À Bruxelles, un consensus se dégage de plus en plus sur la nécessité de renforcer les frontières extérieures de l’Union européenne pour empêcher l’afflux de migrants. Mais la question des frontières intérieures, elle, fait encore débat. Actuellement, plus de dix États membres ont décidé de mettre en place des contrôles avec leurs voisins de l’UE. Le dernier pays en à l’avoir fait est la Pologne. Son Premier ministre, Donald Tusk, a annoncé cette semaine la mise en place de contrôles frontaliers temporaires avec l’Allemagne et la Lituanie à compter de lundi prochain (7 juillet), invoquant des préoccupations liées à l’immigration clandestine. Ces contrôles, que l’UE n’autorise que dans des circonstances exceptionnelles et de manière temporaire, sont une source de tension entre l’Allemagne et la Pologne. Une dispute qui oppose deux poids lourds de la droite européenne, Donald Tusk (Plateforme civique, Parti populaire européen/PPE) et le chancelier allemand Friedrich Merz (CDU, PPE). Au niveau national, les deux dirigeants ont d’agir sur ce front. En Pologne, Donald Tusk avait subi des pressions de la part du parti d’opposition Droit et Justice (PiS) pour imposer des contrôles similaires à ceux effectués par l’Allemagne de son côté de la frontière depuis l’automne dernier. Et le Premier ministre, affaibli par la défaite de son parti face au PiS lors du second tour de l’élection présidentielle polonaise de début juin, doit se préparer aux élections législatives qui auront lieu dans un peu plus de deux ans. En Allemagne Friedrich Merz a fait de la lutte contre l’immigration un pilier central de la politique de son nouveau gouvernement. Une source proche du Parti social-démocrate allemand (SPD, membre de la coalition gouvernementale de Friedrich Merz) a confié à Euractiv qu’elle considérait la mesure polonaise comme une riposte à la décision de Berlin de refouler des migrants à la frontière et que la surprise était plutôt que cette réponse ait été si tardive. L’Allemagne a renvoyé vers l’est des milliers de migrants entrés illégalement depuis la Pologne. La décision de Donald Tusk, qui, il y a quelques mois seulement, qualifiait les contrôles allemands aux frontières d’« inacceptables », suscite la surprise. Mais il ne s’agit pas là de la seule source de friction entre des figures de poids du PPE. Avant le sommet européen de jeudi dernier, Donald Tusk a refusé de signer une déclaration des dirigeants du PPE qui appelait à une politique climatique ambitieuse mais pragmatique ainsi qu’à une réduction des migrations. Andrzej Halicki, député européen du parti de Donald Tusk et membre du comité exécutif du PPE, a déclaré : « Nous n’avons pas signé le document ». La semaine dernière, les Polonais étaient mécontents parce que certains de leurs amendements à la déclaration n’avaient pas été acceptés. « Nous ne voyons pas la nécessité de ces déclarations avant le sommet. Surtout si les points ne figurent pas à l’ordre du jour », a expliqué l’eurodéputé. Il s’agit d’une critique claire à l’égard de Manfred Weber, qui a succédé à Donald Tusk à la tête du PPE et utilise les réunions en amont des sommets de l’UE pour exercer son influence en organisant la rédaction de la déclaration et en coordonnant les positions des dirigeants de la famille politique. Manfred Weber et Donald Tusk ont entretenu des relations quelque peu tendues dans le passé en raison du rapprochement de Manfred Weber avec le groupe des Conservateurs et Réformistes européens (CRE), qui comprend le parti polonais Droit et Justice (PiS) mais aussi les Frères d’Italie de Giorgia Meloni. Le PPE a refusé de commenter la situation. Alors pourquoi les Polonais étaient-ils mécontents ? Andrzej Halicki n’a pas voulu s’exprimer sur le sujet, se contentant de dire que la migration était l’un des problèmes. « Je sais que le sentiment général était que cette déclaration ouvrait le PPE à la droite », a indiqué une autre source du PPE. Une autre personne a déclaré que les divergences portaient sur le climat. L’objectif climatique pour 2040 Les commissaires européens se sont réunis aujourd’hui dans la matinée pour convenir d’une réduction de 90 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2040 par rapport aux niveaux de 1990, avec des « flexibilités ». Cet objectif climatique est une étape vers l’objectif ultime de neutralité climatique fixé à 2050. Compte tenu des progrès réalisés jusqu’à présent, l’objectif pour 2040 implique de réduire les émissions à moins d’un sixième des niveaux actuels en l’espace de 15 ans. Un défi de taille. Tous les regards sont tournés vers la réponse du groupe parlementaire de Manfred Weber. Ces derniers mois, le PPE s’est montré très enthousiaste à l’idée de démanteler la législation environnementale. « Nous ne soutiendrons pas de nouvelles mesures climatiques ou environnementales sans initiatives correspondantes pour stimuler la compétitivité », a par ailleurs déclaré le député européen Christian Ehler. Il a ajouté que le PPE — le plus grand groupe au Parlement européen — n’avait pas encore arrêté sa position sur l’objectif, ce qui compromet l’avenir de la législation lors des discussions au sein de l’hémicycle. Des difficultés se profilent également au Conseil, où la France, l’Italie et la Pologne ont demandé à la Commission de mettre davantage l’accent sur la manière dont les entreprises peuvent atteindre ces objectifs. Mais le Danemark, qui dirigera les négociations entre les ministres des États membres sur le dossier, est un fervent partisan d’une action climatique ambitieuse. Affaire à suivre… |