Le 20 mai dernier il a eu septante-cinq ans et, la veille, il donnait une interview dans la presse italienne où il qualifiait Trump de prédateur. Erri de Luca depuis toujours s’engage: après une jeunesse passée au sein de l’organisation d’extrême gauche Lotta Continua, on l’a vu au fil des ans soutenir différentes causes. Mais le romancier et poète napolitain ne se contente pas de signer des tribunes dans des journaux, il s’engage physiquement et va sur place: en Bosnie durant la guerre de Balkans et plus récemment en Ukraine pour apporter des vivres, ou sur le bateau d’une ONG pour participer au sauvetage de migrants.
Ses préoccupations de citoyen transparaissent, bien entendu, dans son travail d’écrivain. Ainsi dans son nouveau livre, Récits de saveurs familières, Erri de Luca nous confie de savoureux souvenirs - pâtes au ragù, parmigiana de melanzane - et peu à peu revient aux fondamentaux: le pain que des ouvriers venus du sud de la Péninsule mangent ensemble dans une usine, la faim et la soif, les poignées de sel qu’avec des pêcheurs il lance dans la mer pour commémorer un terrible naufrage survenu au large de Lampedusa. Et ce qui aurait pu être un simple recueil de textes vaguement folkloriques devient un espace où se partagent des expériences humaines universelles. Et c’est peut-être ce qu’il faut retenir du travail d’Erri de Luca: la littérature est un lieu d’échange. À l’heure où partout les frontières se ferment, écoutons ce que nous dit le poète napolitain. Bonnes écoutes et bonnes lectures ! Sylvie Tanette
Erri de Luca, Récits de saveurs familières, ed. Gallimard
L'auteur et poète napolitain narre des épisodes de sa vie à travers des goûts, des sensations et des plats. De brefs récits de nourriture familiale aux titres insolites, dont le pouvoir évocateur est porté par la plume unique de l’écrivain italien. Si les recettes ne constituent pas le cœur de cet ouvrage atypique, les notes complémentaires d’un nutritionniste y ajoutent une saveur particulière. Par Sylvie Tanette
Benjamin Knobil, Le train des gueules cassées, ed. BSN Presse
Dans ce premier roman, à la fois historique, fantastique, picaresque et psychédélique, l’auteur et metteur en scène lausannois fantasme un train qui traverse les génocides du XXème siècle. Entourées d’une nuée de personnage secondaires multicolores, trois gueules cassées du quotidien portent une intriguent enchevêtrée, emplie de vitalité et de drôlerie. Par Francesco Biamonte Lire la suite
Alors que les bouleversements climatiques font monter les eaux, les habitants de la presqu’île de Kernel choisissent de s’isoler et de se protéger par la construction d’une digue. Mais l’apparition d’une faille dans la paroi de cette dernière fissure la petite société et fait surgir divisions, craintes et passions. Un roman original dont la narratrice est une île lassée de n’être qu’un décor. Par Nicolas Julliard Lire la suite
Romain Puértolas, Ma vie sans moustache, ed. Albin Michel
Et si Hitler ne sʹétait pas suicidé dans son bunker en 1945, mais était parti en Argentine comme nombre de nazis ? Le romancier ex-policier Romain Puértolas a mené lʹenquête après avoir reçu une lettre de la supposée cuisinière du Führer en Argentine dans les années 50… Un roman qui voyage entre vérité, fiction, enquête et humour.
Félix Vallotton, L'Âge du papier, ed. 5 Continents, 248 p.
Vallotton illustrateur étonne par sa fibre anarchiste, antimilitariste et sociale – son humour cinglant, parfois jusqu’au cynisme. La rapidité du dessin révèle le coeur du talent. On savoure sa collaboration étroite avec Jules Renard, ses portraits graphiques de Mallarmé ou Verlaine. Non loin du design, on admire son génie du lettrage. Le volume offre la substantifique moëlle du colossal catalogue raisonné publié en ligne. Trois essais y éclairent cet «autre Vallotton». FB
Roman illustré
Lionel Tardy, A la conquête du chrysanthème, ed. Favre, 381 p.
