Marché de l’influence : une introspection nécessaire
Faut-il créer un statut d'influenceur ? Tout contenu rémunéré doit-il être validé par une autorité compétente ? Doit-on mettre en place des systèmes de vérification automatisés pour le nombre de placements de produits ? Le secteur de l'influence est en pleine introspection – enquête sur les pratiques douteuses des influenceurs de la téléréalité, projets de loi, table ronde organisée à Bercy... L'actualité est riche. Et montre l'intérêt pour une indispensable régulation du marché. Story Jungle fait le point.
6 sur 10 ne respectent pas la loiCe mercredi 15 février, le ministère de l'Économie a ainsi dévoilé les résultats d'une consultation citoyenne dédiée à l'encadrement des influenceurs. Au total, 19 000 personnes ont répondu à l'appel. Dans la majorité, celles-ci se sont dites favorables à «
une intervention forte de l'État », en matière de régulation. Ces annonces interviennent dans un contexte où la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) a découvert que sur la soixantaine d'influenceurs et agences ciblés depuis 2021,
six sur dix ne respectaient pas la réglementation sur la pub et les droits des consommateurs.Faire plus de pédagogiePour Carine Fernandez, à la tête de l'Union des métiers de l'influence et des créateurs de contenu (UMICC), l'origine des dérives réside dans le peu de connaissances des influenceurs sur leurs devoirs. Elle les incite ainsi à obtenir le Certificat de l'Influence responsable, lancé en 2021 par l'ARPP (Autorité de régulation professionnelle de la publicité). Un constat partagé par Sandrine Cormary, présidente du SCRP (Syndicat des agences de conseil en relations publics), qui insiste sur ce flou délétère : «
Il faut essayer de faire plus de pédagogie, et former ceux qui ne connaissent pas toujours les bonnes pratiques, tout particulièrement les nano-influenceurs, qui représentent la grande majorité des 150 000 créateurs de contenus en France, ainsi que la plus forte part de manquements », souligne-t-elle.
Annoncer la couleurÀ l'heure où le marketing d'influence se développe massivement, l'Udecam (Union des entreprises de conseil et d'achat média), le SCRP (Syndicat des agences de conseil en relations publics) et l'AACC (Association des agences-conseils en communication)
demandent davantage de transparence de la part des influenceurs, «
quand leur contenu a un caractère commercial ». Trop de partenariats non déclarés entraînent la confusion (et la colère après coup) chez les internautes.
D'après une étude menée par Reech et Norstat, société de collecte de datas, sur le rapport des Français au marché de l'influence, 70% des sondés rejettent la pub déguisée. Il faut annoncer la couleur de manière franche pour espérer voir sa publicité pleinement acceptée.
Vers une bataille sémantiqueD'après la concertation publique, une majorité des répondants (53,3%) estime «
prioritaire » d'établir une définition légale de l'influenceur. Il devient impératif d'établir une distinction sémantique claire entre créateur de contenu et influenceur,
estime Guillaume Doki-Thonon, CEO de l'agence de marketing d'influence Reech : «
Les créateurs de contenus livrent des conseils, des astuces, des points de vue détaillés et illustrés, ils sont dans la réalité de leur métier en demandant à être appelés ainsi. Cette bataille sémantique est portée par le gouvernement dans les réflexions en cours. » Seuls 14% des internautes font la distinction entre créateurs de contenu et influence, d'après l'étude de Reech.
Influenceur est devenu un mot fourre-tout, rejeté par beaucoup. Comme Hugo Décrypte, lassé d'être décrit par les médias traditionnels comme tel : «
Je ne me considère pas influenceur. Journaliste, oui, même YouTubeur. Je n'aime pas le terme influenceur parce qu'il rattache à d'autres univers. La seule chose qui nous relie est le fait qu'on fait des choses en ligne »,
se défend-il. Pour le podcaster Matthieu Stefani, inutile de se leurrer. «
J'ai du mal à l'accepter, mais on est tous influenceurs, certains ont juste une audience plus grosse que d'autres. » Le chemin sera long pour s'accorder sur une définition propre.
Selon l'étude de Reech, la différence entre les deux termes réside dans la mentalité. S'il est incontestable que les partenariats représentent la plus grande majorité des revenus des créateurs, «
ils sont un moyen plutôt qu'une fin », les créateurs étant tout d'abord animés par une sacro-sainte passion. Et de l'autre côté, pour de nombreux sondés, la raison d'être des influenceurs semble être la pub.
Un sujet qu'on traitera très prochainement en live. Stay tuned!