Peu de temps avant le Blitz de 1940, le gouvernement britannique avait fait imprimer des affiches appelant la population à rester calme et à continuer de vivre normalement (« Keep calm and carry on »). C'est ainsi que les nazis ont pu voir des Londoniens se rendre au travail, costumés et cravatés, au milieu d'immeubles éventrés. L'hypothèse d'une élection, demain ou dans les prochains jours, de Donald Trump à la Maison-Blanche suscite la panique en bien des endroits du monde occidental. Est-elle justifiée ? Déjà, en 2016, à la lecture de certains éditoriaux, Trump aurait dû changer la face du monde par son impulsivité et son irrationalité. « Oui, mais cette fois-ci, nous dit-on, il est plus revanchard que jamais. » Et que ferait-il ? Il isolerait un peu plus son pays. Comprendre : il laisserait simplement l'Europe être l'Europe, hors tutelle et livrée à son propre sort. Il faut avoir renoncé à bien des éléments de souveraineté, et d'abord à une forme d'estime de soi, pour qu'un continent, pas le dernier, l'Europe, craigne à ce point un face-à-face avec le reste du monde, hors États-Unis. En outre, est-on à ce point naïf pour ne pas voir que Kamala Harris développe, elle aussi, un America First à la teinte bleue démocrate – certes plus soft ? Il faut lire avec intérêt l'article d'Emmanuel Berretta, et notamment ce passage salutaire, qui devrait nous sortir de l'immaturité politique dans laquelle nous nous complaisons : « L'Europe n'a plus le choix : elle doit assumer seule son destin et peu importe, au fond, le vainqueur à Washington, Kamala Harris ou Donald Trump. La native d'Oakland sera polie, un peu plus patiente peut-être ; l'héritier new-yorkais sera rude, brutal, mais, dans les deux cas, les États-Unis ont vocation à s'éloigner de l'Europe. » ► JACQUERIE. Du calme, le roi d'Espagne, Felipe VI, en a fait preuve lors de sa visite à Valence dans les ruelles embouées de la ville après le passage d'un orage stationnaire. L'image de ce monarque, incarnation d'une Europe qui révère encore ses rois et ses reines au nom d'une permanence transcendantale et qui portait, ce jour-là, sur son visage d'acteur hollywoodien des impacts de boue, avait quelque chose de symbolique et de très archaïque. N'empêche, la jacquerie n'a pas duré. Le roi a dominé l'humeur populaire, non par la menace ou une colère encore plus grande, mais par l'écoute et l'empathie sincère. « Je n'ai jamais vu le roi, ni son père, Juan Carlos, ni aucun roi européen oser du corps à corps avec des gens indignés, au milieu des bâtons, des imprécations, des cris », explique une experte de la monarchie à notre correspondant en Espagne, François Musseau. |