A la veille de nouveaux départs en vacances, ce soir, demain ou dans une semaine, il y a de la tension dans l’air. En nous aussi quelque chose se crispe, alors qu'on devrait se sentir allégé. C’est peut-être qu’il manque un petit creux nécessaire à nos vies bien remplies. Est-ce un adage populaire, une sagesse ancestrale, ou les simples mots d’un être cher? Je ne me souviens plus très bien, et peu importe. Car au moment où j’écris ces lignes, me revient ce conseil salutaire qu’il faudrait sortir de table en ayant encore un peu faim. Ne pas manger à satiété, éviter de se gaver et fuir le trop plein. Extrapolons: ne pas tout planifier, bloquer, blinder, mais préserver un peu d’espace, de temps, de vide et de flottement. Ménager un interstice pour laisser une chance à l’inattendu, à l’improviste de nous toucher et nous frôler. Grâce à cette faille, pouvoir ainsi penser, réfléchir, sentir, autrement, différemment. A l’image des héros de notre sélection littéraire de la semaine : cette mère de famille, dans Rose immobile de Karin Serres, qui entame un voyage intérieur et une mutation assise sur sa chaise au milieu de la cuisine. La famille de Clothilde Salelles (Nos insomnies), que la nuit et le silence transforment. Sans oublier les rêves, mythes, utopies et réincarnations qui opèrent tous azimuts dans Le Grand Tout d’Olivier Mak-Bouchard. Des livres que vous ne manquerez pas de glisser dans votre valise, puisque vous aurez évidemment pris soin de la laisser respirer et de ne pas la bourrer. Bonnes vacances flottantes, bonnes écoutes et bonnes lectures. Céline O’Clin
Karin Serres, Rose immobile, ed. Alma
A la manière d’Alexandre le bienheureux, Rose s’abstrait du monde familial par une sieste impérieuse. Un samedi matin, dans la cuisine familiale, elle ferme les yeux, épuisée. Ce repos rare lui fait tant de bien qu’elle garde ses paupières closes tout l’après-midi, jusqu’au soir, puis le dimanche qui suit… Traductrice, metteuse en scène et autrice pour la jeunesse, Karin Serres compose avec Rose immobile une ode à la résistance passive. COC
Années 1990, dans l'Essonne. La narratrice grandit au sein d’une famille en apparence sans histoires. Sauf que la nuit, personne ne dort, et que les silences familiaux se chargent d’une tension sourde. Avec ce premier roman ciselé, la sociologue Clothilde Salelles inscrit dans la langue littéraire le mystère et les ambiguïtés que recèlent ces insomnies contagieuses. LS Lire la suite
Olivier Mak-Bouchard, Le Grand Tout, ed. Le Tripode
Dans ce roman aux allures de Nature Writing se mélangent monstres et mythes, rêves hippies, et expériences psychédéliques. Flanqués d’étranges réincarnations de Jack London et de Michel Foucault, le narrateur et sa colocatrice partent sur les traces d’un sabre japonais légendaire, sous le regard d’un chat sourd. Une fable américaine où, du brouillard de San Francisco, surgit le merveilleux. EI Lire la suite
Après Tu seras Reine et La Patrouille, voici La Promesse, troisième opus des aventures de Camille. Dans cet album, la Valaisanne et son compagnon doivent faire face aux difficultés du métier d’agriculteur de montagne et se remettre en question afin de s’adapter aux changements. Mais Camille va également faire une promesse à son grand-père… PPC/LD
Paule Hochuli, conservatrice de l'exposition à la BCU
En publiant le travail de près de 400 auteurs et autrices, les éditions Zoé se sont imposées avec passion et audace dans le paysage éditorial francophone. Les archives des éditions Zoé, aujourd’hui conservées par la Bibliothèque de Genève, offrent un éclairage inédit sur l’épopée de cette ambassadrice de la littérature suisse. C’est une exposition centrée sur les archives des éditions Zoé, conservées à la Bibliothèque. De quel genre d’archives s’agit-il? Ce sont des documents variés que l’on retrouve dans la gestion de toute maison d’édition: tapuscrits des œuvres, maquettes des pages de couverture, correspondances, revues de presse, promotions sur les réseaux sociaux, vidéos, etc. On parle alors d’archives historiques, car ces documents ne sont plus utiles au bon fonctionnement de l’entreprise. Mais Zoé crée sans cesse de nouvelles archives, notamment au fil de ses publications. Un jour ces documents seront également transmis à la Bibliothèque de Genève. Quelle est la scénographie de cette exposition? L’exposition est centrée sur les œuvres publiées et non sur les auteurs. Elle court le long d’une frise chronologique, avec les débuts des éditions Zoé en 1975 pour s’achever aujourd’hui dans les locaux de Chêne-Bougeries. La frise de l’exposition est ponctuée d’œuvres qui ont marqué Zoé: le premier ouvrage publié en 1975, le premier succès de librairie, les 10 ans d’existence célébrés dans un wagon des CFF qui a sillonné la Suisse romande pour présenter les publications récentes, le premier minizoé, la publication d’œuvres complètes d’auteurs, etc. Ces choix ont aussi été déterminés par les documents conservés dans ce fonds d’archives. Quelle pièce de cette exposition vous a le plus touchée? Comme avant Galilée de Catherine Safonoff, publié aux éditions Zoé en 1993. Le texte entièrement rédigé à la main, à peine corrigé, court sur plus de 470 pages. En voyant cette écriture si régulière, si appliquée, on imagine l’effort et le temps pris par l’autrice pour remplir toutes ces pages. Dans les archives Zoé, c’est le seul texte manuscrit, les autres nous sont parvenus sous une forme dactylographiée. L’âme de l’autrice en est d’autant plus palpable. L’exposition «Zoé ou l’aventure» est visible à la Bibliothèque de Genève jusqu’au 4 octobre 2025. L’exposition est également visible en ligne. Propos recueillis par Ellen Ichters
Roman graphique
Caroline Nasica, Zia Zinzin, ed. Dargaud, 176 p.
