Les élections législatives se jouent aussi sur LinkedIn !
Si la plateforme est longtemps restée un territoire où la parole était mesurée, voire aseptisée, la campagne pour les élections européennes puis législatives ainsi que le clivage politique qui l'accompagne ont, semble-t-il, changé la donne. Et les politiques s'engouffrent dans la brèche...
Et si le militantisme, domaine réservé jusqu'ici à X (ex-Twitter) et Facebook sur les réseaux sociaux, débarquait pour de bon sur LinkedIn ? La plateforme semble avoir entamé un virage sociétal et politique qui s'est accentué drastiquement ces dernières années. La quête de sens dans le monde du travail, amplifiée par la période COVID, et les clivages politiques de plus en plus exacerbés en Occident n'y sont pas étrangers. Bien au contraire. Désormais, on parle de tout sur LinkedIn et, en ce moment, beaucoup de politique.
Dans l'Hexagone en particulier, législatives obligent. «
Les membres viennent pour se connecter aux personnes de leur réseau, acquérir des connaissances, s'informer sur leur secteur d'activité, développer de nouvelles compétences et trouver un emploi. Les conversations relatives aux questions politiques et sociales peuvent jouer un rôle à cet égard et sont autorisées, à condition qu'elles respectent nos politiques », acquiesce LinkedIn France
dans cet article de 20 Minutes. Et que les politiques les respectent aussi...
Car de plus en plus de personnalités politiques de tous bords ont investi le réseau social ces derniers temps.
À l'instar de Jordan Bardella, débarqué fin juin pour mener à bien la partie LinkedIn de la campagne digitale du Rassemblement national, ils sont nombreux à voir la plateforme qui totalise près d'un milliard d'utilisateurs (dont environ 30 millions en France) comme un nouveau terrain de jeu de la communication politique.
« La première terre d'expression politique d'ici 2026 ? » «
LinkedIn touche un public que les politiques n'atteignent pas sur X, plus professionnel, cadre, moins jeune, moins dans l'invective et peut-être plus éduqué », analyse Paul-Antoine Sigelon, consultant chez Havas Paris et ancien conseiller communication dans plusieurs cabinets ministériels,
dans ce papier du Figaro qui avance que, selon plusieurs experts, LinkedIn «
pourrait devenir la première terre d'expression politique, et particulièrement à l'aune des municipales 2026, où elle pourrait devenir la plateforme de la politique locale ». Et dans le cas du président du RN, le réseau social de Microsoft permet aussi de structurer son personnage, de lui donner du volume et une certaine légitimité auprès de cette audience, «
alors qu'il n'a pas eu sa licence de géographie, ironise Paul-Antoine Sigelon.
LinkedIn permet de professionnaliser la stature de Jordan Bardella, de construire un narratif professionnel autour de lui ».
Ce qui est encore loin d'être le cas pour ses électeurs, à qui la prise de position peut coûter cher. Selon
un sondage réalisé mi-juin par OpinionWay pour Les Échos, ceux qui se déclarent proches du RN sont les plus discrets sur LinkedIn comme dans l'open space : ils sont seulement 44% à discuter politique avec leurs collègues, contre 66% pour les sympathisants LFI, et même 71% pour ceux des Républicains. «
LinkedIn est un réseau professionnel. Quelqu'un qui essaie de convaincre sur l'aspect politique semble hors sujet. Des influenceurs perdent des centaines de milliers de followers pour s'être positionnés sur des sujets d'actualité. Évidemment, un salarié ne va pas en pâtir à la même échelle, mais ses relations professionnelles peuvent vraiment se détériorer », anticipe Philippe Caquet, spécialiste RH au cabinet de conseil Boost'RH dans les colonnes de
20 Minutes.
La parole sans temps de parole... «
Certains partis se disent de facto "ce n'est pas ma boutique électorale, c'est trop CSP+ pour moi", poursuit Paul-Antoine Sigelon.
L'état-major de La France insoumise se dit "ce n'est pas notre but, ni notre cible, donc on n'y va pas"
. Je pense qu'ils ont tort. Il y a des habitus politiques qui créent des stratégies de communication digitale décalées avec la réalité. [...]
Toute la Macronie a investi LinkedIn pour toucher des salariés, des personnes qui parlent écologie ou qui cherchent le consensus. »
François Ruffin, porte-étendard du Nouveau Front populaire très actif sur la plateforme, ferait donc figure d'exception qui confirme la règle ? «
C'est une figure singulière, une voix distinguée sur LinkedIn », répond Hamza Benmira, data analyst également cité par
Le Figaro. Toujours est-il que, de
Jean-Luc Mélenchon à
Éric Zemmour, en passant par
Bruno Le Maire, Raphaël Glucksmann, Éric Ciotti, Gabriel Attal et son badge « Top Voice » ou
Emmanuel Macron et ses trois millions d'abonnés, tous y trouvent, à des degrés différents, un espace où l'on peut prendre le temps de détailler un programme politique tout
en souhaitant « un bon vendredi à toutes et à tous ! » de temps en temps. «
La part de voix algorithmique, c'est un angle mort de l'Arcom », appuie Hamza Benmira. Un angle mort que LinkedIn a tendance à rendre bien vivant... «
Vous pouvez inonder Internet tant que vous voulez, ce n'est pas décompté du temps de parole », abonde Pierre Vallet, PDG de l'agence d'influence Reputation Age, toujours dans
Le Figaro. Et si, comme le rappelle le quotidien, la tonalité des publications a longtemps été plutôt neutre, «
elle s'exacerbe en cette période d'élections législatives » et les invectives commencent à fleurir un peu partout sur les timelines. «
L'algorithme de LinkedIn aime les publications qui font débat, qui font réagir. On touche ici à un nerf du politique », conclut Pierre Vallet. Le nerf de guerre ?