Le scénario est à peine croyable tant le pays semble encore traumatisé par la décision du président de la République de dissoudre l'Assemblée nationale, le 9 juin dernier. Partant de l'hypothèse où le Rassemblement national (RN) tout comme le Nouveau Front populaire (NFP) échoueraient à obtenir la majorité absolue, fixée à 289 sièges, à l'issue des élections législatives, Emmanuel Macron souhaiterait monter un bloc central « modéré » capable de former une coalition pour gouverner le pays. Ce vœu présidentiel, que nous décrit Mathilde Siraud, rédactrice en cheffe du service politique du Point, rassemblerait, outre les élus macronistes reconduits (Renaissance, Horizon, MoDem, UDI), des députés LR n'ayant pas fait alliance avec le RN ainsi que des membres du NFP hors LFI (socialistes, écologistes, communistes). Si le chef de l'État espère ainsi dépasser la barre des 289 élus républicains anti-RN, ce qui est loin d'être garanti, il risque néanmoins de se heurter au refus de nombreux députés, rétifs à l'idée de composer avec un président qui a toujours refusé le moindre compromis au cours de ses deux mandats. « On a changé d'univers politique. L'esprit de responsabilité doit prévaloir. La coalition qu'on n'a pas obtenue par la parole, on peut la forcer par les urnes », tente-t-on de se convaincre à l'Élysée, avec pour modèle le système politique allemand. ► BRANDMAUER. En Allemagne, les grands partis traditionnels, en tête desquels l'Union chrétienne-démocrate (CDU) et le Parti social-démocrate (SPD), ont mis en place un « Brandmauer », mur pare-feu, contre toute alliance ou collaboration avec l'Alternative pour l'Allemagne (AFD), parti d'extrême droite arrivé en tête dans l'est de l'Allemagne à l'issue des élections européennes du 9 juin. Ce « cordon sanitaire » n'est pourtant pas toujours appliqué au niveau local. Notre correspondante en Allemagne, Pascale Hugues, s'est ainsi rendue à Görlitz, ville de Saxe située aux confins de la Pologne et de la République tchèque. Lors des élections municipales de 2019, cette commune conservatrice a vu l'AFD arriver en tête au premier tour, avant qu'un mini-front républicain ne se forme au second tour pour permettre la victoire du candidat de la CDU. Avec ses 14 représentants, le parti d'extrême droite reste toutefois la formation la plus importante au sein du conseil municipal. Les séances, présidées par le maire CDU Octavian Ursu, se révèlent parfois houleuses. Mais elles traduisent une nouvelle réalité dans les territoires de l'est du pays, où un nombre grandissant de maires chrétiens et sociaux-démocrates demandent désormais aux centrales berlinoises de rompre le cordon sanitaire exigé vis-à-vis de l'extrême droite, au nom du pragmatisme politique. |