Paris 2024 : les JO des influenceurs ?
Depuis que les réseaux sociaux ont redéfini les règles du marketing sportif, le CIO a été contraint de s'adapter et les JO de Paris 2024 pourraient bien être ceux de l'influence plus que de la performance...
Vecteur de valeurs universelles, le sport a toujours été un levier puissant pour toucher des communautés de tous âges réparties dans le monde entier, et les marques l'ont compris depuis bien longtemps. De Michael Jordan à Kylian Mbappé, en passant par Cristiano Ronaldo, LeBron James, Serena Williams ou Conor McGregor, les grands sportifs sont les hommes-sandwichs préférés du marketing moderne, même si eux préfèrent parler « d'ambassadeurs »... Et si l'avènement des réseaux sociaux a amplifié la tendance, il a également modifié les règles du jeu. Désormais, la performance sportive n'est plus le critère principal pour une marque désireuse d'associer son image à celle d'un athlète. Sa personnalité, ses engagements et sa capacité à manier les réseaux pour mettre tout cela en scène comptent tout autant, voire plus, que les records ou les médailles. Et les sportifs jouent le jeu ! Au point que leurs contrats ressemblent de plus en plus aux partenariats conclus avec des influenceurs.
Champion sur TikTok ! «
Nous constatons que les jeunes athlètes fonctionnent davantage comme des créateurs de contenu, souffle Sophie Berman, Head of talent and influencer chez Havas Play UK,
dans les colonnes de Digiday. Ils favorisent désormais ce type de partenariats fondés sur des campagnes qui sont devenues plus courantes et font appel à leurs talents de créateurs. »
Deal plus court (un an en moyenne, contre trois ou quatre auparavant), prestations axées sur Instagram ou TikTok avec une rémunération indexée sur l'engagement et le nombre de followers, le tout signé directement avec l'entourage des athlètes sans passer par les vieux garde-fous que sont les fédérations ou les clubs... Du gagnant-gagnant, en somme.
Aux USA, par exemple, où, sous la pression des grandes agences de management sportif, la Cour suprême a abrogé en 2021 la loi interdisant aux athlètes universitaires de signer des contrats de sponsoring avant d'obtenir le statut professionnel, il n'est pas rare de voir de jeunes espoirs amasser plus de dollars que des athlètes chevronnés de leur discipline. Dernier exemple en date : Jared McCain (oui, comme les frites), basketteur universitaire de 20 ans, qui vient tout juste d'être sélectionné par la franchise NBA des Sixers de Philadelphie et qui, grâce à ses trois millions de followers sur TikTok et Instagram, cumule déjà des contrats pubs avec une douzaine de firmes (dont la marque Crocs et ses chaussures en plastique qu'il contribue à « coolifier » en dansant avec sur les réseaux). Loin d'être le plus prometteur de sa génération, Jared McCain est en tout cas l'un des plus en vue outre-Atlantique, avec sa bonne tête, son
smile contagieux et ses ongles vernis. Ce qui fait dire à Josh Noble, associate director of strategy chez We Are Social, dans l'article de
Digiday, que tout ce beau monde a misé «
sur une star de TikTok plus que sur un véritable joueur de basket ».
Le partenariat rémunéré, nouvelle discipline olympique ? Dès lors, de par leur statut de plus grande scène sportive internationale, les Jeux olympiques représentent un enjeu financier colossal pour les athlètes comme pour leurs sponsors. Décrits comme «
les premiers Jeux des médias sociaux », les JO d'hiver de Vancouver en 2010 ont marqué un tournant dans l'ère du marketing sportif et poussé le Comité international olympique (CIO) à créer
des lignes directrices spéciales pour les médias sociaux afin de «
protéger les détenteurs de droits médiatiques tels que les chaînes de télévision et d'autres grandes organisations médiatiques ».
Affinées depuis à chaque édition, été comme hiver, elles étaient même devenues plus restrictives lors des Jeux de Tokyo en 2020, où les athlètes n'étaient pas autorisés à publier des informations sur leurs sponsors personnels, ni à partager tout contenu provenant des zones accréditées utilisées pour la compétition. Une politique largement assouplie pour cette édition 2024 qui se veut plus jeune et connectée, avec des nouveaux sports à fort potentiel viral comme le breakdance, le surf ou le skateboard.
À Paris,
selon les nouvelles directives en la matière, les participants bénéficieront d'une liberté accrue pour partager leurs expériences sur les réseaux sociaux. Ils pourront prendre des photos et enregistrer des séquences audio et vidéo à l'intérieur et à l'extérieur des zones accréditées, partager des photos sur leurs plateformes de médias sociaux personnelles jusqu'à une heure avant le début de la compétition, et balancer des posts depuis les zones d'entraînement et de pratique, les cérémonies d'ouverture et de clôture, ainsi qu'au sein du Parc des Champions où les athlètes se rassemblent après leurs compétitions pour rencontrer et interagir avec les fans. Toutefois, certaines restrictions demeurent : le contenu posté ne doit pas être à but commercial, ne peut pas inclure des images prises pendant la compétition, et ne peut pas être diffusé en direct ni durer plus de deux minutes en ce qui concerne les vidéos. Mais le CIO précise tout de même que «
les messages de remerciement aux sponsors » sont autorisés, si tant est qu'ils ont seulement pour but de «
vous laisser remercier vos sponsors personnels pour leur soutien de longue date, et non de publier des publications rémunérées ou de promotion d'un sponsor ». La cérémonie d'ouverture promet donc, à nouveau, son lot d'athlètes qui défilent smartphones en main...