Le compte à rebours a commencé. Bruxelles a désormais 18 jours pour désamorcer la menace de nouvelles taxes américaines sur les exportations européennes, alors que Donald Trump a durci le ton ce week-end. Si aucun compromis n’est trouvé avant le 1er août, les droits de douane américains pourraient grimper, comme annoncé samedi 12 juillet, à 30 %. Un choc potentiel pour l’économie européenne. L’absence de réaction vigoureuse à Bruxelles face à cette escalade illustre l’échec de la stratégie prudente de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, fondée sur l’évitement du conflit. Le commerce est un domaine dans lequel la Commission européenne a la compétence exclusive pour agir au nom des États membres. Face à une menace aussi grave que celle que fait peser Donald Trump sur l’UE depuis son retour à la Maison-Blanche, l’on pourrait s’attendre à ce que l’exécutif européen mette tout son poids politique dans les négociations. Pourtant, plutôt que d’intervenir directement, la présidente de la Commission a laissé la main à Maroš Šefčovič, commissaire au Commerce. Maroš Šefčovič, un ancien communiste d’origine slovaque, a occupé divers postes de commissaires depuis 2009, de l’éducation au commerce en passant par l’énergie. Bien que respecté dans les cercles européens, il n’est visiblement pas parvenu à désamorcer la crise. Sans un geste de dernière minute de Washington — peu probable à ce stade — la décision d’Ursula von der Leyen de lui confier les rênes des négociations semble avoir été un échec cuisant. Ce qui soulève la question suivante : où était Ursula von der Leyen ? Elle avait promis de ne se rendre à Washington que lorsqu’un accord « concret » serait prêt. Elle a annoncé dimanche 13 juillet que Bruxelles ne riposterait pas pour l’instant aux droits de douane américains sur l’acier et l’aluminium, dans l’espoir d’obtenir un meilleur accord final. « Nous avons toujours été très clairs sur le fait que nous préférons une solution négociée. Cela reste le cas et nous utiliserons le temps dont nous disposons jusqu’au 1er août », a-t-elle indiqué. Les ministres européens du Commerce se réunissent depuis ce matin à Bruxelles, après une réunion dimanche des ambassadeurs, qui ont fermement soutenu la décision d’Ursula von der Leyen de maintenir en suspens jusqu’au 1er août un paquet de mesures de rétorsion de 21 milliards d’euros. La Commission a également présenté aux ministres une liste distincte de contre-mesures visant environ 72 milliards d’euros d’exportations américaines, ont déclaré des diplomates de l’UE. « Les deux paquets seront prêts à être utilisés début août si les négociations n’aboutissent pas à un résultat acceptable », a confié un diplomate européen. Mais si l’UE n’est pas disposée à utiliser le paquet de représailles le plus modeste dès maintenant, quelle est la crédibilité de la menace plus importante ? Et n’oublions pas que ce paquet, conçu en réponse aux droits de douane de 25 % sur l’acier et l’aluminium, n’a pas été modifié après que Donald Trump a annoncé des droits de 50 % en plein milieu des négociations. Une fois de plus, Donald Trump semble avoir l’avantage dans ce bras de fer commercial. Avant l’annonce du président américain samedi, un accord semblait à portée de main. Il avait même qualifié l’UE de « très gentille » et Bruxelles semblait prête à tolérer le droit universel de 10 % déjà en place. Certains estimaient même que l’annonce présidentielle resterait sans suite. Cependant les négociations ont brutalement changé de cap. Malgré la dégradation rapide de la situation, la Commission maintient une posture de modération. Dialogue, flatteries et prudence restent de mise, même si l’efficacité de cette approche est de plus en plus remise en question. Les divergences entre grandes capitales européennes n’aident pas. La France plaide pour une réponse ferme, incluant des droits de douane en retour. L’Allemagne préfère un accord rapide pour protéger son industrie automobile. L’Italie, elle, souhaite avant tout éviter l’escalade. Résultat : l’Europe avance en ordre dispersé et l’UE reste dans une impasse où elle s’est elle-même engagée. Face à cette inertie, les appels à une riposte concrète se font plus pressants. L’économiste américain Paul Krugman, critique virulent de Donald Trump, a déclaré que l’UE devait riposter, tout comme certains membres du Parlement européen, à l’instar du président de la commission du Commerce, Bernd Lange. La députée européenne française Marie-Pierre Vedrenne a demandé que l’instrument anti-coercition de l’UE soit mis sur la table lors de la réunion des ministres du Commerce aujourd’hui (ce qui ne devrait pas être le cas). Pour montrer qu’elle ne reste pas passive, la Commission a annoncé ce week-end un accord — ou plus exactement, un engagement à en conclure un — avec l’Indonésie. Mais ce marché ne représente que 2 % du volume d’échanges avec les États-Unis. La bonne nouvelle, c’est que l’UE est en meilleure position que lorsque le locataire de la Maison-Blanche menaçait d’imposer des droits de douane de 50 % ; la mauvaise nouvelle, c’est que le Royaume-Uni, qui a quitté l’Union il y a quelques années, s’en est tiré avec des droits de douane de 10 %. Avant la réunion des ministres ce lundi, le commissaire au Commerce a annoncé qu’il allait s’entretenir avec ses homologues américains « dans le courant de la journée ». Il a également appelé à se « préparer à toutes les éventualités, y compris, si nécessaire, à des contre-mesures proportionnées et bien calibrées ». Le ministre français du Commerce extérieur, Laurent Saint-Martin, cité par l'AFP, déclarait ce matin que « la situation depuis samedi doit nous amener à changer de méthode ». Il ne faut selon lui avoir « aucun tabou », y compris en annonçant dès lundi de premières représailles. « Nous voulons un accord, mais il y a un vieux dicton qui dit : “si tu veux la paix, tu dois te préparer à la guerre” », a de son côté affirmé le ministre danois des Affaires étrangères, Lars Lokke Rasmussen, dont le pays assure actuellement la présidence tournante du Conseil de l’UE. La conférence de presse suivant la réunion des ministres est prévue cette après-midi à 14h. |