Retour sur le « business des influenceurs »
L'émission
Complément d'enquête consacrée au business des influenceurs, diffusée dimanche 11 septembre – 600 000 vues en replay sur
le site de France.TV dans les deux jours suivant sa diffusion, un véritable carton ! –, n'en finit pas de faire du bruit cette semaine. De
TPMP à
Brut, en passant par les community managers des marques, tout le monde y a été de son commentaire. Petit tour des réactions (et on ne résiste pas à apporter notre pierre à l'édifice).
D'abord, de quoi s'agit-il ?
Arnaques, produits dangereux, CPF, dropshipping, promotion de la chirurgie esthétique, le documentaire de France 2 revenait sur les petites magouilles de ces «
hommes et femmes-sandwichs », en s'intéressant exclusivement à ceux issus du monde de la téléréalité.
Des pratiques illégales dévoilées. 650, c'est le nombre de signalements déposés à Bercy pour des arnaques présumées de la part d'influenceurs depuis le 1er janvier. Promos illégales, vente de faux permis, de fausses cartes d'identité, de drogues : ces « influenceurs » développent des business frauduleux, pointés du doigt par l'émission. L'influenceuse Nabilla s'est ainsi fait épingler par la répression des fraudes pour «
pratiques commerciales trompeuses sur les réseaux sociaux ».
«
Nabilla a été condamnée à 20 000 euros d'amende. Pour qu'on se rende compte de la faiblesse des moyens de répression, elle est payée 10 000 euros la story de 30 secondes. En une minute, elle rembourse son amende à Bercy »,
remet en contexte le présentateur de l'émission Tristan Waleckx sur le Twitch de France Télévisions.Des chefs d'orchestre.
Autour des influenceurs, un monde bien organisé. Ainsi Shauna Events, dirigée par Magali Berdah, la papesse de la téléréalité, est une des agences d'influenceurs les plus importantes du milieu. En 2020, elle a engendré 3 millions d'euros de bénéfices. L'agence est elle-même un label de Banijay Talent, l'une des sociétés de la multinationale Banijay, qui produit entre autres
Touche pas à mon poste,
Koh-Lanta ou encore
Fort Boyard, mais aussi...
Les Marseillais. «
Des influenceurs de téléréalité sont des médias contrôlés par les grands groupes (Banijay et Satisfaction), qui ont racheté leurs agences pour pouvoir tout maîtriser. Ils peuvent créer les influenceurs, les monétiser par le biais des agences et relancer leur carrière en les mettant au casting de leurs émissions »,
explique Paul Labrosse, le réalisateur du documentaire. Malin.
Les réactions face au documentaire
La diffusion de l'enquête a suscité de nombreuses réactions.
D'abord chez les marques, qui ont fait leur sel d'une excuse
« bancale » de la part de Magali Berdah en réponse à une question de Tristan Waleckx (l'entrepreneuse a expliqué ne pas porter la montre connectée dont elle vantait les mérites dans un de ses contenus sponsorisés pour cause de tendinite au bras).
Tinder France a ainsi tweeté : «
Désolée, j'ai pas swippé à droite. J'ai une tendinite au bras. » «
Même en cas de tendinite, nos services sont accessibles en ligne »,
a écrit Pôle emploi. «
Une tendinite, pas besoin d'utiliser ses doigts, votre visage suffit à vous authentifier sur votre appli ma banque avec securi pass »,
a poursuivi le Crédit Agricole.« Tous les CM de toutes les marques et institutions de France ont décidé que c'était une bonne idée de se moquer d'une femme qui subit du harcèlement depuis mai »,
a dénoncé la journaliste de Mediapart, Khedidja Zerouali, faisant référence au cyberharcèlement de la part du rappeur Booba.Sur LinkedIn, les professionnels de l'influence sont montés au créneau pour défendre leur business. Selon eux, l'émission n'a fait que caricaturer le business de l'influence, mettant sur le même plan créateurs de contenus et influenceurs de téléréalité. «
Ils ont pris les pires influenceurs de la téléréalité et les fléaux comme Magali Berdah pour essayer d'expliquer les coulisses de l'influence (...). Or la création de contenu rime avec des milliers d'heures de travail, des sacrifices énormes, une passion sans limites, de très gros efforts pour apporter constamment de la valeur à sa communauté »,
s'est énervé Clément Vannier, CEO d'Orus Agency.«
Il est temps de remettre l'église au milieu du village. Cela ne reflète pas le milieu de l'influence. Magali Berdah n'est pas celle qui a inventé l'influence marketing, elle représente un style d'influence qui n'est pas représentatif du milieu »,
renchérit Davidson Li, directeur associé d'Ad's up Consulting, qui réprouve «
les amalgames ».
Finalement,
pour Sophie Cusset, Digital Content Manager chez Engie, l'émission a soulevé un point important. «
Peut-on continuer à appeler "influenceur" toute personne créant du contenu pour une communauté ? Et si on laissait le terme d'influenceurs à la téléréalité et à ceux qui font la promotion de produits drop-shippés qu'ils n'ont jamais testés. Comment pourrait-on alors appeler les créateurs de contenus qui travaillent une influence cadrée et professionnelle ? »
L'avis de Story Jungle : à trop vouloir cibler un public jeune, l'enquête n'a finalement pas brillé par ses révélations, tombant souvent dans la facilité. Il suffit de poser la caméra 1 heure devant ces stars de la téléréalité pour repartir avec des séquences grotesques. Bernard de La Villardière sur M6 connaît bien cette ruse.
On aurait bien aimé, par exemple, plonger davantage dans cette fabrique du vide orchestrée par le Groupe Banijay, à peine effleurée ici. Cela mériterait un complément d'enquête, non ?
En attendant, méditons avec ce visuel repéré sur le compte Linkedin de Time for the Planet.