Média : la nouvelle génération prend le pouvoir sur Twitch
Les talkshows d'actualité sur Twitch apportent une fraîcheur bienvenue, à l'ère de la fatigue informationnelle
diagnostiquée par la Fondation Jean-Jaurès. Avec un ton nouveau, toujours en direct, et se fondant sur une forte interaction avec "le chat" - les commentaires des viewers -, ils attirent désormais des invités jusque-là chasse gardée des prime times des télés et radios. Politiques, acteurs, chanteurs, sportifs se pressent aux micros d'une nouvelle génération d'animateurs qui prend le pouvoir à bas bruit.
L'émission de référence sur la culture popDésormais solidement installé dans le paysage, PopCorn s'impose comme l'émission de référence sur les cultures internet. Animée par Pierre-Alexis Bizot, alias Domingo, la quatrième saison attire en direct, chaque semaine, un public de 50 000 viewers en simultanée et près de 300 000 spectateurs uniques. Et les managers d'artistes ne s'y trompent pas : Pierre Niney, Bigflo et Oli, Alexandre Astier ou encore Didier Drogba sont venus échanger avec Marie Palot, Ponce ou le sulfureux Sardoche, les chroniqueurs de l'émission.
Le 17 janvier, c'est sur PopCorn que
Tony Parker annonçait la tenue prochaine d'un match de basket en live. L'ex-meneur des Spurs de San Antonio a fait l'annonce en exclusivité sur le plateau de Domingo (en n'oubliant pas de mentionner son sponsor) : «
Le match sera au printemps. Vous êtes tous invités. Domingo est dans mon équipe. Je fais une grosse dédicace à la marque Tissot, qui est mon sponsor et celui de la NBA. » Pour le sportif, organiser un tel évènement répond à l'évolution de Twitch, qui se diversifie à vitesse grand V. Cette annonce suit le succès grand public de la course de Formule 4, le GP Explorer, organisée à l'automne dernier, qui a mis en lumière la plateforme de streaming. L'évènement avait été suivi par plus de 37 000 spectateurs sur place. Et plus de 1 million de viewers avaient regardé la course sur Twitch.
« Cet évènement est une exception qui a fait monter intrinsèquement le niveau des production », constate le streamer Zerator.
Des interviews sur le filPlus intimiste, Zack Nani, influenceur lyonnais, impose son ton avec son émission «
Zack en route libre », une interview de deux heures, installée maintenant depuis cinq saisons ! Véritable interviewer, son stream a la forme d'un podcast augmenté : en direct et avec le chat, il invite ses invités à se livrer, avec un vrai sens de l'écoute. et parvient le plus souvent à obtenir des confidences.
Dernier invité en date : Samuel Étienne, le streamer le plus connu du monde des médias.
L'émission politique réinventéeLa saison 1 lui avait coûté entre 200 et 300 000 euros. La saison 2, plusieurs centaines de milliers d'euros. Au vu des moyens investis, le streamer et ex-collaborateur de Marisol Touraine, Jean Massiet, a préféré bien préparer sa sortie. D'abord programmée pour fin novembre, la saison 2 de BackSeat, l'émission qui réconcilie les jeunes avec la politique, a finalement vu le jour mi-janvier. Avec pour promesse éditoriale : «
coller davantage à l'actu politique », en faisant appel à la fois à des responsables politiques mais aussi, nouveauté, des acteurs de la société civile, des journalistes, des experts. «
Je souhaite une émission plus souple qui s'adapte mieux à l'actu de la semaine avec un traitement à l'instant T de l'actu », précise-t-il. Et la distribution du contenu s'effectue aussi bien sur YouTube que Twitch... et des plateformes de podcast ! De quoi toucher un public large.
Tous les jeudis soir, de 19 à 22 h, Jean Massiet prend les commande de l'émission, en public. Moyennant une contribution (à hauteur de 49,30 euros quand même !) vous pouvez assister à l'émission en direct. «
C'est une manière de donner de l'énergie au plateau qui est sans pareille. Cela permet de rompre le caractère distant du chat et d'avoir des visages en face de soi. C'est un step-up non négligeable. J'ai vu l'avant-après », se félicite le streamer. Il invite également les spectateurs à participer au «
buffet post-épisode » avec les chroniqueurs (et parfois les invités). Un moyen efficace pour resserrer les liens avec une communauté, déjà très engagée. Et il n'oublie pas les internautes dont les commentaires sont affichés en arrière-plan.
Une rupture nette avec la télé traditionnelleLe présentateur est particulièrement attentif à la diversité de ses invités et chroniqueurs. Dans une ambiance bon enfant, l'émission du jeudi 9 février a ainsi vu défiler Raphaël Llorca, « communicant intello » selon la bio de l'auteur de
La marque Macron et
Les nouveaux visages de l'extrême droite, Usul, vidéaste d'extrême gauche habitué de Mediapart, le député de la Somme François Ruffin ou encore un représentant d'une plateforme de revendication sociale pour les indépendants. «
Vraiment très agréable le climat que Jean Massiet installe sur BackSeat. (...) Je ne vois pas de grand média TV ou radio capable de cette qualité d'écoute aujourd'hui »,
estime Guillaume Champeau, le fondateur de Numerama.
Jean Massiet veille à la convivialité, indispensable selon lui pour transmettre l'info. «
Le dynamisme éditorial ressemble à un apéro entre copains. On dit le fond de nos tripes. Cela crée une complicité avec le public. » Pour lui, les émissions télé qui reposent sur le clash gratuit sont devenues has been. «
Les grandes messes de talkshow autour d'Ardisson et Ruquier ne font rêver personne sur Internet. Personne n'a envie de leur ressembler. On a inventé notre propre standard à nous », observe le streamer. Pas faux.