La semaine crypto Investir Mercredi 01 mars 2023
 
 
 
 
La conviction de la rédaction : Rémy Demichelis
 
Les cryptos sont-elles des actions ?
 

C’est une difficile question qui hante l’écosystème : les cryptomonnaies sont-elles des actions ? D’un point de vue fiscal, en France, la réponse est clairement non. Les plus-values sont ainsi calculées selon un régime spécifique qui prend en compte l’évolution de l’ensemble du portefeuille d’actifs numériques. Sur le plan réglementaire, pour les entreprises, non plus. Elles sont enregistrées en France en tant que Prestataires de services sur actifs numériques (Psan) auprès de l’Autorité des marchés financiers.

Mais qu’en est-il aux Etats-Unis ? La question n’est toujours pas tranchée. L’enjeu est ainsi de savoir quelle est l’autorité de régulation : la Securities and Exchange Commission (SEC) ou bien la Commodity Futures Trading Commission (CFTC) ? L’industrie aurait tendance à préférer cette dernière, réputée plus coulante. Mais les opérations de lobbying dans ce sens à Washington ont été discréditées par la chute de FTX, ancien généreux donateur des partis et avide de rendez-vous avec les institutions.

Toutes sont des actions, sauf le bitcoin

Le site américain The Intelligencer rappelle que de nombreuses affaires sont encore en cours d’examen par la justice, qui devrait ainsi définir la jurisprudence. En novembre, déjà, elle a donné raison à la SEC à propos du jeton LBC de LBRY Inc., une société de partage vidéo construite sur blockchain. Sa cryptomonnaie n’avait pas été enregistrée comme titre financier en violation de la réglementation, a considéré le juge.

A la tête de la SEC, Gary Gensler estime que toutes les cryptomonnaies à l’exception du bitcoin devraient être reconnues comme des actions. « Pour toutes, à part le bitcoin, vous pouvez trouver un site web, vous pouvez trouver un groupe d’entrepreneurs, ils peuvent avoir mis au point une entité légale dans un paradis fiscal offshore », déclare-t-il à The Intelligencer. Dans la mesure où la plus célèbre des cryptomonnaies a été créée par un ou des inconnus (sous le pseudo de Satoshi Nakamoto) et qu’elle ne dépend de personne, le président de la SEC la sort du spectre. Mais les autres se ressemblent toutes, selon lui. « Au cœur, ces jetons sont des actions parce qu’il y a un groupe au milieu et que le public anticipe un profit fondé sur ce dernier. » La conséquence d’une telle reconnaissance ne laisserait plus aucun projet à l’abri de la justice américaine, à partir du moment où ses jetons sont disponibles sur son territoire. Or l’absence de frontière constitue l’essence des actifs numériques. Selon Gary Gensler, il y a quelque chose de pourri au royaume des cryptos, et il compte bien faire le ménage.

 
 
 
 
 
Le graph de la semaine
 
Le cours du jeton Base Protocol explose... sur un malentendu

Le 23 février, Coinbase annonçait le lancement d’une évolution de sa blockchain Ethereum. Nommée « Base », cette dernière servira selon l’entreprise à offrir « un moyen sécurisé, peu coûteux et convivial pour créer des applications décentralisées ». Les investisseurs n’ont pas perdu temps pour se mettre à la recherche d’un actif numérique du même nom, dans l’espoir de profiter de l’effet d’annonce.
C’est ainsi qu’ils ont déterré une cryptomonnaie appelée « Base Protocol », qui n’affiche plus aucune activité depuis fin 2021 et n’a aucun lien avec Coinbase. Jouant leur va-tout, de nombreux investisseurs ont fait bondir l’action de cette dernière de 400% en l’espace de quelques heures. Sa capitalisation est temporairement passée de 700.000 à 2,5 millions de dollars, avec des volumes de transaction multipliés par 100. Un emballement qui est retombé comme un soufflé.

Arthur Le Denn

 
 
 
 
 
 
Le conseil
 

La plateforme d’échanges de cryptomonnaies Coinbase a vu son chiffre d’affaires annuel s’effondrer de 57% en 2022, à 3,15 milliards de dollars, d’après ses résultats parus la semaine dernière. Elle demeure pourtant parmi les plus sérieuses de l’écosystème sur le plan financier. Son exposition aux acteurs insolvables, comme feu sa consœur FTX, n’a été que de 14 millions de dollars. Contrairement à celle-ci, l’entreprise américaine fait preuve de transparence sur ses comptes, tout simplement parce qu’elle n’a pas le choix depuis qu’elle est cotée à New York. On découvre ainsi qu’elle possède une grande partie de ses réserves en fonds monétaires, maintenant capables de lui apporter un peu de rendement. Pas de quoi offrir des bénéfices toutefois, puisque les pertes sont de 2,6 milliards en 2022 après une année de bénéfice record en 2021, à 3,6 milliards. Les partenariats de Coinbase avec des acteurs comme BlackRock ou Google sont des signes encourageants, de même que sa volonté de collaborer avec les autorités américaines. La plateforme a ainsi accepté de régler un litige avec le gendarme américain des marchés portant sur sa conformité des années 2018-2019 par une amende de 50 millions de dollars, et d’investir autant pour améliorer ses propres contrôles. A une époque où le secteur risque de connaître une vague de stricte régulation, Coinbase se montre conciliant.

Brian Armstrong devrait interroger

Seulement, il y a des ombres au tableau et non des moindres. Premièrement, la plateforme n’est toujours pas enregistrée auprès de l’Autorité des marchés financiers en France (une obligation lorsque l’on s’adresse à notre marché), malgré un site et des clients français, ce qui pourrait lui valoir de graves ennuis. Elle aurait néanmoins déposé une demande dans ce sens à l'automne 2021. Deuxièmement, en un an, elle a procédé au licenciement de près de 2.000 personnes pour un effectif initial de plus de 6.000. Réduire autant la masse salariale est signe d’une mauvaise anticipation des coups durs qu’allaient inévitablement rencontrer les cryptomonnaies après l’euphorie de 2021. Nous pouvons, d’ailleurs, nous questionner quant à la manière dont Coinbase renforcera la conformité dans ces conditions.

Enfin, la personnalité de son PDG, Brian Armstrong, devrait interroger, alors que Sam Bankman-Fried, ancien PDG de FTX, n’a éveillé aucun soupçon pendant longtemps. Il existe un risque réputationnel et psychosocial au sein de l’entreprise en raison de l’attitude de son patron : les coupes brutales dans les effectifs en sont l’illustration. A cela s’ajoutent de nombreux témoignages dans la presse américaine faisant état de discriminations et une réaction peu appropriée au problème de la part de la direction, qui, notamment, négligerait des recommandations d’un rapport interne. Elle n’a, d’ailleurs, pas communiqué sur un changement de politique depuis les faits présumés. L’entreprise embrasse ce que d’autres dans le secteur des technologies essayent aujourd’hui d’éviter : un mépris pour les enjeux sociaux.

Nous maintenons un avis à l’écart. La société offre un profil admirable côté règlementation financière aux Etats-Unis, mais possiblement défectueux en Europe et en interne. Elle est ainsi vulnérable non seulement sur le plan réputationnel, mais aussi réglementaire.

R. D.

 
 
 
 
 
 
 
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La loi et l'ordre
 
 
 
 
 
 
 
 
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