Overdose de news : la « fatigue informationnelle » des Français | | Le monde de l'info serait-il devenu un McDo géant, où « l'on s'abreuve de Big Mac et de "Face à Baba" en permanence » ? Confronté à des polémiques abrutissantes et à un raz-de-marée de news anxiogènes, le Français frôle l'indigestion. Cette infobésité empêche toute « métabolisation » de l'info et provoque un stress chez celui qui consomme l'info. Preuve de ce mal-être insidieux : certains psys traitent aujourd'hui des patients souffrants du « trouble de stress lié aux gros titres ». Les chiffres sont formels. Face à une saturation de l'info, plus de 53 % des Français disent souffrir de fatigue informationnelle, dont 38 % – plus d'un tiers – en souffrent « beaucoup ». Surtout les plus jeunes et les plus connectés. C'est le constat dressé par une étude de l'ObSoCo, la Fondation Jean-Jaurès et Arte, qui pointe un véritable « problème de santé publique et démocratique ». D'autres recherches confirment la tendance et montrent que certains adoptent la stratégie du retrait. D'après le Reuters Institute, 36 % des Français, lassés, se détournent de l'information. « Ce n'est plus un signal faible », prévient Bruno Patino, auteur de Tempête dans le bocal et président d'Arte France. Encore plus grave, les journalistes eux-mêmes avouent devenir allergiques aux news. Journaliste aguerrie au Washington Post, Amanda Ripley partageait récemment « un sale petit secret », largement relayé par la suite : « L'actualité a commencé à me taper sur les nerfs. Après ma lecture matinale, je me sentais si épuisée que je ne pouvais pas écrire. J'écoutais Morning Edition et je me sentais léthargique, démotivée, alors que la journée venait à peine de commencer. » Une vue d'ensemble D'après l'étude de la Fondation Jean-Jaurès, près de huit Français sur dix limitent ou cessent de consulter les informations (77 %). En cause : des débats trop agressifs, un manque de fiabilité des informations et un impact négatif sur leur humeur. 85 % des sondés notent par ailleurs un sentiment de répétition dans les infos entendues dans la journée. Ce trop-plein d'infos les empêche de prendre du recul (59 %). Le phénomène ne date pas d'hier. Dans les années 1980, le philosophe Edgar Morin en cernait déjà l'essence, dans son œuvre Pour sortir du XXe siècle. « L'excès étouffe l'information quand nous sommes soumis au déferlement ininterrompu d'événements sur lesquels on ne peut méditer parce qu'ils sont aussitôt chassés par d'autres événements. Ainsi, au lieu de voir, de percevoir les contours, les arêtes de ce qu'apportent les phénomènes, nous sommes aveuglés par un nuage informationnel », analysait l'intellectuel. Avec l'avènement des réseaux sociaux, « le "nuage" s'est opacifié ». Insuffler du désir à nouveau Comment sortir de ce brouillard paralysant ? Plusieurs solutions concrètes s'offrent aux médias, dans un esprit d'écologie de l'attention : mieux hiérarchiser l'information, repenser complètement et renforcer l'éducation aux médias, imaginer des univers d'informations « bornés » type newsletters ou Matinale du Monde, modérer le nombre d'alertes infos par jour... Le tout est d'adopter une forme de sobriété informationnelle, comme le note David Medioni, un des auteurs de l'étude. Pour revivifier les liens ténus avec les citoyens, les médias doivent s'efforcer d'apporter de l'espoir : « Vous devez avoir quelque chose en quoi croire. Si vous êtes dans la restauration, vous allez donner de l'eau aux gens. Parce que vous comprenez la biologie humaine. C'est bizarre que le journalisme ait tant de mal à comprendre cela. Les gens ont besoin d'avoir un sentiment de possibilité », soutient David Bornstein, cofondateur de Solutions Journalism Network. Enfin, il convient de donner aux lecteurs le sentiment que des solutions sont à portée de main : « C'est en ayant le sentiment que vous et vos semblables pouvez faire quelque chose, si infime que ce soit, que nous transformons la colère en action. Ce sentiment d'efficacité personnelle est nécessaire au fonctionnement de toute démocratie », constate la journaliste Amanda Ripley. Il s'agit de transformer la colère de l'individu en une puissance d'impulsion, et non plus d'inertie. Le journalisme constructif vient contrebalancer ce comportement défaitiste, avec l'envie de raccrocher le citoyen à l'actualité et, de ce fait, au débat politique. « Les articles qui enquêtent sur les