Législatives : clashs et « edits » façon K-pop
«
Quand Jordan ordonne, Emmanuel exécute. Le président du RN réclamait la dissolution de l'Assemblée nationale, le chef de l'État l'a exaucé le 9 juin dernier. » Illustrateurs, influenceurs, créateurs de contenu, ils sont une soixantaine à cosigner cette tribune publiée
sur le site du Nouvel Obs. «
Face à l'urgence démocratique liée à la possible arrivée de l'extrême droite au pouvoir, nous, influenceuses et influenceurs, avons décidé de faire bloc et de réunir nos communautés autour d'un message d'espoir et de tolérance. [...]
Nous avons grandi avec Internet, et nous croyons fermement que cette fenêtre sans précédent sur le monde nous a permis de mieux comprendre et accepter l'autre. Aujourd'hui, nous mesurons l'impact que nous pouvons avoir dans les vies quotidiennes de celles et ceux qui nous suivent et nous font confiance. Nous sommes conscients que l'accession de l'extrême droite au pouvoir serait un péril pour nous toutes et tous, et particulièrement pour les plus vulnérables. Notre silence serait complice », prévient ce texte signé par, entre autres, les vidéastes Manon Bril, Hugo Tout Seul, l'artiste Math C. ou encore la chanteuse Pomme.
Le clash numérique
Et ils ne sont pas seuls : des poids lourds du net comme Squeezie, Natoo ou Lena Situations, d'ordinaire plutôt avares en commentaires politiques, se sont également engagés ces derniers jours pour appeler leur public à voter. «
Et bien sûr, pas pour des fafs de merde », a même lâché Mister V sur Instagram. Squeezie, lui, est plus mesuré : «
Je n'ai jamais voulu vous parler de politique et rentrer dans le jeu des partis, car chacun est maître de ses convictions et je ne veux pas que les miennes influencent les vôtres. [...]
Mais je pense que s'opposer fermement à une idéologie extrême qui prône la haine et la discrimination va au-delà d'une quelconque prise de position politique, écrit-il
dans un long post Instagram qui, plus qu'un simple appel aux urnes, dénonce aussi la stratégie finement orchestrée par le Rassemblement national sur les réseaux sociaux.
Alors oui, ces dernières années, le RN a réussi à lisser son image et à prétendre qu'il n'est pas un parti d'extrême droite : via des discours moins violents, via la mise en avant d'un candidat auquel la jeunesse peut s'identifier (Jordan Bardella) et surtout via une communication ultra maîtrisée sur les réseaux sociaux, particulièrement sur TikTok. » Un univers digital dont Jordan Bardella maîtrise parfaitement les codes. Lui qui a passé son avant-carrière politique à commenter ses parties de
Call of Duty sur sa chaîne YouTube, Jordan9320, en référence à Saint-Denis où il a passé son enfance, rappelle cet excellent portrait
paru dans Le Monde.K-pop et réseaux sociaux
«
Sur TikTok, il adopte un discours généraliste et très pauvre en références historiques, avec des punchlines, qui seront facilement diffusables », analyse Achraf Ben Brahim, auteur de l'essai «
Pourquoi l'extrême droite domine la toile »,
dans les colonnes de Télérama. «
Il est le premier à s'être dit qu'il fallait investir les canaux alternatifs afin de contrer l'hégémonie de gauche dans les médias », appuie Romain Fargier, chercheur en science politique et spécialiste des réseaux sociaux, plus loin dans l'article. Entre spontanéité et contenus très travaillés, le leader du RN y est omniprésent et les résultats des élections européennes sont venus le conforter dans cette démarche. L'institut de sondages Ipsos estime que 25% des 18-24 ans ont voté pour sa liste, contre 33% pour celle drivée par Manon Aubry (LFI). Un clivage politique aux extrêmes illustré par
cet autre papier du Monde, où l'on apprend que, en réponse à cette offensive numérique menée par l'extrême droite, de nombreuses personnalités de gauche, en particulier de La France insoumise, sont désormais mises en avant dans des «
montages vidéo saccadés, aux filtres et transitions léchés, rappelant les codes des "fancams" créées par les adeptes de K-pop pour célébrer leurs idoles », qui chiffrent parfois des millions de vues sur X, TikTok et Instagram, explique l'article. Des «
edits », comme ils les appellent, produits en série et coordonnés via des groupes Discord dont les membres ne reculent devant aucune folie. Comme
cette vidéo à la gloire de Sandrine Rousseau publiée après son altercation avec Éric Ciotti, ou
ce montage dans lequel Jean-Luc Mélenchon semble s'ambiancer au rythme d'une star de la K-pop. Divertissant, à défaut de faire avancer le débat...