Après un an passé loin de son île, «Carulina» retourne en Corse. Elle a enfin quitté Angèle et l’été s’annonce splendide aux côtés de sa mamie et ses taties. Sauf qu’une fois arrivée au village tout semble figé. Pas un chat dans les rues, ses tantes ont pris un sacré coup de vieux et mamie ressasse l’avant. Que reste-t-il de son île, de sa maison, à part les murs qui s’effritent? Les souvenirs, évidemment. Et des histoires de vengeance arrosées de myrte et de clichés, des légendes familiales et des postures à la limite de la caricature dans une ambiance qui sent bon l’iode et le pin. Une histoire douce-amère qui parle au cœur de tous ces gens issus de la Diaspora qui ont un petit bout de terre, quelque part, qui nous ramène à l'enfance. SG
Roman
Lise Marzouk, La Dernière Porte, ed. Héloïse d’Ormesson, 144 p.
Pour son deuxième roman, Lisa Marzouk livre une exploration intime et sensible de l’univers hospitalier. L’héroïne, Clémence, est infirmière au service de maternité Marthe Condat à Paris. Pas à pas, tel un fil rouge fait de coton, elle nous emmène au chevet de femmes sur le point d'accoucher. A travers dix tableaux délicats, l’urgence de vivre, le lien à l’autre, la douleur et le vertige se déploient dans ce texte merveilleusement humain. LS
Thriller
Bernard Chappuis, Le crime de la Divine, ed. Favre, 221 p.
Au TKM, les répétitions de la pièce Le crime de Sarah Bernhardt sont perturbées par les menaces d’un corbeau. L’autrice et actrice principale mandate les détectives Lilas et Julie qui investissent l’ancienne usine à gaz, théâtre idéal d’une intrigue complexe qui naviguera entre empoisonnement, meurtre en lieu clos, mystère pictural et vengeance mûrement fomentée. En plus d’une intrigue passionnante, bien documentée et flirtant avec tous les genres du polar, Bernard Chappuis livre un généreux appendice pour prolonger le plaisir de lire sur la divine, ou sur le roman policier et la peinture. PC
Roman
Caroline Wahl, 22 longueurs, ed. Albin Michel, 256 p.
Le quotidien de Tilda est rythmé par ses études en mathématiques, son job de caissière et la charge de sa petite sœur Ida et de leur mère alcoolique. Une lourdeur que chaque soir, la jeune femme rince en effectuant ses 22 longueurs à la piscine en plein air du quartier. L’irruption dans sa vie de Viktor, autre adepte de 22 longueurs journalières, fait entrer l’air et la lumière dans l’univers claustrophobique de Tilda. Un premier roman remarqué pour la jeune autrice allemande Caroline Wahl, où les forces vives de la jeunesse se conjuguent pour surmonter les épreuves. EI
Exposition "Astérix" au château de St-Maurice (VS)
Après les "Schtroumpfs" en 2023 et l'univers du dessinateur Zep en 2024, le château de Saint-Maurice (VS) célèbre les 65 ans d'existence d'Astérix et le 55e anniversaire de l'album Astérix chez les Helvètes avec une grande exposition jusqu'au 16 novembre. GDD/MH
RTS Première, Quartier Livre, dimanche 13 avril à 16h
Adapté d’une pièce de théâtre créée en 2023, Être de papier (ed. Encre Fraîche) met en scène l’irruption du mensonge dans une vie de couple bien réglée. Renversée par un bus, Aline est à l’hôpital. Son mari Yann contacte son employeur pour annoncer son absence, et apprend qu’elle n’a jamais travaillé là où elle prétend se rendre tous les jours. Mais jusqu’où cette femme sera-t-elle capable de maintenir sa version du réel, en dépit du bon sens?
Dans son premier roman "Passage du soir" (ed. du Seuil), Léonie Adrover conte la rencontre, un soir de printemps, dʹune narratrice trentenaire avec Blanche, sexagénaire sur le point de recourir au suicide médicalement assisté. Le temps dʹune nuit, Blanche livre à la jeune femme un écheveau de récits redonnant vie à quelques personnages dont la mémoire se transmet de proche en proche. NJ
Velia Ferraccini: rencontre à Fribourg
Fribourg, Librairie Payot, ve 11 avril de 17h à 18h30
Terre de glace et de feu, de limpidité et de contrastes, l’Islande respire au rythme des geysers et des volcans, mais aussi des landes rases, des échappées vers le grand large. L’environnement choisi par Velia Ferracini pour son premier roman Lave mes cendres est aussi fascinant qu’énigmatique, et accompagne à merveille les élans fougueux ou brisés de ses personnages. Réécoutez notre entretien et allez à sa rencontre, ce vendredi à la Librairie Payot de Fribourg.