cadre d'une utilisation professionnelle type messagerie électronique ou appli de visioconférence...
Une mesure que devrait également prendre le Conseil européen dans les jours à venir. En attendant, mardi 28 février,
c'est le Parlement européen qui a pris les devants en informant ses collaborateurs que, pour des raisons de sécurité des données, TikTok ne pouvait plus être utilisé sur tous les appareils professionnels à compter du 20 mars. «
À cette date, l'accès internet au réseau social depuis les ordinateurs du Parlement sera bloqué », pouvait-on lire
dans un courrier adressé par la Direction générale de l'innovation et du support technologique (DG ITEC) du Parlement à ses huit mille fonctionnaires et agents.
« Un ballon espion dans votre téléphone... »
Aux États-Unis, les républicains sortent la sulfateuse. «
TikTok est un cheval de Troie moderne du Parti communiste chinois utilisé pour surveiller les Américains et exploiter leurs informations personnelles,
posait mardi dernier Michael McCaul, président républicain de la puissante commission des Affaires étrangères de la Chambre des représentants américaine, dans le plus grand des calmes.
Ne vous y méprenez pas, TikTok est une véritable menace pour la sécurité nationale... Et c'est l'heure d'agir ! {...} Toute personne ayant téléchargé TikTok sur son appareil a offert au Parti communiste chinois une porte dérobée vers toutes ses informations personnelles. C'est un ballon espion dans votre téléphone. »
Michael McCaul est aussi l'auteur d'un projet de loi visant à obtenir l'interdiction totale de l'application sur le sol américain. Adopté mercredi matin par la commission grâce aux seules voix des élus républicains,
le texte doit désormais faire l'objet d'un vote en séance plénière de la Chambre des représentants, puis du Sénat, avant d'entrer en vigueur. Rappelons tout de même que le président démocrate Joe Biden, qui a la possibilité d'y mettre son veto, a déjà ratifié une loi début janvier permettant à la Maison Blanche d'ordonner que TikTok disparaisse des appareils de toutes les institutions fédérales sous trente jours. Ce qu'elle a fait lundi soir. En France, la commission d'enquête sur TikTok au Sénat
commençait ses travaux cette semaine.
La sixième puissance mondiale
S'il avait reconnu en novembre 2022 que certains employés en Chine pouvaient accéder aux données d'utilisateurs européens (et admis deux mois plus tard que ces données avaient été utilisées pour pister des journalistes), le groupe chinois ByteDance, maison mère de TikTok, nie toujours tout contrôle ou accès du gouvernement chinois à ses données et invoque une cabale visant à «
museler la liberté d'expression de millions d'Américains » dans un communiqué.
Selon le dernier Digital Report 2023 publié par le site We Are Social, TikTok pointe désormais à la sixième place des réseaux sociaux les plus utilisés dans le monde et affiche l'utilisation mensuelle moyenne par utilisateur la plus élevée, avec 23,5 heures par mois (données récoltées auprès des utilisateurs Android,
ndlr), devant YouTube et ses 23,1 heures par mois. Des chiffres qui permettent de mieux comprendre l'enjeu, et surtout pourquoi l'étau se resserre lentement mais sûrement autour de la plateforme chinoise...