Newsletters : et maintenant Facebook !
Ce n'était qu'une question de temps, après les annonces successives
du rachat de « Revue » et du
lancement des « Super Follows » par Twitter, ou encore du lancement du
« Creator Program » de LinkedIn.
Par le biais d'un billet de blog intitulé « Supporting Independent writers », Facebook a annoncé ce mardi 16 mars le lancement officiel d'une nouvelle plateforme de création et de distribution de newsletters, qui devrait voir le jour dans les mois à venir aux États-Unis. Le but ? « Donner plus de pouvoir aux écrivains indépendants, en les aidant à atteindre de nouveaux publics et à développer leurs activités. »
Le réseau s'associera d'abord avec un petit groupe d'écrivains indépendants pour tester la plateforme ‒ qui sera gratuite et intégrée aux pages Facebook. Dans la mallette, plusieurs outils pour aider les créateurs à monétiser leur savoir-faire : un outil d'autopublication gratuit, l'intégration dans les pages Facebook pour permettre la publication en divers formats, la possibilité de créer des groupes Facebook privés pour les abonnés à la newsletter...
Le réseau social rappelle qu'il a investi 600 millions de dollars dans le journalisme depuis 2018, et qu'il compte investir près d'un milliard de dollars ces trois prochaines années dans l'industrie médiatique.
Une approche réaliste ?« La mission de Facebook, souvent répétée, est de "donner la parole aux gens" et pourtant au cours des dix premières années de son existence, ses partenariats avec les médias ont surtout été conclus avec de grandes entreprises comme CNN et News Corp
», observe le journaliste Casey Newton dans «
The Verge ». Désormais, sa stratégie média s'oriente vers l'individu.
Rien qu'aux États-Unis, 16 000 journalistes ont perdu leur emploi. Autant de cibles potentielles qui pourraient être tentées de monter leur petite entreprise médiatique.
Comme le rappelle cyniquement
Jacob Silverman dans un article de « The New Republic », les journalistes et écrivains indépendants sont désormais à peu près comme n'importe quel autre influenceur numérique, « suivant l'argent de plateforme en plateforme » ; où toute entreprise technologique, qui fait preuve d'initiative, peut ressembler à un « partenaire accueillant, voire à une institution bienfaisante ».
Pour l'expert « big tech » Casey Newton, les stratégies médias initiées par Campbell Brown, VP Global News Partnerships de Facebook, depuis son arrivée en 2017 se sont progressivement « orientées vers plus de réalisme » : « Le Facebook d'autrefois promettait la lune. Aujourd'hui, il en promet le moins possible. »
Par ailleurs, les mesures prises par Facebook pour renforcer sa propre plateforme de publication interviennent à un moment où de nombreux éditeurs font face à des perspectives de monétisation publicitaire incertaines. Alors que l'industrie des médias s'adapte à la vie sans cookies tiers ‒ une étude de l'IAB publiée cette semaine estime que
10 milliards de dollars de revenus publicitaires numériques des éditeurs en dépendent ‒, de nombreux éditeurs pourraient subir une pression sur les revenus à court terme,
rappelle Digiday. Des arguments face à SubstackS'il n'y a pas d'information officielle sur la part du revenu des abonnements que prendrait Facebook, une porte-parole du réseau social a pointé le fait que celui-ci ne prend actuellement aucune part des revenus générés par les abonnements lancés par le biais d'Instant Articles, et qu'il ne prendrait aucune part des revenus des créateurs de vidéos au moins jusqu'en août. « S'il s'agit là d'indices que Facebook prendra une commission de 0 % sur les revenus des abonnements à la newsletter, cela attirera l'attention de quelques créateurs », note Casey Newton. Sachant que Substack prend 10 % et Twitter 5 % avec Revue...
Une mauvaise nouvelle pour Substack,
au moment où la plateforme est accusée (entre autres) de favoriser certains types d'auteurs ‒ en général des hommes blancs avec une forte assise sur Twitter ‒ notamment dans son programme « Pros », qui propose de payer de grosses avances aux auteurs disposant de larges communautés...
Philosophe, Jacob Silverman conclut : « Ils devront tous manger, et dans notre avenir journalistique sombre, peu importe qui signe les chèques. »