Kanako revient dans un second tome musclé pour jouer du sabre et protéger la jeune impératrice Aiko d’un terrible complot. Le désir d’Aiko de redistribuer les cartes au sein de son Empire gangréné par un pouvoir économique sans scrupule attise la haine d’une poignée de nobles décidés à conserver leurs privilèges et étendre leur pouvoir. En 3 actes trépidants, cette suite, qui peut se lire indépendamment du premier tome, explore de nouveaux territoires et ouvre les yeux des protagonistes sur d’autres modèles de société que la leur, centrée sur l’argent. Aventure, action, intrigues de palais et références nippones font le sel, ou plutôt la sauce soja au parfum si raffiné, de cette Conquête du chrysanthème. PC
Récit
Hélène Gestern, Toi, ed. Seuil, 336 p.
La couverture est craquante et le livre tout autant. Qu’on soit accompagné au quotidien par un félidé ou non, on est touché par ce petit bijou de déclaration d’amour à sa compagne à 4 pattes signée de l’autrice du roman 555 . Elle a décidé d’écrire sur Mimi, chatte persane, alors que cette dernière est bien vivante à ses côtés ; elle ne veut pas attendre sa disparition pour lui dire combien sa présence change son regard et son rapport au monde. C’est ce que nous offre la plupart des animaux avec lesquels nous partageons nos vies. Dès lors, rendre par les mots l’amour qu’ils nous donnent peut être, comme ici, une douce, sensible et belle réussite littéraire. COC
Oscillant entre la violence et la tendresse, lʹartiste-sculpteur est aussi un dessinateur infatigable. Jouets indociles reflète son univers très personnel fait de fascination pour les associations incongrues et de son goût pour les bizarreries surnaturelles des contes et légendes. Gaspard Delachaux est au micro de Florence Grivel.
RTS Première, Quartier Livre, dimanche 22 juin à 16h
De son vrai nom Karine Guignard, la rappeuse et comédienne lausannoise La Gale se fait désormais écrivaine avec un premier roman, Dead Drop, paru ce printemps à la Veilleuse. On y suit Raïzo, trentenaire et orpheline, dont le trafic d’herbe est réglé comme une horloge grâce à des "Dead drops", des caches disséminées dans les recoins discrets de la ville. Lorsque l’une de ses transactions dépasse largement les sommes habituelles et qu’un fichier énigmatique apparaît sur son ordinateur, son univers soigneusement verrouillé commence à s’effriter. Animation : Ellen Ichters Carte blanche : Daniel Vuataz
Depuis une vingtaine d’années, ses personnages potelés ne cachent rien des difficultés qu’il y a à vivre dans un corps de femme. Grande Trissoue (invitée d’honneur) de la 11e édition du festival Delémont’BD (13-15 juin), Aude Picault est de retour ce printemps avec Moi je,quarantaine, un album qui renoue avec l’autobiographie caustique de ses débuts. L’autrice française est l’invitée de Quartier Livre, émission enregistrée sur place, en compagnie de Léandre Ackermann, illustratrice jurassienne à l’honneur au festival, et de Cédric Humair, directeur artistique. Animation: Nicolas Julliard Carte blanche: Fanny Wobmann
Illustratrice indépendante, Dora Formica signe Certifié humain, un roman graphique passionnant qui explore l’avenir de l’illustration à l’heure de l’intelligence artificielle. Dans cet ouvrage à la fois drôle, intime et profondément ancré dans les enjeux actuels, elle mêle réflexions sur son métier, héritage familial et passion du dessin fait main, tout en explorant avec finesse ce qui fait, au fond, la richesse de la création humaine. Karen Ichters est aussi illustratrice indépendante. Elle explore dans Présence de la mort un souffle apocalyptique d’une troublante actualité. À travers un dessin intense, elle adapte avec force un texte visionnaire de C.-F. Ramuz, au cœur de villages au bord du lac, entre beauté et chaos…