Lorsqu’Ursula von der Leyen présentera mercredi 16 juillet sa proposition pour le prochain budget septennal de l’Union européenne, c’est bien plus qu’un simple document comptable qui sera en jeu lors des négociations. La présidente de la Commission européenne souhaite recentrer le contrôle budgétaire entre les mains de l’exécutif européen et des États membres, au détriment du Parlement européen et des régions. Dans cette nouvelle architecture, les subventions à la cohésion (régions) et à l’agriculture (PAC) — qui constituent près des deux tiers du budget actuel (800 milliards d’euros) — seraient conditionnées à des plans nationaux de réforme, négociés directement entre Bruxelles et les capitales. Une logique inspirée du plan de relance post-Covid, qui avait déjà largement contourné les eurodéputés et suscité des critiques sur son manque de transparence. Malgré les garanties données récemment aux régions et aux agriculteurs, cette réforme, que certains voient comme une modernisation nécessaire et d’autres comme une dérive, redessine profondément les rapports de force. Le Parlement européen et les acteurs régionaux, longtemps impliqués dans la gestion de ces fonds, sont désormais relégués au second plan. Les négociateurs du Parlement européen sur le dossier ont déjà affirmé qu’ils bloqueraient les négociations tant que la Commission maintenait cette idée de centralisation. Parallèlement à cela, alors que le commissaire européen à l’Agriculture était autrefois une figure imposante à Bruxelles (souvenez-vous de Franz Fischler), l’actuel titulaire du poste mène une bataille d’arrière-garde pour empêcher que les investissements ruraux ne soient intégrés dans des « partenariats nationaux et régionaux » — et deviennent ainsi vulnérables aux coupes budgétaires. Christophe Hansen a insisté pour que les subventions agricoles à l’hectare soient protégées, mais cela ne garantit en rien leur maintien au même niveau. Les défenseurs de la réforme proposée par la Commission avancent un argument de bon sens : pourquoi Bruxelles devrait-elle analyser séparément 17 plans ruraux espagnols, quand un seul plan national suffirait ? La France et l’Allemagne, deux pays clés, soutiennent un modèle de conditionnement des fonds aux réformes, et certains experts estiment qu’il est nécessaire de rationaliser le budget actuel. Ce recentrage budgétaire n’est pas une surprise. Depuis 2019 (année d'entrée en fonction de la première Commission von der Leyen), l’UE est davantage gouvernée par les capitales, sous la pression des crises successives — guerre en Ukraine, pandémie, énergie... Face à l’urgence, la rapidité des décisions a souvent primé sur les équilibres entre les gouvernements nationaux et les régions. Mais cette concentration du pouvoir risque de se heurter à un obstacle de taille : l’insuffisance des ressources. Car malgré les ambitions affichées d’une « Europe plus forte », Berlin a d’ores et déjà refusé toute hausse des contributions, et d’autres grandes capitales freinent pour des raisons budgétaires internes. |