« En ce matin de fin janvier, la tempĂ©rature descendit Ă quinze degrĂ©s au-dessous de zĂ©ro, et pourtant, les gens Ă©taient des centaines de milliers Ă sâagglutiner le long du trajet qui mĂšnerait la procession du Capitole Ă la Maison Blanche.  Jâattendais Ă©galement, au coin de Constitution et de Louisiana, entourĂ© par ma famille. Bree Stone, ma femme et chef de la brigade criminelle au MPD1, Ă©tait placĂ©e devant moi dans son uniforme dâapparat bleu marine.  Mon fils de vingt et un ans, Damon, se tenait Ă ma droite. ArrivĂ© en avion de Caroline du Nord la veille au soir, il Ă©tait en costume-cravate, avec caleçon long en dessous et anorak noir par-dessus. Nana Mama, ma grand-mĂšre nonagĂ©naire, avait refusĂ© dâentendre raison et de suivre la cĂ©rĂ©monie Ă la tĂ©lĂ©vision. Assise Ă ma gauche sur une chaise pliante de camping et emmitouflĂ©e dans une couverture, elle portait tous les vĂȘtements dâhiver en sa possession ainsi quâun bonnet de laine. DerriĂšre nous, mes deux autres enfants, Jannie et Ali respectivement ĂągĂ©s de dix-sept et neuf ans, avaient beau ĂȘtre habillĂ©s comme pour lâArctique, ils se rĂ©chauffaient mutuellement et tapaient des pieds.  â Y en a encore pour longtemps, pâpa ? geignit Ali. Je sens plus mes orteils ! MalgrĂ© le brouhaha sourd de la foule, jâentendis alors en provenance de Capitol Hill les quatre roulements de tambour et sonneries de clairon qui ouvrent le cĂ©lĂšbre Hail to the Chief. â Ils quittent le Capitole, annonçai-je. Ils ne devraient pas tarder.  Lâhymne prĂ©sidentiel se termina rapidement et lâassistance frigorifiĂ©e se tut. Une voix masculine sâĂ©leva : â PrĂ©sentez⊠armes !  Une deuxiĂšme voix relaya le commandement. Puis une troisiĂšme. Un par un, les soldats postĂ©s tous les cinquante mĂštres sur la route du cortĂšge portĂšrent leur fusil Ă lâĂ©paule droite et se mirent au garde-Ă -vous, raides comme des piquets. Les tambours au loin reprirent en une lente cadence, un son Ă©touffĂ© et lugubre Ă cette distance.  Cent cadets de West Point apparurent au sommet de Capitol Hill, en uniforme gris, marchant au pas. Des contingents dâautres acadĂ©mies militaires â U.S. Naval, Air Force, Coast Gard â les suivaient, dĂ©filant avec la mĂȘme rigueur, menton haut, yeux fixĂ©s droit devant eux tandis quâils passaient prĂšs de nous.  Sur la colline, le battement solennel des instruments continuait, de plus en plus fort Ă mesure quâapprochait la fanfare. Un porte-drapeau la prĂ©cĂ©dait, brandissant haut la hampe de la banniĂšre Ă©toilĂ©e.  Jâentendis le claquement de leurs sabots avant mĂȘme de voir les sept chevaux Ă la robe gris perle qui descendaient Capitol Hill au petit trot : six en formation par paires, le septiĂšme Ă la tĂȘte de la colonne de gauche.  Bien que tous sellĂ©s, seuls ceux de gauche et celui de devant Ă©taient montĂ©s par des officiers de la U.S. Army Old Guard. Les six pur-sang attelĂ©s tiraient le caisson noir vieux dâun siĂšcle contenant un cercueil recouvert du drapeau amĂ©ricain, dans lequel reposait feue la prĂ©sidente des Ătats-Unis. »  |