solutions redonnent un sens au fait d'être citoyen », rappelait en 2020 Serge Michel, ancien directeur adjoint du Monde. | | | | UN PAVÉ DANS LA JUNGLE | Oui oui, vous nous avez dit qu'on parle trop de LinkedIn ici. Message reçu. On a un peu levé le pied, non ? Surtout depuis qu'on a lancé la newsletter Dans la Jungle de LinkedIn. Mais là, on est tombé sur un joli pavé jeté dans la jungle par le Wall Street Journal. On ne résiste pas. Si le réseautage, « l'autopromotion et la vantardise incessantes » constituent les pierres angulaires de LinkedIn, le contenu personnel occupe désormais une belle place sur le réseau professionnel, face à des internautes perplexes. C'est le diagnostic amusé posé par le Wall Street Journal, dans un article intitulé « Même le PDG en pleurs pense que vous partagez trop de choses sur LinkedIn ». Cette montée du contenu personnel sur LinkedIn fait écho à un changement plus large dans la culture d'entreprise : « Les campagnes de santé mentale des entreprises, par exemple, ont encouragé les employés à raconter leurs histoires de dépression et d'autres maladies. Les mouvements de justice sociale, tels que #MeToo, ont également compté sur les professionnels pour partager leurs expériences personnelles », analyse le Financial Times. Pourquoi c'est un pavé ? Depuis la crise financière, on est passé de la diffusion du succès au partage de la vulnérabilité, explique Will Storr, auteur de The Status Game:On Social Position and How We Use It. « Nous ne sommes plus à l'ère de la cupidité. L'authenticité et le storytelling sont axés sur les luttes et les drames. À moins d'être une célébrité, le succès des autres nous fait nous sentir mal. Sur les réseaux sociaux, les gens sont conscients de ne pas diffuser trop de succès, même sur LinkedIn », conclut-il. LinkedIn, une plateforme finalement comme toutes les autres, où l'on peut s'épancher librement ? | UN FORMAT À LA LOUPE | | L'ancien PDG de Twitter, Jack Dorsey, avait déclaré que l'application ne sauterait « probablement jamais » le pas. Et pourtant. Après des années de demandes, Twitter vient d'annoncer qu'il testait une nouvelle fonctionnalité d'édition, donnant à ses utilisateurs la possibilité de modifier leurs tweets jusqu'à 30 minutes après leur envoi. Désormais, le bouton d'édition de Twitter sera disponible pour les abonnés de Twitter Blue, qui bénéficient d'un accès privilégié aux fonctionnalités, dans le courant du mois de septembre. Les utilisateurs pourront également consulter les anciennes versions du message modifiées par son auteur. Pour the Hustle, Twitter « s'aligne sur les autres plateformes. Le bouton de modification de Facebook est apparu en 2013. Reddit vous permet de modifier les messages, mais pas les titres. YouTube ? Vous pouvez modifier votre contenu à votre guise ». Comme le souligne le New York Times, ça fait seulement 15 ans, 9 mois et 22 jours que la communauté Twitter réclame cette fonctionnalité. | LE CONTENU QU'ON AURAIT ADORÉ FAIRE | | Vous avez besoin de proposer une relation ouverte ? Ouvrir un coffre-fort ? Arrêter de vous ronger les ongles ? Rouler un joint ? Écrire une lettre de condoléances ? Sauver un chat d'un arbre ? Échapper d'une voiture submergée par l'eau ? La rubrique « Conseils » du New York Times propose un répertoire d'experts pour vous aider à surmonter tous ces défis. À la manière d'un jeu de société ludique et coloré, la présentation invite à cliquer sur les vignettes pour retrouver, dans un autre lien, les articles correspondants. Une façon astucieuse de présenter 70 articles issus de leurs archives de façon graphique et compacte ! | UNE DERNIÈRE LIANE POUR LA ROUTE | Vous êtes déterminé à échapper à la lutte entre Les Anneaux de pouvoir et House of the Dragon ? Pas de souci, Story Jungle vous a déniché une série à ne pas rater. Faire un sevrage numérique pour mieux respirer. C'est l'objectif de deux cousines et colocs incarnées par Tiphaine Daviot et Manon Azem dans une nouvelle série Netflix, intitulée Détox , mise en ligne ce 1er septembre. Pendant plusieurs semaines, les deux jeunes filles tentent d'obéir à leur résolution, avec plus ou moins de bonne volonté. « On va se donner un rendez-vous avec des horaires comme dans les années 1990 », blague l'une d'elles. Une comédie rafraîchissante en 6 épisodes de 30 minutes sur les petits travers de la société numérique ! |
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