La nouvelle règle de trois des médias
L'heure est au grand chambardement pour les médias qui doivent repenser leur stratégie de contenus. Réinventer un business model pour exister indépendamment des réseaux sociaux s'annonce comme le nouveau défi des éditeurs. C'est ce que semble dire en substance le rapport du Reuters Institute, centre de recherche en journalisme de l'université d'Oxford. Cette étude, menée auprès de 74 000 lecteurs originaires de 34 pays, dresse un portrait des usages en matière de média. Cette année, le sondage dégage trois grands axes de réflexion pour les éditeurs. L'abonnement est mort, vive le membership Certains éditeurs, notamment aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, font le choix de faire appel à des donateurs. The Guardian propose à ses lecteurs de donner une somme d'argent, sans pour autant forcer l'abonnement. Une stratégie entamée l'année dernière et qui a réussi au quotidien britannique : il a pu se sortir en 2017 d'une crise majeure due à la baisse combinée de ses ventes papiers et des publicités digitales grâce aux dons. Si ces nouveaux business models nécessitent de revoir la stratégie marketing pour convertir les lecteurs, les rédactions sont surtout amenées à produire un contenu de plus en plus qualitatif et diversifié. Les médias scandinaves ont ainsi développé le nombre de live streams tout en retravaillant la ligne éditoriale de chaque média pour réussir à comprendre ce qui amenait le plus d'engagements chez les lecteurs. Fake news, la croisade des éditeurs L'étude de l'Institut Reuters laisse transparaître une véritable inquiétude de la part des lecteurs en matière de fake news et de fiabilité de l'information. Si les réseaux sociaux tentent de regagner la confiance des utilisateurs en créant des stratégies spécifiques aux fake news, les éditeurs prennent également les choses en main. Le spécialiste des médias, Cision, met en évidence plusieurs habitudes nouvelles prises par les groupes de presse pour contrer la défiance qu'ils subissent (les Français étant les lecteurs européens les plus sceptiques). Et en premier lieu, le retour en force de la vérification des faits. Mais les médias font désormais reposer leur stratégie également sur des contenus novateurs, qui leur permettent de rencontrer l'adhésion du public. Leur objectif est simple : réassumer leur statut de marque média en offrant aux lecteurs un contrat clair qui repose sur un travail sérieux. Les messageries privées, nouveaux relais d'information Facebook ou Twitter sont de plus en plus utilisés comme curateurs d'informations. Une actualité qui se partage et se commente ensuite par des services de messagerie privée comme WhatsApp ou Messenger. Cette mutation des usages risque de poser problème pour les médias. Obligés aujourd'hui de compter avec les réseaux sociaux, ils doivent réinventer leur dialogue avec leur audience. Face à des messageries privées souvent cryptées, les éditeurs naviguent à vue. Ils ne peuvent pas analyser les interactions des lecteurs avec les articles et deviennent ainsi plus fragiles. Pour reprendre le contrôle sur des usages qui leur échappent, ils doivent créer un langage plus organique et conversationnel, pour lutter contre la raréfaction du contact avec les lecteurs. Embourbés dans une crise de la presse, les médias doivent rebondir pour reconquérir leurs lecteurs et la confiance d'un public en plein désenchantement. La Scandinavie a su enrayer la destruction du tissu journalistique, en appelant aux donations et en trouvant des échappatoires aux réseaux sociaux. Un modèle à suivre ? | JUNGLE STORIES | "Nous travaillons le storytelling de la marque en privilégiant l'intelligence émotionnelle" Interview de Pierre Orlac'h, Chief content officer et Deputy Managing Director du Groupe Cerise Le Groupe Cerise renforce son activité de producteur de contenus. Cette société du groupe Prisma Media lance Studio C, un studio de production destiné aux influenceurs et aux marques. Interview de Pierre Orlac'h, Head of Content du Groupe Cerise, il développe sa vision du brand publishing. | | UN PAVÉ DANS LA JUNGLE | Le quotidien d'actualité Neue Zürcher Zeitung a élaboré un système de paywall dynamique personnalisé pour faire face à une baisse de ses revenus publicitaires. L'algorithme détermine à quel moment l'internaute a atteint son « point hot », soit le meilleur moment pour déclencher son engagement payant. Pourquoi c'est un pavé : Contrairement à l'utilisation classique d'un paywall – après 3 articles, le lecteur doit s'abonner sous peine de voir son accès aux contenus bloqués – le journal suisse combine 100 à 150 critères (historique de lecture, mode de consultation, horaire de consultation...) pour proposer à l'internaute de payer uniquement au bon moment. Une approche nouvelle de l'abonnement, plus personnalisée, qui s'adapte aux mutations du marché. | UN FORMAT À LA LOUPE | | Facebook lance trois nouvelles fonctionnalités pour aider les créateurs de contenu à monétiser leurs vidéos : le Brand Collabs Manager, un outil qui permet à un créateur d'être découvert par des marques pour collaborer avec elles (on ne connait pas encore les modalités de son fonctionnement) ; les Ad Breaks qui proposent des coupures publicitaires sur les vidéos de certaines pages ; les Fan Subscriptions qui offrent aux utilisateurs l'option de s'abonner aux vidéos d'une page pour 4,99$ par mois. Avec ces nouveaux services, Facebook cherche à attirer les jeunes, de plus en plus désenchantés par le réseau social. Une autre opération séduction se concrétise aussi sur Instagram qui permet désormais de mettre en ligne des vidéos verticales d'une heure maximum. | LE CONTENU QU'ON AURAIT ADORÉ FAIRE | | C'est le Google Maps des temps passés. Le site spécialisé Dinosaur Pictures a mis en ligne une carte interactive sur laquelle vous pouvez renseigner votre adresse actuelle et la synchroniser dans un espace-temps qui nous paraît bien loin maintenant : celui des dinosaures, ou de la préhistoire. Un moyen ludique et instructif d'observer la tectonique des plaques et la dérive des continents à travers les millénaires. | UNE DERNIÈRE LIANE POUR LA ROUTE | A l'époque des grèves, ARTE propose de découvrir Un homme est mort, film d'animation adapté de la bande-dessinée du même nom, de Kris et Etienne Davodeau. L'ouvrage relate un épisode de la lutte syndicale qui a fait rage dans les années 50. Le travail admirable des dessinateurs est soutenu par une animation sans accroc. Un très bel hommage à la lutte ouvrière d'autrefois. A découvrir sur arte.tv |
|